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La grosse Klinike (2)

Publié le 21 avril 2011 par Yann Frat / Un Infirmier Dans La Ville


Évidemment, maintenant que vous connaissez les gens autour de moi (et que je vous ai un peu soufflé la fin...) vous vous dites, finaud comme vous êtes, que "ouh là ça n'a pas dû être de la tarte...". Sauf que là bien sûr c'est de l'info et de l'analyse digérée de dix ans aprés et revue avec de l'expérience... Parce que moi sur le coup, je n'ai rien vu... Zero doute, zéro question le Yann...
De toute façon pour faire simple, je bossais depuis un an, je payais tranquillement le petit loyer de mon petit 18m² avec balcon, j'avais ma corsa noire avec climatisation, j'avais tous mes amis autour de moi qui finissaient leurs études où travaillaient à peine et on se retrouvait tous les soirs ou presque chez l'un ou chez l'autre, j'avais de l'argent pour mes clopes sans réfléchir... Bref j'étais le roi du monde... Et j'étais tellement content de ma vie que je n'aurais pas vu cinq éléphants au galop dans un couloir... Sincèrement de toute ma vie, je crois que ce furent les années les plus "désinvoltes" si ce mot  un sens pour moi bien sûr...
Donc, non, je n'ai rien vu venir.
Et puis en plus moi je reste fermement naïf et j'estime profondément que quand tu fais de ton mieux sincèrement (ici tu es toujours là, toujours partant pour les changements d'horaires, toujours partant sur les formations même sur tes jours de repos, toujours partant pour bosser les livres de patho chez soi....) je ne vois pas pourquoi on irait te faire chier...
Et puis en plus, pour finir je ne vois vraiment pas pourquoi je m'en serais fait, les cdd se renouvelaient avec une régularité d'horloge (j'en signerai 18 (!) à la suite en huit mois...) et de toute façon mon nom est sur le roulement officiel (ce qui est, rassurez-vous, totalement illégal et faisait hurler un de mes amis entrepreneur... Mais le côté semi-public donne des droits... Dont celui de ne pas respecter le droit justement...), personne ne me reprochait rien si ce n'est bien sûr mon manque d'expérience (j'avais à peine un an de dipôme...) contre laquelle je bossais de mon mieux... Assez vite d'ailleurs on a commencé à me faire participer à des formations (quand même!..) puis à me faire tourner un peu dans la boite "pour que je connaisse la structure" (du coup, je suis allé en geriratrie, en ortho ou ça s'est bien passé et aux urgences ou on m'a demandé texto de revenir "vraiment quand je voulais, on te fera singe dès qu'un poste se libère")... Et on m'a même envoyé au bloc 2 jours pour parfaire ma formation, donc bon...
Enfin pour finir, au bout de sept mois, j'ai demandé à la jeune surveillante si elle ne pensait pas que je pouvais demander un cdi et elle m'a dit toute génée que, oui, j'étais surement "un élément prometteur" et j'ai alors pris un rv avec la maxi chef qui m'a reçu toute coulante avec des mots de "prometteur pour la clinique", "qualité", "application, " etc... Et puis elle m'a dit texte que dès que possible, j'avais un cdi.
Donc pourquoi m'en faire je vous le demande...
Sauf que 15 jours après ce rendez vous, en arrivant dans le service, j'ai senti une ambiance très bizarre autour de moi... Un truc par net, même pour moi qui flottait un peu. C'est Karine qui a fini par me glisser la bouche en coin que "j'avais un message sur ma boite mail" et effectivement c'était un message de la maxi chef, j'étais convoqué d'urgence dans son bureau 10 minutes plus tard (d'ailleurs ça m'a toujours fait rire que les cheftaines ne supportent pas que tu quittes 5 minutes le service pour une clope mais te convoquent des heures entières dans leurs bureaux... bref...)
Et là dans le même bureau volte-face et retournement de situation total : la même qui était contente de moi 15 jours avant, tout à coup me prenait de très haut en me disant qu'ils ne pouvaient plus renouveler les cdd (au bout de 18?), que de toutes façons, j'avais beaucoup trop "carillonné dans tout l'établissement que j'allais avoir un cdi alors que c'est faux" (pouic?) et enfin coup de grace que, surtout, je "faisais des actes sans ordonnances, ce qui était intolérable".
Donc en clair merci, vous finnisez votre cdd de deux jours et vous dégagez, merci, salut et bise au chien. Et si jamais vous allez aux prud homme on vous attaque pour faute lourde, bien sûr...
Et là tout à coup les cinq éléphants m'ont bien sauté aux yeux...
L'après midi même la vieille surveillante vient me voir, chatoune, pour savoir "ce que m'a dit la maxi chef " (comme si elle ne le savait pas tu penses) et je lui explique que je ne comprends rien et surtout pas le fait de faire des actes sans ordonnances (genre comme si on n'avait pas assez de boulot tiens, je vais m'en rajouter pour le plaisir...) Et là elle me regarde en haussant les épaules:

"-Mais si l'autre jour quand vous avez fait les entrées, il manquait les bilans biologiques (note : notre anesthésiste "officiel" étant en dépression les entrées étaient faites par ceux des autres services donc toujours à moitié vides le soir à 18 h pour une CEC et une commande de sang pour le lendemain... Ambiance...) vous m'avez dit en souriant et en faisant le malin que comme les connaissiez par cœur, vous alliez les commander tout seul pour ne pas attendre que l'anesthésiste passe et perde du temps... Donc, vous faites des actes sans ordonnances, vous auriez du absolument attendre le medecin...
- Mais il est passé à 20 heures passées...
- Ce n'est pas une excuse...
- Il aurait été trop tard pour commander le sang alors quoi, on aurait annulée l'intervention?
-Je ne veux pas le savoir!

- Il a confirmé exactement ce que j'ai fait en plus, de toute façon c'est un protocole... Et puis tout le monde fait ça...

-Ce n'est pas une excuse vous auriez du attendre et c'est tout!!! "


Et là j'ai explosé. J'ai déjà fait des scandales dans ma vie, mais celui-ci fut cosmique... Je l'ai carrement traitée de tous les noms, à tel point que les gens faisaient à peine deux pas dans le couloir avant de rentrer dans leurs chambres... Elle me répétait que "c'était intolérable et que je n'avais pas le droit de lui parler comme ça" et je lui ai repondu "sinon quoi? Vous allez me virer comme une merde pour un caprice imbécile en m'accusant tranquillement en plus d'exercice illégal de la médecine? Mais c'est déjà fait!"
...

Je saurais pendant mon pot de départ que c'était bien la vieille + la vipère du Gabon qui avait manœuvré en douce... La vieille parce que je passais bien avec la jeune et que c'était intolérable... Pour la vipère du Gabon, je ne saurais jamais ce qu'elle me reprochait... Que l'on m'aime bien, j'imagine... Vu que c'est elle qui avait manœuvré pour faire avoir son CDI à Jamila histoire de bien pourrir l'équipe pour garder le contrôle... Enfin je ne sais pas et je ne saurais jamais, je sais juste qui n'est pas venue à ce pot de départ: La vipère du Gabon, la vieille, Jamila et... Sancho Pansa.
Ce pot fut d'ailleurs passablement cosmique puisqu'il fétait aussi le départ de Karine qui avait donné sa demission quelques jours après mon éviction... au nom de "ras-le-bol de cette clinique de dingues"...
L'ambiance était donc passablement étrange (c'est d'ailleurs le seul de mes "pot de départs" auquel je suis allé) mais l'équipe (qui bien sûr ne connaissait rien de mes rêveries d'écrivain) m'a alors remis une jolie parure de stylos et je me suis retrouvé à chouiner comme un con dans la tisaneire quand Marie me l'a remise.
Des photos ont été prises de ce jour-là et apparemment, elles sont restées accrochées plusieurs années... A tel point qu'il m'est arrivé deux ou trois fois que des intérimaires ou des étudiants me demandent si je ne travaillais pas à la Klinike avant : "Je ne sais pas ce que tu y as fait, mais apparemment tout le monde te regrette..."


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