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Là où personne n’est jamais allé, l'édito d'Alain Cirou

Publié le 21 avril 2011 par Cieletespace

20080701_AlainC_38.jpg C'est une petite maison en bois, partiellement entourée d’un jardinet clos, devant laquelle posent, par un beau jour d’été, une femme et deux petits enfants qu’elle tient par la main. La maison est accolée à une autre habitation de même style, un peu plus grande, elle aussi typiquement nord-américaine. Et l’on devine qu’il s’agit d’une petite boutique, artisanale, devant laquelle discutent des clients. L’image, sereine, est en noir et blanc et paraît datée. “Mais ça importera peu dans quelques millions d’années”, expliquait alors Carl Sagan, astrophysicien américain et l’un de ceux qui ont choisi, au milieu des années 70, les images et les sons enregistrés sur l’un des premiers CD destinés à voyager dans l’Univers. 118 photos — dont cette image émouvante d’une habitation humaine — et près de 90 minutes de musiques et de messages du monde entier placés, comme une bouteille à la mer, sur les flancs de deux sondes spatiales jumelles, les fameuses Voyager 1 et 2.

Il faut bien l’avouer, on avait un peu oublié ces deux ancêtres de l’exploration spatiale ! Mais trente-trois ans après avoir quitté la Terre, la nouvelle est confirmée : la sonde Voyager 1 entre dans le monde des étoiles ! La nef qui a traversé le Système solaire en plus de trois décennies est sortie du “port” et affronte aujourd’hui la houle et la haute mer. Et pour paraphraser le générique de la fameuse série de science-fiction américaine, Star Trek, elle entre maintenant dans un espace “where no one has gone before” (littéralement : “où personne n’a jamais mis les pieds”) !

La frontière entre la “sphère d’influence” du Soleil (notre port) et le vide intersidéral est une zone floue. C’est là où le flot de particules éjectées par les éruptions de notre étoile se mélange aux multiples vents qui circulent dans le milieu interstellaire. À l’image d’un fleuve qui se jette dans la mer, à l’embouchure, l’eau est douce, puis elle se mélange à l’eau de mer et s’éloigne à une distance au-delà de laquelle on ne trouve plus que de l’eau salée… L’équivalent dans le ciel, de l’espace entre les étoiles.

Arriver là, en vie, n’est pas un mince exploit. Quand la sonde spatiale et sa jumelle ont pris la route du ciel, Jimmy Carter occupait la Maison Blanche et Valéry Giscard d’Estaing résidait à l’Élysée. Les révolutions de l’informatique et des télécommunications s’esquissaient à peine et la confrontation Est-Ouest dominait encore les relations entre États. Quant à notre perception du temps, le chiffre rond de l’an 2000 symbolisait à lui seul “le futur”… Ces engins ont donc résisté au vide, au froid, aux bombardements cosmiques et, grâce à leur source d’énergie nucléaire, ils disposent encore de moyens pour communiquer, à 17,4 milliards de km d’ici, des informations sur la nature du milieu dans lequel ils s’enfoncent.

Par fascination pour leur résistance et leur destin, mais aussi pour les leçons à en tirer sur le “temps de la recherche” — tellement éloigné de celui des médias et de la société — le dernier épisode de la saga des Voyager mérite toute notre attention. Alors que débute le mythique voyage galactique, à cette distance, les messages dans la bouteille sont déjà ceux d’un autre monde… Dont les souvenirs voguent vers l’inconnu.

Alain Cirou

Directeur de la rédaction

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Jupiter, la planète extra-terrestre 

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La version numérique est enrichie des liens vers les podcasts audio.




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