Magazine Société

Une valse de milliards

Publié le 22 avril 2011 par Toulouseweb
Une valse de milliardsL’administration Obama va réduire ses dépenses militaires

Comme souvent aux Etats-Unis, les chiffres donnent le tournis. En voici un nouvel exemple, celui des coupes sombres que le Pentagone va opérer dans ses budgets futurs pour contribuer ŕ la réduction des déficits publics. Environ 400 milliards de dollars d’économies sont prévus sur 10 ans. Impressionnant mais beaucoup moins qu’il n’y paraît ŕ premičre vue, sachant que le budget de la Défense de l’année fiscale en cours se monte ŕ 529 milliards. Y compris une partie considérable de dépenses incompressibles ŕ commencer par les salaires, ou quasiment incontrôlables, comme les opérations extérieures.

Il n’en faut évidemment pas davantage pour inquiéter sérieusement l’industrie qui, sans plus attendre, entrevoit des matins qui déchantent. Et qui se prépare de ce fait ŕ redoubler d’efforts pour s’arroger de nouveaux marchés étrangers, l’annonce de compétitions plus sévčres que jamais.

Jusqu’ŕ présent, peu de décisions concrčtes d’une certaine importance ont été prises, par exemple la réduction de 78 ŕ 38 exemplaires des commandes de C-27J, version américanisée du petit cargo militaire italien de Finmeccanica/Alenia. Mais une épée de Damoclčs est suspendue au-dessus de plusieurs programmes, notamment de l’armée de Terre, tandis que d’autres vont ętre ralentis ou revus ŕ la baisse. D’oů d’âpres batailles au Congrčs, au sénat et dans les couloirs du Pentagone.

Sans plus attendre, on s’interroge sur le sort qui sera réservé au Lockheed Martin F-35, alias Joint Strike Fighter, opération d’une envergure exceptionnelle dont le coűt total est estimé ŕ 328 milliards de dollars. Il est acquis que son tempo sera ralenti, les commandes pourraient ętre réduites, mais dans des proportions peut-ętre limitées, cet avion de combat polyvalent étant destiné ŕ devenir la clef de voűte de l’USAF, de la Navy et du Marine Corps.Reste le fait que les coűts en sont trčs imparfaitement contrôlés, un dépassement d’une soixantaine de milliards a été identifié récemment et ce n’est sans doute qu’un début. Aussi les engagements de partenaires étrangers, dont le Royaume-Uni et l’Italie, apparaissent-ils d’ores et déjŕ comme la meilleure protection du programme, voire une véritable assurance-vie.

Le F-35 est un cas d’école dans la mesure oů il apparaît, depuis son lancement, comme un avion Ťmondialť pręt ŕ écraser sur son passage la totalité de ses concurrents, notamment européens, Eurofighter/Typhoon, Rafale, Gripen. L’aboutissement d’une stratégie bâtie il y a plus de 40 ans, époque oů Washington aidait déjŕ ses productions nationales ŕ s’imposer, pour le plus grand bien de la balance commerciale américaine mais aussi comme instrument d’influence tout ŕ la fois militaire et politique. Le problčme étant, aujourd’hui, qu’une limite budgétaire est atteinte et commence ŕ inquiéter.

Un effet pervers, qui aura aussi un impact sur les marchés d’exportation, est que des voix se font entendre pour douter du bien-fondé du F-35 ou, tout au moins de l’intention d’en commander 3.772 exemplaires, hors achats étrangers, les livraisons devant se terminer en 2035, pour un montant de 272 milliards, aux conditions économiques actuelles. Est-ce raisonnable, justifié, réalisable, de planifier de cette maničre une opération de cette ampleur.

La question est évidemment posée mais le complexe militaro-industriel américain, toujours aussi influent qu’ŕ l’époque oů le Président Eisenhower, le premier, s’en était inquiété, n’est jamais ŕ court d’arguments. Et, dčs qu’il est question de réduire un tant soit peu la voilure, on découvre que les lobbyistes de service sont pręts ŕ proposer des solutions de rechange en principe plus acceptables, notamment des commandes supplémentaires de F/A-18 et de F-16. Une hypothčse qui annonce un nouveau bras de fer des industriels avec Robert Gates, secrétaire d’Etat ŕ la Défense, parti en guerre il y a deux ans déjŕ contre les programmes en difficulté pour l’une ou l’autre raison, qui coűtent plus cher que prévu ou, pire, les armements dont le Pentagone pourrait probablement se passer.

Cet affrontement ne fait que commencer. Il est d’autant moins une vue de l’esprit que la loi impose aux Forces armées d’informer le Congrčs ŕ partir du moment oů un programme militaire dépasse son enveloppe budgétaire nominale de 15%. Dans ce cas, le dossier devient automatiquement public et les risques de révisions déchirantes bien réels.

Les militaires américains affirment volontiers qu’ils sont fiers d’appartenir ŕ une grande maison qui dépense 2 milliards de dollars par jour. La plupart d’entre eux n’ont apparemment pas encore compris que le mondea changé d’époque, Etats-Unis compris. D’oů la perspective de débats …animés.


Pierre Sparaco-AeroMorning


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Toulouseweb 7297 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine