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Pensée du jour

Publié le 04 février 2008 par Tripuniforme

Je voulais partager avec vous ce texte :

Ca commence par l'effet de surprise, puis le dégoût, et enfin quand ce n'est tout simplement pas un rire jaune, un regard fripé et accusateur vous jette un "Comment tu fais pour faire un métier aussi anti-social ? Moi je ne supporterai pas d'être contre les gens toute la journée."
J'avais 20 ans, deux minutes de Police à mon actif, et commençais à comprendre, que désormais, le regard des autres allait définitivement changer à mon égard. Un regard que mon père, lui-même flic, a dû supporter bien avant moi. Un regard qui précède en règle générale une anecdote piquante et pseudo-croustillante sur "Gégé, qu'a reçu une amende alors que c'était pas sa faute et qu'il en avait pour cinq minutes".
J'étais devenu flic, donc anti-gens, voilà une première réflexion qui m'avait laissé coi...
Plus tard, comme sûrement d'autres flics en devenir, alors que j'aimais bien les nouveaux contacts, je me surprenais à les appréhender, à attendre que la question type "et toi tu fais quoi dans la vie ?" soit jetée en pâture au milieu d'une tablée de convives (pas tous idiots heureusement) et ne me révèle leur vraie nature, parfois décevante. Je me retrouvais alors propulsé au centre de répliques de mauvais goût, prêt à recevoir des tomates pourries.
Je devenais le type qui n'a plus le droit de prendre un verre sans se faire taper le coude, ou celui qui ne peut plus parler sans que ses interlocuteurs hors-sujètisent en prunes ou autres bavures grotesques.
On attend les questions intelligentes qui ne viennent que rarement ou jamais, puis que le sujet s'épuise, et à la fin, vous allez dans le sens des autres en niaisant pour avoir la paix.
Avec le temps, on ne fait plus attention, une carapace vous recouvre tout entier, et on ne sait plus qu'une chose à ce sujet, seul un flic peut comprendre un flic.
Flic, c'est 24h/24. On laisse l'uniforme au vestiaire, mais passer le temps à rechercher le mal tous azimuts pendant des heures, on continue de le faire sur la route qui mène à la maison, puis de la maison au Commissariat, puis,... tout le temps ; avec parfois le sentiment d'en faire pâtir son entourage, en les persuadant de faire attention à ceci, à cela, de ne pas fréquenter tel ou tel endroit à telle ou telle heure.
Au début, vous racontez avec une certaine jovialité vos premières interventions, puis en accumulant les horreurs dans votre tête, vous préférez les garder pour vous, en vous promettant de ne jamais reproduire ce que vous avez vu, à la maison.
Les collèèèèègues, comme on dit, avec qui vous partagez du stress, des fous rires, plus rarement des larmes, et que vous avez parfois entendu crier au secours à la radio, deviennent un peu votre deuxième famille ; ceux qui ne ressentent pas cela n'ont pas mis un peu de leur âme dans ce boulot.
Flic, on le devient, bon ou mauvais.
A l'entretien du concours, je me rappelle avoir dit au jury que je voulais voir la réalité du terrain en face. Depuis j'ai été servi, je ne suis plus le même qu'avant, c'est sûr.
Alors à ceux qui disent que flic c'est être anti-social, je dirai simplement qu'ils n'ont peut-être jamais parlé à des femmes battues ou violées, à des mineurs violents sans scrupules et sans avenir, des personnes ancrées dans leur misère et leur solitude.
Ils ne se sont jamais retrouvés des heures durant avec des inconnus à quelques minutes du suicide, ils n'ont jamais eu à mettre des corps humains oubliés, puants et raidis par le temps dans des bâches en plastique.
A ceux qui disent que l'on n'est bon qu'à mettre des prunes, que l'on est jamais là où il faut, je penserai qu'ils n'ont jamais eu à contrôler des véhicules volés de nuit, à rentrer arme au poing dans des locaux en cours de cambriolage, à se recroqueviller derrière une voiture ou des boucliers pour éviter des projectiles, ils n'ont jamais été encerclés par une foule haineuse prête à en découdre, ils n'ont jamais reçu des victimes en pleurs tabassées, menacées, rackettées, humiliées ; ils n'ont jamais été la seule (ou dernière) réponse dans des quartiers dévastés par la délinquance où ils n'ont d'ailleurs jamais mis les pieds.
Les contrevenants mécontents vous répliquent que vous n'êtes pas dans les cités à chasser les voleurs.
Dans les cités, on vous accuse d'en vouloir à la jeunesse en faisant de l'amalgame parfois raciste, et lorsque vous contrôlez certaines personnes on vous sert des "Est-ce que j'ai une tête de délinquant ? Vous voyez bien que je ne suis pas un criminel !", à cela on demande à quoi est donc sensé ressembler un délinquant ou un criminel ?
Flic, je ne sais pas ce qui m'attend dans la journée, quel luxe ! Notre métier reste un mystère pour tant de monde. J'ai la chance d'en connaître les coulisses, pour le meilleur, souvent pour le pire. Parfois, ce boulot me torture, entre erreurs, malaises, impuissance et les bonnes affaires, le sentiment d'avoir apporté de l'aide et d'en voir immédiatement les effets.
Si c'était à refaire, je signerai de nouveau.

merci à Lionelus13, animateur adj du groupe MSN

Amitiés et dialogues entre policiers...


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