L’histoire est un éternel recommencement, et comme le disait Churchill, oublier le passé nous condamne à le revivre. C’est assez inéluctable. Et justement, l’Histoire, avec un grand H, nous a montré bien des choses, notamment en matière de production d’énergie et des aléas qui y sont liés. Ainsi, un certain 26 avril, il y a 25 ans, une centrale ukrainienne expulsait dans l’atmosphère sans frontières une quantité de matière invisible et inodore, chargée d’énergie et de désolation. Mais la France fut sauvée par le délégué interministériel du gouvernement Chirac chargé des énergies et du nucléaire, un petit agité agressif, repoussant de sa seule volonté le nuage à son passage à la frontière. Normal, l’intrus n’avait pas ses papiers, et la France incrédule l’a cru. C’était un rien prémonitoire.
Depuis, il y a eu Fukushima, accident nucléaire majeur, touchant non pas un mais trois réacteurs, sur un territoire exigu, à forte densité de population, vivant localement de sa terre et de la mer. Et si la catastrophe n’y est pas de même nature qu’à Tchernobyl, les conséquences pour l’environnement, donc pour l’homme, sont comparables, mais surtout durables.
Mais ce qui est encore plus comparable et désastreux, c’est la communication faite sur l’événement. On parle maintenant d’un arrêt complet du site japonnais dans quelques mois, puis d’un retour à la normale pour les habitants du coin… Une nouvelle manipulation. C’est oublier qu’en Ukraine, la zone d’exclusion reste 25 ans après, encore totalement invivable avec ses villes fantômes, sa campagne brulée, ses sous-sols souillés, et que les conséquences sanitaires sont absolument désastreuses. Elles touchent aujourd’hui des millions de personnes, au gré des vents, y compris ceux qui n’étaient pas encore de ce monde au moment des faits. Et le temps qui passe n’efface aucun des effets du poison. Mais rien n’est officiellement recensé, comptabilisé. C’est sûr, entre les «évènements» et les malades alentours et dans les pays voisins, il n’y a aucun lien.

Ce qui reste encore aujourd’hui comme un «accident» et non une «catastrophe humanitaire» est symptomatique de la pression du lobby nucléaire et de cette société où il en faut toujours plus. Le risque a toujours été présenté comme mesuré, quantifiable, acceptable, voire nécessaire au vu de la demande… Encore aujourd’hui, le message est martelé inlassablement : un tel accident n’arrivera pas en France, comme il ne devait jamais arriver à Three Mile Island, à Tchernobyl… On en voit les conséquences, elles sont sans frontières. Et curieusement parmi les victimes, il n’y a pas de richissimes hommes d’affaires, pas de responsables politiques… Idem parmi les liquidateurs, il n’y a guère de personnalités pour réparer l’incurie des décideurs.
Les manants, quand ils se marient ou crèvent, ils ne font jamais la une des journaux télévisés.
