A moi de jouer : la piste sablée file le tournis avec sa clameur alentour. Viens vers moi, à l’instinct, sans retenue. Que s’accomplisse notre ronde de vie : chacun de nos croisements vaut épreuve. Mon souffle s’évade dès que je l’ai dans ma ligne courbe de mire. La présence de ce partenaire imposé m’hypnotise, me galvanise. Je dois aller au bout, malgré la funeste pesanteur : air lourd, odeur de plaies, épuisant cagnard, paillettes en feu…
L’impératif : tourner toujours pour être face à lui, saisir son rythme, ses écarts, sa danse improvisée… pour mieux s’enfoncer en lui, jusqu’à la garde ! Esthétisme bestial, inhumaine rencontre ? Peu importe, la puissance du risque magnifie le sacrifice : un jour lui, l’autre moi… Sur l’aire de la dense confrontation, abattre cet ennemi à portée devient ma raison d’être. Approche-toi que je t’accroche en douleur… Nous nous épuiserons jusqu’à la corne, jusqu’au bout des ongles, sans jamais renoncer.
Ivre de mouvements, je peine à lui décocher cette tournée. Je perçois pourtant quelques notes soufflées qui saluent notre éphémère symbiose, avant le glas glaçant qui me fera m’effondrer. Mais avant cela baroudons, heurtons-nous sans rogne et peut-être tutoierons-nous cette grâce salvatrice.
Mixtion matador-taureau



