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l'ensemble de :Flore ou la rage de vaincre :Torpeur à Montluçon

Publié le 27 avril 2011 par Aurore @aurore


FLORE OU LA RAGE DE VAINCRE

INTRODUCTION

Torpeur à Montluçon.

couverture l'ecorchee vive
(couverture sous copyright)

Halte là !

INTRODUCTION

Halte là !

   

   La guerre de 1914 - 1918 apporta bien des déchirures et des démantèlements dans de nombreuses familles. Une solitude immense s'abattit sur tout le territoire. Les grands-parents de notre héroïne disparurent dans ce feu diabolique. Son grand père, Dimitrov Kantorovitch, né le 13 Novembre 1908 en Russie, était un homme respecté de part sa position religieuse ; l’un des chefs religieux de sa commune. Il fuyait son pays par différence politique envers le « berger de l’Oural » redoutable officier gardien des « goulags ». Avec d'autres familles d’Ukraine, pour échapper au courroux de la révolution, il battit la campagne, ne voyant plus que ses pieds ensanglantés. Les plus forts d’entre eux poussaient les charrettes surchargées durant des kilomètres. Ils échafaudaient des espoirs pour une vie meilleure. Au court de son voyage périlleux, il rencontra Manouska Leskoff venue de Pologne, avec ses proches. C’était une petite femme blondinette d’un corps solide comme un roc disait-on. Fatigués, éreintés, bravant le froid, la faim et les maladies, ils traversèrent les frontières et arrivèrent en France. Ils déchargèrent leurs modestes biens à Montluçon, dans le département de l’Allier. A cette époque, c’était un village peuplé de cinq mille habitants. Cependant, le besoin de main-d’œuvre était important et l’offre battait son plein. Peu de français souhaitaient prendre ces postes car le labeur était rude et mal payé. Le bourg vit sa croissance augmenter grâce aux constructions massives de logements appelés « corons » attirant ainsi les paysans qui rêvaient de fortune et les émigrés désespérés. Pour les compagnies minières, c’était facile de séduire les pauvres gens en leur offrant un loyer égal à une journée de travail. Mais à quel prix d’effort journalier ? Ils travaillaient, sans relâche, du Lundi jusqu’au Dimanche matin, pendant 10h par jour pour 5 francs. Parfois ils avaient droit à quelques quintaux de charbon. Les ouvriers oubliaient la couleur du ciel. Descendre toujours et encore dans les profondeurs du noir, le plus souvent accroupis dans des ascenseurs minuscules et dont le bruit vous faisait à chaque fois tressaillir de peur. Descendre encore plus bas et toujours plus bas... afin d'extraire le minerai de fer, l'or noir. Ils avaient pour compagnon une gourde, un morceau de pain, du lard, parfois du fromage ou le reste du dîner de la veille. Enfin, le dimanche après-midi, tant attendu, ils pouvaient se détendre. Ce repos était merveilleux, et, à chaque fois, tant espéré car les vacances, au bord de la mer ou à la montagne, ne devenaient qu’une illusion perdue. A cet occasion, les mineurs revêtaient leurs beaux habits. Ils resplendissaient durant quelques heures, un instant de liberté, un souffle de vie. La bière et le marc coulaient dans les grandes chopes au café de la Louvière. La place du marché devenait salle de bal, des lampions étaient accrochés aux arbres comme si que ce jour était celui de Noël, les jeunes hommes très guindés dans leur seul costume et jeunes filles dans leurs robes de taffetas s'entremêlaient et espéraient les plus belles histoires d’amour. L’après-midi passait à une allure folle. La nuit s’annonçait et nos jeunes regagnaient leur demeure. Certains se risquaient à traîner, malgré les réprimandes des anciens. Un seul baiser donné était montré du doigt. La situation des femmes et des enfants demeurait un tapis sous le pied. Ces femmes ne disaient rien et se plaignaient rarement de leur sort. Les enfants eux aussi descendait dans les mines. Le mariage était une position honorée quand au divorce, cela était autre chose. La femme séparée devenait la risée des villes et des villages.

Tous les Lundis matins, hommes et enfants regagnaient les puits. Lors des temps de pose, des chuchotements s’entendaient dans tous les corons. Les hommes parlaient de la guerre qui sévissait et surtout qui se rapprochait de leur village si paisible. Les grondements des bombes au loin faisaient monter leur inquiétude. Les femmes et les enfants commençaient à se blottir. La Seconde Guerre mondiale rugissait dans son horreur.

  

   Les Allemands prirent d’assaut leur village, sans doute à cause du canal de Berry, qui donnait libre accès plus loin que Tours. Le bourg se trouvait en zone franche, et les ennemis, sans scrupules, expulsèrent certains étrangers polonais, après avoir fermé en totalité et à jamais les mines.

  

   Le 3 septembre 1942, cent quarante trois juifs dont 18 enfants furent livrés par le gouvernement de Vichy aux nazis, et déportés au camp d'Auschwitz. La gestapo avait effectué de nombreuses arrestations dans la région, et avait incarcéré les personnes concernées à la prison de Richemont. Le 4 Août 1944, à cinq heures du matin, ils forcèrent les quarante deux otages à se regrouper et à monter dans un camion encadré de deux autres camions de soldats allemands et d'une voiture légère avec quatre officiers. A trois kilomètres du village de Quinssaines, le convoi tourna à gauche en direction du lieu dit « Les Grises » qui, à cette époque, était un terrain d’exercice militaire et où, l’avant-veille avait été creusée une fosse. L’exécution commença vers 6 h 20 dans des cris épouvantables. Les otages, par groupes de cinq, furent abattus par-derrière pour tomber la face contre terre. A 7 heures, leur besogne terminée, les 80 assassins reprenaient la route.

   M. Picandet, un témoin qui avait entendu des cris et des coups de feu prévint les autorités: le Maire, M Méchain et le Sous-préfet, M. Féa. Ce dernier alla demander à l’État-major allemand, à l’hôtel Terminus, s’il avait connaissance des faits. Mais on lui répondit que les fusillades dépendaient de la gestapo. M. Féa demanda l’autorisation, d’abord refusée, au chef de cette organisation criminelle, de pouvoir exhumer les corps et de leur donner une sépulture convenable ce qui fut fait l’après-midi même. Sous la surveillance des gardes mobiles et des maquisards, en présence des autorités judiciaires et policières, on exhuma les corps et on fit leur toilette. Mais ce ne fut que le lendemain que les victimes furent enterrées au cimetière de Prémilhat où l’on déposa sur la fosse commune une superbe couronne de fleurs.

   Dimitrov mourut fusillé devant les yeux de Manouska qui était sous l’emprise de ses bourreaux, jambes écartées, jupe soulevées, et qui, jusqu’à sa mort, restera dans cette torpeur. Leur fille Marilyn, née bien assise le 21 Mars 1932 dans cette commune, déclarée par la voisine Josépha Boczar, juive, épouse Laprzal, regardait la scène avec effroi, cachée derrière le mur des grands dont les larmes recouvraient leur visage. Elle avait à peine dix ans. Son grand-père avait rejoint le clan des condamnés. Des cris montaient vers le ciel. Les corps étaient étendus, nus, tassés les uns contre les autres, baignant dans leur sang chaud. Rien ne pouvait décrire cette horreur. Les femmes à genoux imploraient la miséricorde. Les enfants s’agrippaient tant bien que mal aux jupes de ces dernières. Les allemands sans larmes, d’un ton autoritaire, séparèrent ces hommes et ses femmes dans les souffrances, d’un coup de sifflet. Les familles juives furent comptées, emportés, bousculées vers des camions qui attendaient. Le siège dura quelques mois. Les moments heureux furent enfermés dans leurs cœurs.

   Après la libération de Montluçon, une cérémonie à la mémoire des quarante-deux otages fusillés fut organisée le 17 septembre 1944 à l'hôtel de ville. Cependant, quatre personnes n’ont jamais pu être identifiées. Ce fut Le massacre de la carrière des Grises.

  

   A la fin de la guerre, les hôpitaux virent affluer des personnes en grandes difficultés mentales, en prise avec leurs terribles souvenirs ; cris et douleurs d’une vie brisée.

   Manouska, ayant apparemment perdu la raison, fut internée dans un institut psychiatrique d'Yzeure près de Moulins, préfecture de l’Allier se situant à une soixantaine de kilomètres de Montluçon. A cette époque, il n'y avait pas de traducteur russe, ce qui eut pour conséquence un mutisme total de cette femme blessée. Les médecins la jugèrent « folle » et « hystérique ». Sa seule maladie fut le dernier regard qu’elle avait posé sur son tendre époux. Mais comment le dire lorsque personne ne comprenait son langage. Ses gestes traduisaient la violence de ce jour des « grises ». Nul mot ne sortait de sa gorge. Ses cordes vocales complètement tendues et durcies, elles ne pouvaient plus émettre de son. Seuls, ses yeux exprimaient son traumatisme. L'incompréhension des infirmiers demeurait totale face à ses gestes qui se débattaient dans le vide, qui parfois battaient le néant!

   Les soignants enfermaient souvent les malades qui montraient une agitation extrême, dans un cachot capitonné. Un séjour qui pouvait durer plusieurs heures, plusieurs semaines, leur infligeant le supplice le plus ignoble : la camisole de force, torse bandé et les poings attachés! Souvent on leur apposait un ruban sur les lèvres de façon à ne pas entendre leurs hurlements!

   C’était des traitements comme les électrochocs ! Souvent les malheureux devenaient des proies propices à l’essai de nouveaux traitements.

   Il y avait dans le regard des patients quelque chose qui criait, qui suppliait de leur rendre grâce. La belle n'était devenue qu’une chose...la belle effarouchée devait accepter... seuls ses yeux pleuraient ...

 

A suivre..


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