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Poker menteur

Publié le 29 avril 2011 par Toulouseweb
Poker menteurL’A320 NEO ne fait pas peur ŕ Boeing.
Fidčle ŕ une tradition bien établie, Boeing affiche une tranquille assurance, quels que soient les développements de l’actualité. Ainsi, alors que l’Airbus A320 NEO remotorisé démarre trčs fort, bénéficie d’un coup d’accélérateur et sera livrable dčs 2015, Boeing joue l’indifférence. Nos clients préfčrent attendre l’arrivée d’un avion entičrement nouveau vient de déclarer en substance Jim McNerney, PDG du groupe américain. Un avion nouveau, pour l’instant hypothétique, susceptible d’apparaître 4 ŕ 5 ans aprčs le NEO. En clair, cela vaudrait le coup d’attendre.
Que sera ce nouveau 150 places ? Nul ne le sait, aucune précision ne venant de Chicago ou de Seattle. On ignore notamment s’il s’agit d’attendre la disponibilité de nouvelles avancées technologiques ou, plus prosaďquement, le moment pour le long-courrier 787 redressera la tęte, financičrement s’entend. Certains analystes estiment en effet que le retard de 3 ans du programme et les indemnisations de clients mécontents pourraient coűter prčs de 10 milliards de dollars ŕ l’avionneur américain. Mais une chape de béton recouvre le dossier et il serait vain de tenter d’en savoir plus.
Autrement dit, Boeing joue la prudence ou tergiverse par obligation. Inutile de compter sur le salon du Bourget pour espérer des précisions et encore moins l’annonce d’une décision. Tout au plus une Ťclarificationť est-elle attendue, ce qui ne signifie évidemment rien. On se dit que si le 737, tel qu’il est actuellement produit, pouvait ętre doté au moindre coűt de moteurs de nouvelle génération de Snecma/General Electric ou Pratt & Whitney, la vie serait plus simple. Comme ce n’est pas le cas, sans doute va-t-on assister ŕ la prolongation de manœuvres de retardement, dissimulées par d’infinies précautions oratoires. En bref, avec de bonnes raisons qui ne sont pas ŕ mettre sur la place publique, pour Boeing, pour l’instant, il est urgent d’attendre, de ne rien faire.
Quid, dčs lors, du NEO ? Depuis qu’il a été lancé, nous en vendons 100 par mois, dit avec un brin d’insolence John Leahy, patron des ventes d’Airbus. Les 300 engagements obtenus par les Européens, rétorque Jim McNerney, ne nous gęnent pas, n’ont pas d’impact réel sur notre clientčle. Et d’ajouter, perfide, que l’A320 remotorisé comble le retard qu’Airbus avait pris sur son concurrent, sous-entendu en termes de coűts d’exploitation. Impossible de commenter, de trancher, d’analyser cette affirmation : en cette matičre, chacun dit ce qu’il veut bien mais si l’A320 Ťclassiqueť était vraiment moins performant que son concurrent américain, cela se saurait depuis longtemps.
Reste ŕ considérer une hypothčse que n’évoque pas Boeing. A savoir que l’A320 NEO, bien que promis ŕ un bel avenir, ne serait qu’une une solution d’attente. La mise de fonds requise, 1,2 milliard de dollars, est en effet relativement minime et ne préjuge aucunement de la suite des événements. Un Airbus A30X entičrement nouveau pourrait suivre rapidement, si Boeing faisait preuve de grande imagination, le moment venu.
On remarque aussi que le C919 chinois et le MS 21 russe n’ont męme pas droit ŕ une petite place dans cet affrontement. Ce n’est pas du mépris mais le constat qu’ils ne joueront pas de sitôt dans la cour des grands. Quant au C.Series canadien, il ne se vend pas et l’A320 NEO lui a peut-ętre porté un coup mortel. C’est d’ailleurs ce que laisse entendre Jim McNerney : en marge de la présentation des résultats trimestriels de la société, il vient de dire, avec un humour qu’on ne lui connaissait pas, que le NEO a fait Ťun bon boulotť en marginalisant le nouveau venu de Bombardier.
On pourrait presque y voir une trace discrčte de complicité entre les deux frčres ennemis, secrčtement heureux de constater qu’ils vont continuer d’évoluer pendant un bon moment dans le cadre douillet d’un duopole que l’on avait enterré un peu vite. Le genre de remarque qui, bien sűr, ne suscitera jamais le moindre commentaire de la part des principaux intéressés.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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