Magazine Politique

Le mauvais souvenir de la présence de Bachar al-Assad au 14 juillet 2008

Publié le 30 avril 2011 par Hmoreigne

 Les chiens ne font pas des chats pas plus que les tyrans n’engendrent des enfants de cœur. Le printemps arabe révèle le vrai visage d’un régime syrien sur lequel les puissances occidentales ont pour des raisons géostratégiques longtemps fermé les yeux. Ce revirement de l’histoire revient en boomerang à la figure de Nicolas Sarkozy qui n’avait pas ménagé ses efforts pour normaliser les relations avec la Syrie, allant jusqu’à inviter son homologue syrien dans la tribune officielle lors du 14 juillet 2008. Une erreur aujourd’hui pointée par Ségolène Royal.

La stratégie de l’Elysée consistant à réhabiliter les dirigeants syriens dans la communauté internationale apparaît aujourd’hui comme un pari qui a échoué. Quand on veut dîner avec le diable, il faut se munir d’une longue cuillère prévient le proverbe. Dans son obsession et son empressement à figurer parmi les grands dirigeants de ce monde, ceux qui tirent les ficelles, Nicolas Sarkozy a agi avec précipitation. Une fois encore, il en a trop fait.

La présence de Bachar al-Assad dans la tribune officielle lors du 14 juillet 2008 aura été le surplus de chantilly qui suscite l’écœurement. “Je dénonce l’intolérable épreuve infligée à tous les Français et à nos forces armées républicaines contraintes de défiler devant la présence inadmissible de Bachar al-Assad, présent à la tribune officielle du 14 juillet, jour de fête pour les libertés républicaines“, avait alors déclaré Ségolène Royal. “Après la visite de Kadhafi, un autre dictateur retrouve ainsi une crédibilité internationale sans aucune contre-partie: ni regret pour les soldats français massacrés au Drakkar, ni Tribunal international pour l’assassinat de Rafic Hariri, ni reconnaissance de la souveraineté du Liban“, “Je suis convaincue que ni le Général de Gaulle, ni François Mitterrand, ni Jacques Chirac n’auraient laissé la France payer ce prix d’une mise en scène humiliante“, devait conclure la présidente de la région Poitou-Charentes.

Avec cohérence, la candidate aux primaires socialistes de 2011 est revenue sur le sujet lors de son passage à France Inter le 26 avril. “Les Français doivent se rappeler que Bachar al-Assad été invité dans leur tribune. Je dis leur tribune car le 14 juillet n’est pas la propriété de Nicolas Sarkozy, c’est la fête nationale française qui rappelle la révolution française. Et aujourd’hui quand le président syrien tire sur son peuple c’est-à-dire tire sur la révolution syrienne, Nicolas Sarkozy se tait. Ce n’est pas acceptable. Nicolas Sarkozy doit dire pourquoi il l’avait invité à ce moment-là et pourquoi aujourd’hui il se tait“.

Le silence diplomatique français sur le sujet était devenu intenable. Le jour même où Ségolène Royal lui reprochait son mutisme, Nicolas Sarkozy s’est exprimé depuis Rome pour évoquer une situation “devenue inacceptable“. Le président français lors d’une conférence de presse avec le président du conseil italien Silvio Berlusconi, a estimé au lendemain de l’intervention meurtrière de l’armée syrienne dans la ville de Deraa, qu’”On n’envoie pas face à des manifestants des chars, l’armée. On ne leur tire pas dessus”. “La brutalité est inacceptable”, “Il ne peut pas y avoir deux poids et deux mesures”, “Il y a une aspiration des peuples arabes à la liberté et à la démocratie” a ajouté M. Sarkozy.

L’Elysée sans se déjuger doit faire face à une partie d’échecs complexe dans un Moyen-Orient rendu plus explosif que d’habitude par le printemps arabe. Le régime syrien dispose pour seule assurance-vie de faire miroiter aux capitales étrangères le scénario “du moi ou le chaos”. C’est compter toutefois sans le poids croissant des opinions publiques internationales sensibles aux images et témoignages véhiculés par les NTIC.

Derrière l’apparence d’un président moderne qui a introduit internet dans son pays, le quotidien libanais francophile L’Orient-Le Jour voit dans Bachar al-Assad “un autocrate prêt à défendre bec et ongles son pouvoir, en usant de brutalité pour écraser toute contestation, même s’il aime se donner l’image d’un réformiste contrarié par les conservateurs de son clan“.

La France se retrouve prise au piège du précédent qu’elle a créé à travers l’intervention militaire en Libye. Les similitudes des situations sont nombreuses mais l’architecture géopolitique régionale dans le cas syrien est beaucoup plus complexe et fragile. Nicolas Sarkozy doué pour le poker dans les situations de crise à la géorgienne apparaît comme un piètre joueur aux échecs sur du moyen terme. Le risque évident c’est que la politique étrangère française soit ressentie comme menée à la godille, sur des coups de tête. Sans cohérence donc et surtout sans les moyens de ses audaces.

Paris a certes convoqué mercredi l’ambassadeur de Syrie pour lui signifier sa condamnation des violences à l’encontre des manifestants mais, à la différence de la Libye, ne remet toujours pas en cause la légitimité du régime syrien, pas plus qu’elle ne demande le départ de Bachar Al-Assad.

La France se défausse sur l’Union européenne dont les Etats membres ont annoncé qu’ils étaient parvenus à un accord préliminaire visant à imposer un embargo sur les ventes d’armes à la Syrie et qui pourrait être suivi par des restrictions des déplacements des dirigeants syriens et des gels de leurs avoirs. Pour le reste, Paris a décidé qu’il était urgent d’attendre.

Crédit photo : capture d’écran France 2 – 14 juillet 2008-

Vidéo 2: se rendre à 13'20

Partager et découvrir

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Hmoreigne 111 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines