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208ème semaine de Sarkofrance : l'autre France de Nicolas Sarkozy

Publié le 30 avril 2011 par Juan
208ème semaine de Sarkofrance : l'autre France de Nicolas SarkozyNicolas Sarkozy entame dans quelques jours sa dernière année à l'Elysée. Il travaille dur pour rallonger son bail. Son épouse maintient un (faux) suspense sur ce bébé qu'on nous annonce pour la dernière ligne droite de la campagne présidentielle. D'un voyage express à Rome, le Monarque a théâtralisé sa détermination à agir contre l'immigration de quelques milliers de Tunisiens en Europe. Il s'est affiché aussi en Corrèze, terre chiraquienne, pour la première fois en 5 ans. Il a même caressé quelques patrons du Web français. Les manipulations sont nombreuses et, comme souvent, bien visibles.
Il aurait pu commenter la hausse des inscriptions à pôle emploi, ou le rapport de l'INSEE sur la précarité en Sarkofrance. Mais non, le Monarque vit dans une autre France.
Manipuler le système
A Londres, dans l'abbaye de Westminster, Kate et William se sont dits oui pour la vie, vendredi. La couronne britannique n'est plus qu'un show télévisé planétaire. En France, quelques jours auparavant, la Sarkofrance s'est emballée sur la rumeur, devenue information sérieuse, que Carla Bruni-Sarkozy était enceinte. Mardi matin, l'épouse fut même surprise dans un centre d'échographie dans un quartier chic de Paris. L'accouchement, « tellement désiré », est prévu pour la fin de l'année.
Le timing est politiquement parfait. Nicolas Sarkozy pourra se montrer attendri, heureux, humain. On croirait presque que cette naissance a été calée sur-mesure. Mercredi, Paris Match publiait une interview sans intérêt. Lundi 2 mai, le Parisien prendra le relais. Mais Carla ne parle pas d'une grossesse qui sera d'abord, et malheureusement, un évènement politique.
Mercredi, Nicolas Sarkozy s'est souvenu que sa loi Hadopi était mal goupillée. Le Monarque n'était pas forcément convaincu de l'argument. Avec Hadopi, il a préféré tacler les utilisateurs plutôt que les dealers du piratage. Il a d'ailleurs invité quelques-uns de ces derniers à participer à un fameux Conseil National du Numérique (CNN). Un « bouzin » qu'il a lui-même créé, lui-même nommé, et lui-même installé. Une sorte de « Medef du Net », a dénoncé un syndicat d'auteurs. Le candidat Sarkozy veut soudainement paraître gentil auprès du « monde de l'Internet ». 
Vendredi, certains comprenaient enfin que ce CNN ne serait pas consulté systématiquement par le gouvernement. Et d'ailleurs, quelle est sa légitimité ?
A tout juste un an de la présidentielle, il était temps de se réconcilier avec qui on peut. Les tentatives de l'UMP pour (re)conquérir l'opinion web 2.0., du fiasco des Créateurs de Possible au nouveau site d'Elysée.fr, une bible pour l'antisarkozysme blogosphérique, ont toutes échoué. Le candidat Sarkozy a quelques soucis à se faire. Il est au Web ce qu'un morceau de bidoche est à un lac de piranhas.
Une savoureuse aubaine .
Inquiéter le système
En Syrie, les massacres se succèdent et se ressemblent. Barack Obama s'est indigné. Nicolas Sarkozy aussi. Mais l'Occident ne fait pas grand chose. En Libye, on envoie les avions. En Syrie, on reste coi. Il paraît qu'il n'y a pas d'alternative politique au dictateur en place El Assad; On disait la même chose de Moubarak et Ben Ali.
Mardi, le président français rencontrait à Rome son homologue transalpin. Berlusconi fait davantage parler de lui par ses frasques sexuelles, y compris rémunérées et avec mineures. Mais Sarkozy devait se forcer à ce mini-sommet. Cela faisait partie d'une mise en scène concoctée à l'Elysée. Depuis des semaines, on a inquiété l'opinion en exagérant le danger d'une vague d'immigration arabe incontrôlée : la Tunisie (11 millions d'habitants) a reçu 300.000 réfugiés libyens. La Sarkofrance s'inquiète pour 20.000 tunisiens échoués sur les rives italiennes en 4 mois. Guéant a promis de renvoyer en Italie les clandestins tunisiens qui traverseraient la frontière. A Paris, quelques rafles ont eu lieu. Puis on a dénoncé l'Europe impuissante. Claude Guéant, puis Laurent Wauquiez et même Henri Guaino avaient ainsi réclamé la suspension des accords de Schengen.
Heureusement, Sarkozy est là, président protecteur et agissant ! Il faut montrer qu'on s'en occupe. En elle-même, la rencontre franco-italienne n'avait aucun autre intérêt que de théâtraliser la réaction élyséenne. Elle dura 2 heures, dont la moitié en monologue devant des journalistes. Berlu et Sarko annoncèrent qu'ils avaient écrit à José-Manuel Barroso, le président de la Commission européenne qu'il conforte les mécanismes de solidarité financière à l’égard de ces États, propose la création d'un régime d’asile européen commun, et travaille à une plus grande harmonisation des politiques d'accueil et un renforcement de l'agence Frontex. Tout ça pour ça...
Sucer le système
Christine Lagarde est empêtrée dans une gentille affaire de conflits d'intérêt. François Fillon avait cru bien faire en publiant une (micro)-déclaration d'intérêt sur le site du gouvernement, pour chacun de ses ministres. Et voici qu'un journaliste curieux a débusqué l'affaire : Lagarde a placé quelques dizaines de milliers d'euros dans la jeune entreprise du fils du patron d'OSEO. Cet établissement public dépend directement d'elle. Vendredi, le site acteurspublics.com l'accusait de n'avoir pas respecté une circulaire du premier ministre qui enjoignait ses ministres de recourir à des tiers indépendants pour la gestion de leurs placements. « La ministre ne partage par l'analyse du journal », a-t-on simplement réagi à Bercy. Ben voyons.
Les ministres de Sarkofrance ont toujours l'éthique en toc. Rappelez vous Eric Woerth. A-t-il menti sur le départ de son épouse du groupe Bettencourt ? Notre confrère Menilmuche s'interroge. En juin dernier, le ministre du budget expliquait que sa femme avait démissionné de Clymène, la société de gestion de fortune de la milliardaire Bettencourt où elle travaillait. Mais finalement, Florence Woerth « a engagé une procédure pour licenciement abusif après son départ de Clymène d'où elle était partie sans aucune indemnité», selon son avocat. Cette propension à sucer le système de la part de nos plus riches est simplement exécrable.
Casser le système
Luc Chatel, ministre de l'Education, a confirmé que 1.500 classes de primaire et secondaire seraient supprimées à la rentrée prochaine. Dimanche, George Tron, secrétaire d'Etat à la Fonction publique, a aussi expliqué qu'on pouvait « encore réduire le nombre de fonctionnaires », même si le nombre d'élèves en classes augmenterait «de 4.500 à 5.000 élèves de plus à la prochaine rentrée ». Tristes sires...
Mercredi, les statistiques du chômage à fin mars laissaient croire qu'on avait moins de demandeurs d'emploi. En fait, c'est faux : la diminution ne concerne que les sans-emplois (catégorie A). Mais le nombre global d'inscrits à Pôle emploi augmente encore. Autrement dit, les emplois créés sont précaires ou intermittents.
Les chômeurs sous contrats aidés (catégorie D) sont aussi moins nombreux, un effet de la réduction des moyens de la politique de l'emploi décidée à l'automne dernier par Nicolas Sarkozy. Enfin, la baisse du chômage des jeunes en mars est due à un recul plus important encore de leurs taux d'activité, comme le note Alternatives Economiques : « la proportion des 15-24 ans qui a ou cherche un emploi a diminué en un an et demi de 1,7 points de pourcentage.»
Lundi, un millier de médicaments supplémentaires seront moins bien remboursés.
Souffrir du système
Jeudi, le candidat était en campagne en Corrèze. Il préférait faire semblant de s'intéresser à la filière bois plutôt qu'à la précarité et aux inégalité de revenus. Il a même trouvé le temps, cette semaine, pour recevoir des présidents d'université. Pourquoi n'a-t-il pas organisé à l'Elysée la remise officielle du dernier rapport, dense et très complet, de l'INSEE sur les inégalités de revenus en France depuis 10 ans ?  Les auteurs de ce dernier livrent pourtant de captivantes conclusions sur l'ampleur de la précarité dans ce pays. 
Les Français ne sont pas riches. Ils sont même nombreux à ne pas être riches. Si la pauvreté globale est stable (8 millions de personnes), la part des très pauvres a augmenté de 28% entre 2000 et 2008. Une famille sur dix souffre de privations basiques; 2,2 millions de ménages vivent avec les minima sociaux. Les très fortunés sont nombreux et leurs revenus s'envolent : +33% depuis 2004 pour les 0,1% supérieurs; les revenus du patrimoine des 10% les plus riches ont progressé de 11% par an en moyenne depuis 2004.
On comprend l'urgence toute sarkozyenne à alléger cette fameuse fiscalité du patrimoine. Dans le feuillet d'auto-satisfaction publié la semaine dernière sur les 4 années de Sarkofrance, les services du Monarque expliquaient sans rire que « les principales mesures fiscales adoptées depuis quatre ans ont été ciblées sur les classes moyennes et populaires.». Mardi, François Baroin a dû concéder, sur CANAL+, que la future réforme fiscale réservait un sacré nouveau cadeau aux plus riches : le bouclier fiscal (700 millions d'euros) ne sera abrogé qu'en 2012, mais l'ISF sera assouplit dès 2011 (1,3 milliard d'allègements). Vous avez bien lu, 700 millions + 1300 millions = 2 milliards d'euros de « bonus » électoral de fin de mandat !  Et  560 millions d'euros du bouclier fiscal ont d'ores et déjà été remboursés en 2011.
Le 30 avril, c'était la fête des précaires. Nicolas et Carla n'étaient pas de la partie.
Ami sarkozyste, où es-tu ?

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