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Les impasses de la promesse frontiste

Publié le 02 mai 2011 par Vogelsong @Vogelsong

(geste à Malakine)

“De tous les partis en déroute sur l’horizon éteint de la politique et des affaires, il ne reste qu’une seule faction active, celle du pouvoir” – R. Vaneigem in “Adresse au vivants”

Il faut fureter sur les blogs pour trouver l’affirmation la plus tranchante de la médiasphère. Si le blogueur X. Malakine a rejoint les confins de la droite nationale, les franges les plus distantes de ce que l’on dépeint de là-bas comme l’alternative au système, il n’en reste pas moins que sur le fond, concernant l’éventualité du FN au second tour des présidentielles il formule : “Ceux qui se déclarent aujourd’hui en faveur de Marine Le Pen, c’est en toute connaissance de cause parce qu’ils souhaitent qu’elle soit au second tour pour y défendre des solutions alternatives, parce qu’ils adhèrent à son projet de retour à la nation et à la souveraineté…”. De ce côté-ci, c’est à dire de la tiédeur politique, qui pense bien dans les clous, ce retour à la nation et à la souveraineté renvoie à une euphémisation bien particulière de ce qui traverse aujourd’hui le pays.

Les impasses de la promesse frontisteParce qu’oublier la crispation sur les boucs-émissaires, quels qu’ils soient, pour prendre en considération des questions largement évacuées du débat, comme l’euro, ou la régulation forte de l’économie (protectionnisme), c’est entrer dans un tunnel sans issue. S’imaginer que le minois d’une blonde relookée, fille de son père, suffit à effacer l’histoire, le passé, et la continuité d’un projet politique qui va puiser sa force au tréfonds du cloaque xénophobe. C’est s’occuper beaucoup de forme et très peu de fond. Parce que l’on aura beau se défendre en psalmodiant la nouvelle xénophilie de la Marine, il n’en demeure pas moins que de toutes ses fibres le parti, les idées, la symbolique, l’inertie et sa dynamique renvoie le Front National à ce qu’il est au-delà de son nouveau vernis de marketing politique, c’est-à-dire un parti post fascisant, avec tout ce que cela comporte (même des intellectuels brillants…). Parce que c’est faire comme si l’intelligence plastique de son nouveau leader était une promesse de changement certain, de volontarisme Sarkozyste factuel. Une projection fantasmatique dans le changement, authentique, pur, pour la grandeur de la France, la félicité des français. Une sorte de bain de jouvence national aussi illusoire qu’ingénu.

Avant de sortir de l’Euro, encore faut-il avoir le débat sur la sortie de l’Euro. Ce que ni l’UMP, ni le PS, ni même le FN ne semblent s’accorder à mettre en œuvre. C’est tout l’un ou tout l’autre, dans un bel effet miroir. Si les uns sidèrent par leurs conservatismes, les autres atterrent, soit par un dirigisme insensé, soit par une légèreté inconsidérée. Car c’est jouer avec des décisions importantes, sur un ressenti populaire à propos de la monnaie européenne, coupable de gonfler les prix à la caisse. Une stimulation émotionnelle destinée à la captation d’un assentiment dont les conséquences considérables ne sont pas totalement mises en exergues. Car sortir de l’euro c’est possible, mais il faut en expliquer à tous clairement les incidences. C’est en ce sens que le ralliement à l’étendard frontiste nouveau profil relève d’une certaine candeur.

Car s’il est un vote d’adhésion, ce vote garde sa particularité primaire. Les agréments sociétaux ne servant qu’à facilité la digestion médiatique du reste. C’est-à-dire la focale identitaire, nationaliste et sécuritaire, dans ses accents les plus réactionnaires dans la France du racisme bienveillant. Il suffit d’écouter, de lire les interviews des responsables du FN, pour découvrir que tout, in fine, converge vers la question migratoire. Cet aimant politique qui fit grandement le succès de N. Sarkozy.

C’est aussi se défausser d’une partie importante du paysage politico-médiatique. Jouer la carte antisystème Front National contre la bien pensance boboïsante et irresponsable en 2011, c’est avoir un certain culot. C’est surtout être totalement hermétique au vacarme médiatique ambiant. Si l’élection de 2002 s’est jouée (aussi et surtout) sur des incidents ponctuels télévisuels (l’agression d’Orléans), celle de 2012 s’engage dans un tout autre état d’esprit. Une ambiance totalement acquise aux thématiques du Front National, dans une inversion édifiante des priorités informationnelles, où le sécuritaire et le migratoire occupent, bien plus massivement qu’auparavant, l’espace. S’attribuer la posture subversive, du Cassandre, face aux périls migratoires dans les traces d’I. Rioufol, R. Ménard ou E. Zemmour, alors qu’ils ne s’évertuent qu’ à accentuer l’écho majeur de ce qui se dit banalement dans l’infosphère, consiste à prendre une attitude grossièrement politicienne. Tout en geignant “on n’est pas fasciste”…

Le cadre national pourrait être une solution de résignation face aux problèmes économiques. C’est à dire un moindre mal. En ce sens, le service minimum pour des politiques de redistributions à caractère social. À condition d’y instaurer une fiscalité juste, faisant peser l’effort au moins dans ce cadre sur les plus pansus. Mais se référer à la nation comme finalité totale, exclusive, glorifiée à la façon d’un P.- M. Couteaux pour mettre en place une politique de souveraineté et de préférence nationale consiste à s’inventer un univers parallèle fait de petits blancs s’égayant dans un environnement de petits blancs. Avec toutes les pesanteurs historiques que cela comporte. La subversion, certaines fois, consiste en un ralliement à la raison quand tout pousse à la haine et à la folie. Une raison, pas celle du consensus mou. Mais du débat, se débarrassant des oripeaux de la politique du bouc-émissaire ethnique ou religieux, pour aborder les questions sociales, essentielles.

Vogelsong – 1 mai 2011 – Paris


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