« Je pense, donc je suis »…Est-ce à dire que si je ne pense pas, j’ai du mal à suivre ?
Mais qui suivre ? Et le suivre où ?
Et pourquoi, au fond, le suivrais - je ?
Suivre et survivre…est-ce que la question essentielle se résume à ça ?
Je pense donc je suivrai…suis vrai…au fait, c’est vrai, suis-je vrai ?
Si je suis, suis-je vraiment vrai ?
Suivrai-je ce qui l’est vraiment ?
Et si je ne pensais pas, sœur, sœurette, dites, que serais-je ?
Et saurai-je…mais que devrai-je savoir ?
-Il s’agit de savoir si tu es. C’est juste histoire de situer.
-D’accord, mais il me semble que si je ne savais pas qui je suis, je le saurais, non ?
-Si tu ne savais pas qui tu es ?
-Si je ne savais pas qui tuer ?
-Mais qui es-tu ?
-Je ne sais pas. Je cherche simplement à savoir.
-A savoir quoi ?
-Justement, c’est ce que je me dis : si je le savais ! Entre savoir qui je suis, qui suivre et qui tuer, je finis par m’y perdre !
-Il faut à tout prix que tu te retrouves !
-Que faire pour ça ?
-Il faut chercher.
-Mais chercher où ?
-En toi, ailleurs !
-Quelqu’un a énoncé un jour : « je pense donc je suis », tu te rappelles ?
-Non, je ne me rappelle jamais rien ; je suis amnésique de naissance.
-Ah ? Dis donc, ça ne se voit pas !
-Merci…mais je n’ai rien à cacher.
-O.k.…mais dis-moi, au fait…j’y pense…sans te souvenir, peux-tu être ?
-Je ne vois pas ce que tu veux dire. De quoi devrais-je me souvenir ?
-Eh bien…de ce que tu étais !
-Ce que je suis me suffit amplement. C’est, en tout cas, ce que je pense.
-Tu penses être ce que tu es ?
-Parfois, j’en doute. Mais passons.
-Est-ce à dire qu’il suffit de penser qu’on est pour que l’existence soit ? Que l’existence serait , en somme, le résultat d’une autosuggestion ?
-Oui, au fond, l’existence est une sorte de miracle de la pensée.
-Alors, tu dis un peu comme Machinchose : « je pense donc je suis » .
-Oui, je pense donc je suis, si tu veux…Quoique je ne suis pas ce que l’on pense !
-Mais qu’est-ce que penser ?
-Qu’est-ce qu’être ?
-Et puis l’on ne pense pas toujours !
-Je connais énormément de gens, même, qui ne pensent que très rarement.
-Alors…ils sont en pointillés ?
-Ce sont des êtres à éclipses.
-A quoi ressemble une éclipse de pensée ?
-A une éclipse de mémoire.
-Mais penser réclame un effort. Moi, dès que je pense, je fuis !
-Tu fuis quoi ?
-Ma propre pensée.
-Cesses-tu d’exister pour autant ?
-Je ne sais pas…Puisque je ne pense plus. J’existe sans le savoir comme d’autres le font pour la prose, hi, que c’est drôle !
-Bôf ! Exister implique-t-il forcément de savoir que l’on existe ?
-Non, sans doute pas, tiens…puisqu’il m’arrive d’exister sans le savoir !
Mais, dans ces moments-là, il va de soi que je ne sais plus qui je suis. Ne me regardant plus exister, je me perds totalement de vue.
-C’est ce que tu disais, « je m’y perds ! »
-Oui ; dans ce cas précis, « qui perd gagne ! »
P. Laranco