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"L'embrasure" de Douna Loup

Publié le 03 mai 2011 par Francisrichard @francisrichard

Un ami vous dit du bien de L'embrasure de Douna Loup, édité par Mercure de France ici. Vous vous trouvez au bon endroit et au bon moment, puisque vous êtes au Salon du Livre de Genève et que nous sommes samedi 30 avril 2011, en début d'après-midi.

En passant devant un stand vous apercevez une jeune femme derrière une pile de livres bleus. Son nom est justement Douna Loup. Vous prenez un des volumes de la pile bleue dans les mains. Vous lisez la quatrième de couverture. Elle reproduit les premières lignes du livre.

Ces premières lignes sont des lignes fortes sur la forêt qui est "quelque chose comme une femme qui voudrait l'homme sans lui dire". Vous avez envie d'en savoir davantage. Vous faites dédicacer le livre pendant que vous y êtes.

Quand vous dites votre nom, la jeune femme qui vous le dédicace fait le rapprochement avec le blog que vous tenez. Même si vous n'êtes pas vaniteux cela flatte quelque peu votre ego, surtout de la part d'une jeune femme. Il n'y a pas, Seigneur, que la chair qui soit faible...

Dans le train qui vous ramène à Lausanne, vous plongez dans cette forêt de mots et vous n'en sortez que bien plus tard, longtemps après être arrivé chez vous, en ayant perdu le boire et le manger. Vous avez jeté un coup d'oeil par l'embrasure et vous n'avez pas résisté à entrer tout entier dans le livre, à l'habiter jusqu'à ce que la dernière page soit tournée.
Le narrateur est plutôt du genre sauvage et solitaire. Il travaille à l'usine - il faut bien vivre - mais il n'aspire qu'à une chose, à répondre à l'appel de la forêt qui veut de lui sans qu'elle n'ait besoin de le lui dire. Aussi, chaque samedi, s'y perd-t-il et y chasse-t-il, seul ou avec son ami catalan Nello. A ce moment-là seulement il a l'impression d'être vivant.
A vingt-cinq ans il a déjà des habitudes de vieux garçon. Il trinque le samedi soir avec des potes au bistrot. Dans son intérieur il ne supporte pas de présence féminine. Il prend seulement quelques amantes - il faut bien que le corps exulte, ce qui permet aussi de se sentir vivant - mais à condition de se rendre chez elles ou de s'accoupler vite fait, bien fait, bonjour, bonsoir, en voisin, voisine, comme des bêtes.
Un beau jour cette vie, sans histoires, est bouleversée. Dans sa forêt le narrateur fait une rencontre improbable. Avec Nello il y découvre un cadavre. L'homme qui gît, Leandro Martin, a réussi, en venant mourir là, une sorte d'accomplissement biblique de sa destinée. Ce qui va nourrir chez le narrateur, jaloux de sa tranquillité, des interrogations sur la vie.

Une seconde rencontre, dans un bar, va tout autant bouleverser la vie du narrateur. Il s'agit cette fois d'une jeune femme de vingt ans, qui s'est prénommée elle-même très symboliquement Eva et qui est d'autant plus vivante qu'elle a survécu à bien des vicissitudes dès son plus jeune âge, quand elle s'appelait Zora. Elle n'est pas comme les autres, bien entendu, et, du coup, rien ne sera plus comme avant, ni pour l'un, ni pour l'autre.

Comme Eva n'est pas comme les autres, mais lui ressemble, le narrateur a peur de se comporter avec elle comme avec les autres. Il aimerait bien que le charme né de leur rencontre ne soit pas rompu et qu'ils restent ensemble côte à côte, chastement, comme frère et soeur. En attendant ils partent à la recherche de ce qu'a été vraiment Leandro Martin avant de venir échouer dans l'herbe de la forêt. Et cette quête va les mener plus loin qu'ils ne pensaient.
Pourquoi est-il aussi difficile de se déprendre de ce livre ? Certes parce que l'intrigue ne laisse pas de répit, mais surtout parce que le style est d'une sensualité gourmande, agréable à lire, et qu'il ne fait que traduire celle des personnages. Sur le fond d'ailleurs cette sensualité des personnages ne s'avère pas incompatible avec l'indépendance des volontés. La vie et la forêt nous réservent ainsi parfois de bonnes surprises.

Francis Richard  


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