L’élection générale canadienne a produit un résultat exceptionnel : un gouvernement conservateur majoritaire; une opposition néo-Démocrate; un Parti Libéral décimé, un Bloc Québécois éliminé et un Parti Vert enfin représenté au parlement.
Le Parti Conservateur du Canada (PC) a réussi l’impossible. Il a gagné une majorité de députés à la Chambre des Communes sans le Québec où il a vu cinq de ses onze députés sortant-de-charge perdre leurs sièges. Trois de ses principaux ministres québécois, dont Lawrence Cannon, vice-premier ministre et ministre des Affaires Extérieures du Canada, ont été défaits Pour une première fois, un parti fédéral a gagné une majorité au Parlement, sans le Québec. C’est tout un tour de force qu’ont réalisé Stephen Harper et ses stratèges politiques. Le PC devait gagner 67% des sièges hors Québec pour atteindre une majorité parlementaire. Réussir cet objectif dans un pays aussi vaste que le Canada, avec une population aussi diversifiée et un paysage politique aussi différent d’une région à l’autre, constitue un tour de force politique hors de l’ordinaire. Finalement, le PC a recueilli 165 sièges, soit dix de plus que la majorité. Même sans ses six élus du Québec, le PC a maintenant 159 députés, soit quatre au dessus de la barre de la majorité. Il peut donc gouverner sans le Québec.
Le Parti Néo-Démocrate (NDP) a aussi connu une soirée électorale unique. La vague de support au parti, prévue par les sondeurs politiques, s’est transformée en un véritable tsunami politique au Québec. Ce parti qui n’avait jamais eu plus d’un député québécois, se retrouve aujourd’hui avec 56 députés sur un total possible de 75. Son chef, Jack Layton, a fait une campagne électorale exceptionnelle. Avec un budget très limité, il a réussi l’impossible. Il a su toucher la corde sensible des Québécois et leur montrer que leur avenir politique se retrouve dans un parti national, un parti fédéraliste. L’handicap, c’est qu’ils se retrouvent dans l’opposition officielle. Donc, loin du pouvoir et de la possibilité de générer les grandes décisions, puisque le parti au pouvoir est majoritaire. Mais cela n’est pas la fin du monde.
La majorité des Québécois ne pouvait faire autrement puisqu’elle n’acceptait pas les politiques et les orientations extrêmes du PC. Le vote stratégique des Québécois a été de renforcer l’opposition sociale-démocrate pour freiner la dérive vers la droite où veut l’entraîner le PC. Ils ont eu raison et avec le NDP, ils réussiront peut être non pas à faire fléchir les politiques du PC, dans un avenir rapproché, mais, petit à petit, à ramener l’opinion publique canadienne vers le centre du spectre politique. Ce qui compte, c’est le temps. C’est l’avenir.
Le gouvernement PC sera au pouvoir un peu plus de quatre ans. C’est vite fait et c’est une période courte dans la vie d’un peuple. Durant ce temps, ceux qui ne sont pas de la droite de la droite, pourront ramener le bons sens dans le débat politique canadien. Je ne suis pas de la gauche, mais du centre-droit, et je me sens confortable de m’associer avec les gens de gauche du NDP pour atteindre cet objectif. Je crois que cette position est essentielle pour corriger le tir du PC qui fait trop american republican party.
Le Bloc Québécois (BQ) nous a cassé les oreilles avec ses lamentations et ses exagérations depuis trop longtemps. Ses grands discours, ses accusations à tout vent, ses gémissements et ses cris contre tout ce qui était de nature fédérale, n’ont mené à rien pour le Québec. Enfin, mes compatriotes ont vu clair et ont conclu : « assez, c’est assez ». De 43 députés, le BQ se retrouve à quatre députés. Ce qui est plus grave pour lui, c’est qu’il n’est plus reconnu comme un parti politique canadien (minimum de 12 députés) et qu’il perd les subventions annuelles de plus de 3 millions de $ (86% des revenus totaux du BQ) que lui accordait le gouvernement canadien. Il était temps que cesse cette absurdité.
Le malheur de cette déconfiture du Bloc est le sort réservé à son chef Gilles Duceppe. Ce dernier est un vrai patriote qui a mis son intelligence et sa santé au service de notre nation québécoise. Il l’a fait en gentleman et il mérite toute notre affection et notre reconnaissance. Même si je n’ai jamais été en accord avec ses objectifs, j’ai toujours gardé une admiration réelle envers Gilles Duceppe. J’aurais bien aimé, qu’avant cette élection, il passe le flambeau du leadership à un autre et mette fin à sa carrière politique fédérale. Il en serait alors sorti avec tous les honneurs. Malheureusement, aujourd’hui, il a dû démissionner devant l’amère et écrasante défaite de ses troupes et en sort humilié. Il ne méritait pas cela.
Le parti libéral du Canada (PLC) a subi une défaite démoralisante. Il s’est effondré. Depuis le scandale des commandites, qui continue à le hanter, le PLC souffre. Son chef Mikael Ignatieff a fait une bonne campagne, mais il a démontré qu’il n’est pas un politicien. Et, le succès politique appartient aux politiciens. C’est malheureux, mais c’est comme çà. Le PLC sort de l’élection avec le plus bas score depuis toujours, 34 députés au Canada dont seulement six au Québec. Alors qu’encore récemment, ce parti était reconnu comme le parti de la gouvernance au pays, le voilà relégué aux limbes politiques canadiennes. Il souffre toujours du scandale politique qui a marqué le gouvernement Chrétien et son étiquette « parti libéral », au Québec surtout, l’afflige. Seul le temps l’aidera. Ignatieff a démissionné aussitôt de son poste et le PLC repart à la recherche d’un nouveau chef.
Je demeure convaincu que le PLC a jugé trop vite son ancien chef Stéphane Dion qu’il a blâmé du piètre résultat lors de la dernière élection. Le résultat de celle d’hier est encore pire que celui de Dion qui avait fait élire 77 députés. Je garde un grand respect pour ce dernier, car j’ai la conviction que le Canada a perdu, en sa personne, un leader intelligent, dédié, sincère et grand.
Le Parti Vert (PV) a enfin fait élire son chef à la Chambre des Communes. Mme Élizabeth May a obtenu la confiance des électeurs du comté Saanich-Gulf Islands de l’ouest canadien, près de Victoria. Ils lui ont donné une très belle majorité. J’en suis très heureux. Mme May est une personne renseignée, charismatique, émotive, éloquente, persuasive et dédiée à la cause de l’environnement. Au parlement, elle sera une porte-parole extraordinaire devant le PM Harper pour discuter des effets désastreux de l’exploitation des sables bitumineux de l’Alberta. Le PM a démontré dans le passé qu’il est insensible aux revendications des écologistes. Enfin, il y aura au parlement, une personne capable et crédible pour lui faire face.
Les Canadiens viennent de vivre une élection extraordinaire à laquelle on référera souvent dans l’avenir. L’histoire du Canada raconte que les Québécois ont toujours été les vrais leaders de la politique nationale et, encore un fois, j’ai l’impression qu’ils agissent ainsi. L’intérêt supérieur de notre pays n’est pas de se tourner vers la droite de la droite, là où veut-nous entraîner notre PM Harper. Malheureusement aujourd’hui, nos compatriotes canadiens des autres provinces, ont été amené à pencher de ce côté. L’unité que les Québécois viennent de manifester en concentrant leur vote sur le NDP, un parti fédéraliste, démontre qu’ils veulent combattre sur le même niveau que les Conservateurs. Il est vrai que nous sommes généralement très sociaux-démocrates et que le NDP répond à beaucoup de nos valeurs. Mais il y a plus dans notre geste.
Nous recherchons des politiques de bon sens, des politiques qui répondent à nos aspirations et je dirais même à celles de tous les Canadiens. Ce ne sont pas les machines politiques des grands partis qui nous impressionnent. Nous venons de le démontrer en élisant au Québec, tous les candidats d’un parti dont la majorité, pensant être battue d’avance, n’a même pas fait de campagne sérieuse pour être élue. Nous avons élu des étudiants comme députés, un anglophone qui ne parle pas le français dans un comté 100% francophone, une députée qui était à Las Vegas durant la période électorale, une autre qui était en voyage en France et qui doit revenir pour accepter son mandat, etc… Ce qui comptait c’était le message.
The conservatives are coming… Il faut les aider à bien faire les choses, à notre goût.
Claude Dupras