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Parution : l'anthologie "Sortilèges" d'ESPRITS POETIQUES

Par Ananda

ESPRITS POETIQUES, 4. Sortilèges, Ed. Hélices, 2011.

Cette petite anthologie constitue le quatrième volet d’une anthologie plus large, baptisée Esprits poétiques.

Elle regroupe 22 auteurs, qui tous écrivent en vers libres, sous la houlette de la dynamique poétesse roumaine Dana SHISHMANIAN.

Comme le souligne bien, en quatrième de couverture, cette dernière, le poète  se «nourrit» du monde, de son propre et perpétuel étonnement face à un monde qui, en soi, lui apparait comme un « sortilège » et, partant, appelle, en écho, le « sortilège » de la poésie : « Le poète s’en nourrit, car il en fait partie. Le poète s’en meurt, car il ne peut rien y changer. Le poète en renait, car il peut en faire un autre, il peut en faire d’autres ».

« Entrons » donc dans le livre, ainsi que nous y invite cette femme passionnée, généreuse et marquée par une certaine quête spirituelle.

Les poètes présents ici sont tous résolument contemporains et, en gros, «  sur la même longueur d’onde » en dépit de leurs différences, de sorte qu’en ce sens, l’on peut dire que l’ensemble est  harmonieux. Est-ce parce que beaucoup de ces auteurs se sont lus entre eux et ont eu l’occasion de se croiser, voire de se fréquenter ? Et, dans ce cas, est-on à même de parler d’une sorte de « mouvance » ?

Ces auteurs-là, en tout cas, représentent la poésie de demain. Une poésie frémissante, sans cesse tendue vers de nouveaux niveaux de quête. Une poésie qui, au travers d’une certaine économie de mots, se cherche…se trouve.

La franco-mauricienne Patricia LARANCO ne voit en nous (êtres humains) que « des cavités, des alvéoles » catapultées « hors du grand cri de l’initial ».

Pour Gaëlle JOSSE, le monde laisse filtrer un sourd désenchantement, lui-même fruit du fait que « les chamanes ont perdu le secret du feu ».

Isabelle LEVESQUE, quand à elle, invoque « La lumière // où nous vivons / nus ».

Luc-André REY nous offre un long poème dont il faut saluer l’effort de travail langagier, ainsi que les dessous ésotériques (« l’éphémère s’en-vaste » ; « écrire // où rien n’est séparé / de la plume / de l’encre / des doigts // et du silence » ; « ce que / regard / nous est / le monde »).

Poétesse dont la sureté du verbe n’est plus à démontrer, la bretonne, l’océane Guénane CADE nous propose de « se cogner contre » tous les murs, puis d’ »accepter / cette niche douce à l’intérieur / en soi-même se bercer ».

Dans son texte, au titre fort explicite, « Décantations », Régis MOULU confie son désir de « fuir [les] certitudes / qui agissent [sur lui] comme des coups de marteau » et nous fait miroiter le profit, l’enrichissement que représente l’acte de décanter « tout son dedans ». C’est là un véritable appel à la vie intérieure.

Ghislaine LELOUP, « dans le roulis des vagues », scande « la question illimitée » en compagnie du « premier Homme », qui sait sa « place […] Entre le premier et le dernier des vivants ».

Une poétesse nettement moins reconnue (pourtant, elle le mérite), Geneviève DEPLATIERE, évoque « le noyau de feu sous la terre / Qui nous tient ensemble » et bute contre le « trop d’espace » qu’il y aurait « entre le corps et l’âme » ; « Une énigme frappe à ta porte. Nourris-là ! » conclut-elle, vibrante.

Autre poétesse qui gagnerait à être davantage remarquée, Sabine PEGLION donne un très beau texte, « Tu ne répares pas » : « Tu étales sur des fils suspendus la détresse du vent et les nuages roulent s’enroulent en emportant l’instant » ; « L’incandescence du geste n’en comble pas la faille » ; « Cicatrice du jour au givre de la pierre », « Tu déploies d’un seul geste l’écharpe bleue d’un ciel […] Le givre t’aspire en un éblouissement ».

Emmanuel BERLAND, le pilier de l’association Hélice Poésie, nous jette « La poésie, ou cela irradie et blesse les yeux / ou c’est négligeable : à jeter aux orties » ; c’est là l’avis d’un homme vrai, d’un homme devenu « sauvage », « feuillu ».

Nous avons ensuite l’occasion de goûter au charme incontestable du texte aux frontières de la prose poétique d’Adrien GRANDAMY : « Quelle paix incertaine / incendie un phénix dans un œuf de lumière ? » ; « la mouche sur ma vitre grimpe jusqu’aux nues / traversant les branchages de l’arbre d’en face » ; « Dans le parc verdoyant les musiciens dialoguent avec le  souffle-monde »..

Nous apprenons, avec Pierre DESBRUERES, que « Le paradis n’est pas perdu / Pour tout le monde », puisqu’ "Il en est dans les ratures / Des écritures de chacun ", cependant que le slameur JYB pousse à fond son grand cri solaire césairien : " J’écris à l’encre de mon sang , / sur le parchemin de ma peau ébèneuse / Et j’exprime mes gènes et mes gênes / Une écriture à l’intérieur, née de la censure des dictatures de pensée […]" ; « Nous n’écoutons nos poètes que morts et/ou reconnus, ailleurs, par les autres ».

François-Xavier MAIGRE, pour sa part, se veut un poète qui « voyage léger / nu au-dedans / dépouillé au plus intime », quoique ses yeux, eux, soient « ouverts », hyper attentifs à la vibration secrète que recèle le monde.

Le Haïtien Anderson DOVILAS, après s’être affirmé « poète / De la main gauche », se dit convaincu (et finit par nous convaincre) que « […] le monde / Est un épi de phrase / Où les crayons sont aplatis / Aux deux pôles » et, pour finir, Jean GEDEON d’attirer notre attention sur le fait que « les dictatures naissent sur de courbes échines / entre un pouvoir qui tente sa masse aveuglée ».

Cette liste de participants au recueil n’est, bien sûr, pas exhaustive. Je n’ai fait que pécher des phrases –  ou des morceaux de phrases - ici et là. Parce qu’elles / ils  me parlaient d’une façon toute particulière. Parce qu’ils me paraissaient faire saillie dans la masse de texte.

Le reste ? A vous de le découvrir, en prenant la peine de « venir visiter » ce petit livre. Si vous aimez vraiment la bonne poésie, vous ne le regretterez pas.

PL.


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