Alors que la tendance actuelle est à la désignation, un peu trop rapide à notre goût, de l’automobiliste comme responsable de tous les maux liés à l’encombrement des routes enneigées (voir à ce propos notre article sur la proposition de loi tendant à rendre les pneus hiver obligatoires), une réponse du Ministère de l’Intérieur à une question écrite d’un député vient de rappeler que les communes ont des obligations de déneigement de la voirie et qu’en cas d’absence d’un tel entretien, leur responsabilité peut être engagée devant le juge administratif.
En effet, les communes qui renoncent au salage pour des motifs liés à des contraintes budgétaires, mais aussi et surtout pour des motifs environnementaux, sont de plus en plus nombreuses, comme on a pu le constater lors des derniers épisodes neigeux. Or, avec ces nouvelles pratiques, on risque d’assister à une augmentation du nombre d’accidents et donc inévitablement à une augmentation des contentieux. En effet, la responsabilité des communes en cas d’absence de déneigement sur leur territoire peut être engagée à double titre.
Tout d’abord, à défaut de transfert de la compétence en matière de voirie à une structure intercommunale, la commune en est la gestionnaire. A ce titre, elle doit assurer l’entretien des voies communales (article L. 2321–2 du code général des collectivités territoriales), ce qui inclut leur déneigement. En cas d’accident, la commune peut donc voir sa responsabilité engagée. Le juge administratif tient cependant compte de la prévisibilité des mauvaises conditions climatiques. Ainsi, dans le cas d’accidents ayant lieu le matin, le juge ne retiendra pas le défaut d’entretien de la voie si la veille au soir les prévisions météorologiques ne rendaient pas prévisibles les conditions météorologies responsables de l’accident (CAA Lyon, 23 décembre 2010). L’exemple tiré de cette jurisprudence concernait une petite commune et on peut raisonnablement penser que le juge serait moins conciliant avec des communes disposant de moyens plus conséquents…
Ensuite, le maire est responsable, au titre des pouvoirs de police municipale que lui confère l’article L. 2212–2 du code général des collectivités territoriales, de la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend notamment le déneigement des voies en vue de permettre la commodité de la circulation publique. Il peut donc également ici voir sa responsabilité engagée s’il ne satisfait pas à ses missions de police municipale. Toutefois, le juge administratif lui laisse une marge de manœuvre et considère que « les mesures que l’autorité de police doit prendre en vue d’assurer le déneigement dépendent de l’importance et de la nature de la circulation publique sur les voies, ainsi que des fonctions de dessertes de celles-ci ». À titre d’exemple, la responsabilité de l’autorité de police n’est ainsi pas engagée en l’absence de déneigement d’une voie considérée comme secondaire, ayant pour seule destination de permettre la desserte d’une unique propriété, et sur laquelle l’utilisation d’un chasse-neige est difficile (CAA Bordeaux, 6 juin 2006). De la même manière, le maire n’a pas l’obligation de faire déneiger une voie ouverte au public et à faible trafic qui mène à une seule habitation, même si le passage d’un chasse-neige aurait été possible. Cependant, dans ce dernier cas, si le requérant apporte des éléments de nature à établir que d’autres voies, présentant les mêmes caractéristiques de circulation et de desserte font l’objet d’un déneigement régulier de la part de la commune, alors il pourra engager la responsabilité de cette dernière (CAA Nancy, 15 octobre 1992).
On le voit, les automobilistes accidentés ont la possibilité, bien qu’elle soit encadrée par le juge, de réclamer des dommages et intérêts aux communes afin de réparer le préjudice qu’ils ont subi. Attention tout de même, le juge tient toujours compte d’une éventuelle faute de la victime pour déterminer et/ou moduler la responsabilité de la commune. Nul doute cependant que la gestion désastreuse par certaines communes des fortes chutes de neige de la fin d’année dernière a provoqué un fort remplissage des prétoires dont on connaitra les conséquences financières dans les prochains mois. Dès lors, l’absence de salage, qui partait pourtant d’une bonne volonté (faire des économies et respecter l’environnement), n’a au final que des effets néfastes : risques d’accidents multipliés et lourde charge financière pour les contribuables. Espérons que la leçon soit retenue et que l’on n’assiste pas aux mêmes erreurs l’année prochaine…
Source : question parlementaire n°94944, réponse publiée au JOAN du 01/03/2011
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