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La vallée de la lune, Jack London

Publié le 05 mai 2011 par Chacalito

vallee-de-la-lune-london.jpg La vallée de la lune est un livre assez personnel de London, un livre dans lequel il a mis plus de lui-même que dans les autres. L'héroïne, Saxonne, est une jeune américaine de Oackland qui trime dans une usine en attendant l'amour, comme toutes ses copines. Elle fréquente moult bals et danse avec de nombreux prétendants, mais malgré son âge avançant, elle ne trouve personne qu'elle aime. Jusqu'au jour où elle rencontre par l'intermédiaire d'un ami Billy, un charretier, boxeur à ses heures. Ces deux-là vont débuter leur vie maritale sur les chapeaux de roue dans un bonheur mielleux et un peu long pour le lecteur... 

Sauf qu'Oakland vit une crise économique et que les grèves commencent. Billy, homme d'honneur et idéaliste, syndiqué tendance socialiste comme le frère de Saxonne, refuse se laisser dicter sa loi par des patrons. S'ensuivent des jours d'économie qui se transforment en jours de rationnement puis en jours de quasi-disette. L'auteur nous montre à quel point vivre en ville en période de crise économique est impossible tant le travailleur dépend d'une machine. Le Talon de fer, là encore, écrase l'ouvrier pourtant organisé.

Tout bascule pour le couple guimauve malgré la bravoure de Saxonne (femme au foyer). Billy se prend d'amitié pour John Barleycorn, Jean grain d'orge, sous entendu l'alcool. La dégringolade continue jusqu'à un point de paroxysme qui mène le boxeur en prison. Saxonne se retrouve seule et la vie de misère est admirablement bien décrite. D'ailleurs, il est intéressant de noter que là-bas, les pauvres pratiquaient la pêche à pied. Comme chez nous, en Bretagne finalement où avant de devenir un truc très tendance, cette activité n'était pratiquée que par les familles modestes qui ne pouvaient pas se nourrir convenablement.

Au retour de Billy, Saxonne l'entreprend de son projet: puisque la vie est si dure en ville, c'est qu'il faut partir à la campagne. Devenir paysan. Un thème incroyablement contemporain. Pour ma part, je pense de plus en plus que paysan est un métier d'avenir et bien qu'urbain jusqu'au bout des ongles, je suis un farouche opposant à l'idée de métropolisation. Ces villes qui exploitent la campagne me scandalisent et mon idéal résiderait plutôt dans la solidarité accrue entre villes et campagnes. Bref...

La Californie est un territoire nouveau au début du 20ème siècle et, comme dans les romans de Steinbeck, l'immensité est encore au rendez-vous! Peu de monde et beaucoup de terres. Chose assez troublante: la position de Billy concernant les étrangers. On a du mal à percevoir si c'est le personnage ou l'auteur qui pense ainsi. Remettons les choses dans leur contexte, on est dans les années 1910, la main d'oeuvre importée (les "jaunes"... pas au sens chinois, mais "traîtres") sont d'ailleurs... mais tout de même! Il y a quand même dans le livre une sorte d'apologie de l'américain dans certains passages. Dans d'autres, c'est l'inverse: quand Billy et Saxonne se retrouvent à la campagne, ils constatent que les portugais réussissent à tirer d'une terre bien plus qu'un américain car ils ont le sens paysan qui fait défaut aux américains.

californie.jpg
Cette deuxième partie du livre est plus initiatique. Après l'Enfer, le purgatoire et la recherche du paradis! Une longue quête en Californie, dans le Nevada ou l'Oregon pour trouver la terre idéale, la Terre Promise, cette "Vallée de la Lune" (j'ai retrouvé des coins que j'ai l'impression de connaître par Steinbeck comme Monterrey ou par P. K. Dick comme Berkeley mais à une autre époque!). Billy est dans le rêve de grandeur, mais le temps passant, la raison leur fait comprendre que l'on peut vivre sur peu de terre. La fin du livre a une tendance André Pochon (voir le Peuple breton du mois de mai), le paysan qui a gagné plus en travaillant moins et en polluant moins!

Un bon livre dans l'ensemble. Difficile d'abandonner la lecture d'un conteur comme London. Malgré un nombre certain de pages et quelques longueurs, on a du mal à décrocher! Je suis obligé de citer certains passages (édition 10-18, 1974) pour montrer comment l'auteur a su percevoir (on est au début du 20ème) la tromperie de ce système qu'on a voulu faire croire "pur et parfait":

"Un jour, à la marée montante, elle vit l'eau couverte de melons (...). Tous sans exception avaient été abimés par une coupure qui y laissait entrer l'eau salée (...)

- Voilà ce que font les gens qui ont de trop (...) C'est pour maintenir les prix. Ils les jettent par dessus bord à San Francisco.

- Mais pourquoi ne pas les donner à des gens pauvres?

- Il faut maintenir les prix.

- Mais, de toute façon les pauvres ne peuvent pas les acheter. ça ne pourrait pas nuire aux prix.

- Je ne sais pas. C'est leur habitude. Ils fendent les melons de sorte que les pauvres ne puissent les manger en les repêchant..."


(note personnelle: pour ceux qui ne le savent pas, les supermarchés jettent de la nourriture, des tonnes et des tonnes de nourriture et certains y déversent même des produits pour éviter que des gens viennent se servir. Vous comprenez, il ne faudrait pas qu'ils portent plainte s'ils sont malades!). 

Une façon plaisante et ludique de devenir anti-capitaliste! A contre-pied des métropolistes, un retour à la terre étonnament contemporain. Avec la seule différence qu'à l'époque dont il est question, tout était à construire et qu'aujourd'hui, la majeure partie de la production industrielle a été laissée à d'autres pays. Il nous reste l'agriculture... raison de plus pour faire vivre les paysans de leur travail et pas de subventions!


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