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209ème semaine de Sarkofrance : Sarkozy, en 2011, apprend toujours à être président

Publié le 07 mai 2011 par Juan
209ème semaine de Sarkofrance : Sarkozy, en 2011, apprend toujours à être président« Je ne vous trahirai pas. Je ne mentirai pas. Je ne vous décevrai pas.» C'était son slogan de vainqueur, au soir du 6 mai 2007. Il y a donc 4 ans. 209 semaines plus tard, pour ce quatrième anniversaire, Nicolas Sarkozy nous avait préparé une belle séquence, partiellement ruinée par la mort d'Oussama Ben Laden.
Une interview de Carla, un long entretien de Sa Personne dans l'Express, un meeting de l'UMP, et même un séminaire gouvernemental sur le « bilan » de ses 4 ans de mandature. Nous y sommes, c'est la dernière ligne droite. Dans un an, J-365, nous serons fixés. Bref, la persistance de mauvais sondages a encouragé Nicolas Sarkozy à accélérer la cadence.
Show médiatique
Lundi, les Français devaient se précipiter dans les kiosques à journaux pour dévorer la longue interview de la Reine Carla par 6 lectrices et lecteurs du Parisien. Après le mariage planétaire de Kate et Williams, la béatification télévisée de l'ancien pape Jean-Paul II pour laquelle la Sarkofrance catholique dépêcha son premier ministre, on allait tout savoir de ses états d'âmes, de ses envies pour 2012, voire, mieux, de sa grossesse dévoilée trois jours avant. Un bébé Sarkozy pour 2012, quel coïncidence merveilleuse ! Manque de chance, la veille, un commando américain avait tué l'ennemi public numéro un, Oussama Ben Laden lui-même, dans la banlieue de la capitale pakistanaise. Barack Obama en avait fait l'annonce quelques heures plus tard à la télévision. Le président américain, une fois de plus, avait ruiné une belle séquence médiatique franco-française concoctée à l'Elysée.
Quelle tuile ! Oussama avait volé la vedette à Carla !
A lire le Parisien, on comprit quand même que Carla Bruni-Sarkozy était toujours « charmante », « abordable », et « très amoureuse ». Si elle n'évoqua pas sa grossesse, elle cachait son « petit ventre » de la curiosité du photographe présent. On apprit qu'elle était devenue « ultra-sarkozyste » (le contraire nous aurait surpris),  qu'elle n'était « plus du tout, du tout de gauche », qu'elle voulait, pour la campagne de 2012, « peut-être participer plus à la vie politique, l'accompagner à des meetings. » Sarkozy est candidat. Sans blague ?
Ouvriers contre écolos
Lundi toujours, le candidat Nicolas avait reçu quelques représentants d'associations écologistes pour déjeuner. Il s'agissait de faire le bilan du Grenelle. Conciliant, le Monarque promit un audit de la Cour des Comptes sur les coûts du nucléaire. Mais le lendemain, le ton avait changé. Visitant une centrale nucléaire à Gravelines, dans le Nord, il fustigea les « irresponsables » qui ont « perdu leur sang-froid » à cause de la catastrophe de Fukushima. « On n'a pas le droit de jouer sur des peurs moyenâgeuses pour remettre en cause des choix qui font la puissance de notre pays.» Il faut le comprendre. Le candidat parlait devant des techniciens d'EDF, casqués comme il les aime pour ses photos de campagne.
Il avait décidé de se payer les écologistes pour mieux flatter quelques ouvriers. Pas un mot sur le vrai débat atomique, l'évaluation des risques, le recyclage de centrales à bout de souffle, ou la sécurité des salariés. A Fukushima, on a découvert un peu tard que l'électricien TEPCO, l'EDF local, n'avait pas pris les mesures de sûreté nécessaire pour ses propres personnels.
Un peu plus tard, il alla se faire photographier devant les 8 cercueils des Français tués dans l'attentat de Marrakech, sur le tarmac d'Orly. Devant son pupitre, il put jouer au George Bush de pacotille, et promettre que le crime ne resterait pas impuni; que la France traquerait les coupables des années durant s'il le fallait. Sarkozy n'est jamais aussi bon que dans ces hommages aux victimes. Il n'avait pas besoin de promettre une traque séculaire. Dès le lendemain, les autorités marocaines annonçaient l'arrestation de 3 suspects. L'un d'entre eux aurait déjà avoué.
Mauvais sondages
Les interprétations sondagières du moment sont souvent trompeuses. A droite, les supporteurs du Monarque expliquent qu'il est normal que les Français soient mécontents, vu la gravité du contexte international. On tente de nous faire oublier que Sarkozy bat des records d'impopularité depuis ... novembre 2007. Cet homme-là a déçu avec une rapidité déconcertante : d'agitation médiatique en débordements bling bling, Sarkozy a désacralisé sa fonction, décrédibilisé la parole politique, affaiblit la voix de la France.
A gauche ou dans les cercles médiatiques, on insiste sur les records d'impopularité que Sarkozy battrait à un an de l’élection présidentielle. Il s'agit de nous faire croire que la bataille électorale qui s'annonce est au pire pliée d'avance, au mieux prometteuse d'un suspense incroyable. La dernière enquête de TNS-Sofres crédite ainsi le Monarque de 17% d'opinions favorables sur son bilan. Jamais, note la Sofres, n'a-t-elle mesuré un tel mécontentement vis-à-vis du bilan d'un président sortant à un an du scrutin suivant. On nous rappelle que Valéry Giscard d'Estaing en 1980 en était à 43%; François Mitterrand en 1987 à 56% et Jacques Chirac en 2000 à 49%. Les comparaisons sont délicates. On oublie que ces deux derniers présidents sortaient chacun d'une cohabitation immobile.
Tout est fait pour nous faire croire que Nicolas Sarkozy n'a plus ses chances. Et pourtant...
La reconquête
Pour son quatrième anniversaire à l'Elysée, le Monarque livra une longue interview au magazine l'Express de Christophe Barbier. Pour une fois, il ne voulait pas laisser aux autres, commentateurs ou opposants, le monopole du bilan. 4 ans de critiques ou de louanges, ça finit par laisser des traces. Comme toujours, les questions étaient pour l'essentiel complaisantes, et les réponses systématiquement lénifiantes. Rien d'incisif sur les conflits d'intérêts, les pressions sur la justice ou les médias, le Bling-bling, les promesses non tenues car irréalisables. Non, Sarkozy avait le champ libre pour promettre une nouvelle politique étrangère fondée sur ... les droits de l'homme et la démocratie. Sans rire ! Il pouvait mentir sans contradiction, comme sur la prime des 1000 euros, qu'il promet pour 8 millions de salariés quand à peine 2 millions seront réellement concernés.
Il fallait le lire pour le croire... Sarkozy était hors sol, dans sa bulle.
Il pouvait jouer au modeste, au Président humble et enfin habité par sa fonction : « être président, cela s'apprend à chaque minute » fut la version 2011 du « j'ai changé » de 2007.
A l'Elysée, la cellule de campagne constituée autour de Franck Louvrier, de Patrick Buisson, de Pierre Giacometti, et du fidèle Brice Hortefeux, est déjà au travail. Elle avait préparé les éléments de langage et demandé aux troupes de défendre leur Monarque. Le story-telling était au point : primo, Sarkozy a sauvé la France de la catastrophe. Le contexte international prétendument inédit est l'excuse majeure du maigre bilan. Secundo, Sarkozy a initié toutes les réformes promises. Tertio, la rupture a bien eu lieu et les Français vont enfin s'en apercevoir.
Obéissant, François Fillon convoqua donc « ses » ministres pour un « séminaire ». L'artifice était un peu gros. Il s'agissait surtout de motiver la presse à venir l'écouter prononcer 25 minutes de discours contraint en faveur de 4 années de réformes. Obéissant toujours, il parla de « révolution culturelle ». On croyait que le gouvernement devait ... gouverner le pays. Mais ce matin, la trentaine de ministres devaient plutôt plancher à huit-clot sur la cause électorale de leur Monarque.
A l'UMP, Jean-François Copé organisa un meeting pour lui aussi participer à la reconquête de l'opinion. Trois cents militants plutôt âgés écoutèrent sagement leur secrétaire. Copé exigea du sang-froid, insista sur la gravité des crises subies depuis 5 ans, loua le leadership de Nicolas Ier.
Le 6 mai au soir, les jeunes militants lancèrent cequafaitsarko, un site... pour jeunes. Le bilan de leur mentor est si maigre que l'exercice fut bien difficile. Ils rappelèrent que 160.000 jeunes actifs « pourraient » bénéficier du RSA Jeunes. En septembre dernier, Marc-Philippe Daubresse, alors secrétaire d'Etat à la jeunesse, ne promettait que 15.000 bénéficiaires. Ils ne seraient que 5.000.
Henri Guaino, ce conseiller en discours, partit... discourir. « Sarkozy a sauvé la France du désastre ». Rien que ça ! L'ancien gaulliste n'a pas la formule modeste. Copé, mercredi soir, ajouta : « on vient de se prendre cinq crises en cinq ans : une crise monétaire qui a a failli ruiner les épargnants, une crise économique, une crise sociale, une crise environnementale, une crise géopolitique. » Vendredi, Brice Hortefeux, sur RTL, complétait sur toutes ces réformes initiées et les premiers succès. Et Nicolas Sarkozy aurait affronté avec brio la plus grave crise « depuis 1929 ».
Les mensonges
Bref, les superlatifs mensongers, voire grossiers, ne manquaient pas cette semaine. Les uns après les autres, les proches du Monarque justifièrent l'impopularité de leur patron par cette crise inédite. On réécrit toujours l'histoire pour excuser ses propres fautes. 2007-2011 serait une période plus grave que la seconde guerre mondiale, la fin des Trente Glorieuses et son chômage de masse, ou les deux chocs pétroliers ou la révolution iranienne. Même le réchauffement climatique, la fonte des glaciers, la disparition de la couche d'ozone et la pollution des sols seraient des phénomènes récents apparus à peine Sarkozy élu. Plus c'est gros, plus ça passe.
Le Monarque Nicolas serait ce Grand Leader, ce Président visionnaire, qui, initiant la Rupture (car, rappelez-vous, « il faut changer pour rester soi-même »), protégea les Français des ces catastrophes à répétition. A l'occasion de ce 6 mai 2011, nous avons publié un court résumé alphabétique des promesses non tenues du candidat Sarkozy. La liste réelle est bien plus longue. Pouvoir d'achat, droit de l'homme, emploi, solidarité, justice, sécurité, il n'y a pas un item où le bilan du Monarque ne soit pas négatif.
Même contre la crise, l'argument sarkozyen est fallacieux. La France a mieux résisté que d'autres grâce à son modèle social, ses cinq millions de fonctionnaires, ses 2 millions de chômeurs indemnisés, sa dizaine de millions de retraités dont les pensions ne sont pas gagées en Bourse (malgré les tentatives encore récentes de l'UMP de favoriser la retraite par capitalisation).
En 2007, le candidat Sarkozy promettait de rompre avec ce fichu modèle qui nous a sauvé du désastre.
En 2008, Sarkozy n'était pas le pompier, mais le pyromane. Pour 2012, il compte sur notre amnésie collective.
Ami sarkozyste, prépare-toi. Cette campagne est la dernière.

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