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Taxis : la réforme à reculons

Publié le 07 février 2008 par Bernard Girard
Les taxis ont gagné : leur profession ne sera pas déréglementée et leurs tarifs vont augmenter. Pour un gouvernement qui dit vouloir réformer la France, il y quelque chose qui ressemble à un contre-exemple. Mais reprenons le fil.
Pour la troisième fois en quelques mois (en septembre dernier, le 30 janvier et le 6 février), les taxis se sont mis en grève bloquant la circulation un peu partout en France. Leur cible : les projets de déréglementation contenus dans le rapport Attali. On remarquera l'insolite de cette grève qui vise non pas une loi, pas même un projet de loi mais quelques lignes d'un rapport dont nul ne sait s'il sera appliqué. Ajoutons qu'en septembre dernier, les taxis n'avaient même pas l'excuse de ce rapport pour bloquer la circulation et faire rater leur train ou leur avion à des dizaines de malheureux qui n'y pouvaient mais.
Le succès de ces mouvements s'explique sans doute par la sociologie de cette population de travailleurs indépendants qui se fréquentent beaucoup dans les stations, ne manquent jamais une occasion de se plaindre (à les entendre personne ne travaille plus qu'eux) et ne gagnent pas très bien leur vie. Le chiffre d'affaire de la profession (55 590 conducteurs) ne dépasse pas les 3 milliards d'$, ce qui fait un CA de l'ordre de 54 000€ annuel par conducteur. Une fois payées leur voiture, l'essence et remboursé leurs emprunts, il n'y a effectivement pas de quoi rouler sur l'or même si certains s'en tirent mieux que d'autres. Cela pourrait les inciter à rechercher une autre organisation de leur profession. S'ils ne le font pas, c'est que le système actuel les enrichit sans rien faire. Oui, sans rien faire!
Le nombre de "plaques" délivrées par les préfectures, plaques indispensables pour travailler, étant depuis des années bloqué, les prix de celles-ci ont monté jusqu'à atteindre des sommes absurdes (190 000€ à Paris, 300 000€ à Nice). Cette augmentation du prix des plaques de taxi est un effet secondaire, inattendu du chômage de masse qui a introduit dans le métier une nouvelle population : des salariés qui ont perdu leur emploi, perçu des indemnités et qui doutent de la possibilité de retrouver un emploi rapidement. Le métier de taxi leur parait "facile" (conduire un taxi ne demande pas de grandes compétences, il suffit de trois mois pour se former) et sans grands risques (investir dans un commerce est certainement plus risqué que d'investir dans une plaque de taxi). Résultat de ce décalage organisé de l'offre et de la demande, l'achat de la plaque est devenu un excellent placement. La même plaque parisienne qui vaut aujourd'hui 190 000€ en valait 120 000€ en 2000, soit une progression de 60% en 7 ans. Qui dit mieux? Il n'y a pas que les capitalistes qui s'enrichissent en dormant!
Pour financer cette plaque, mais aussi leur voiture, les taxis empruntent. Les remboursements réduisent leurs revenus, d'où ces plaintes et protestations permanentes. Comme ils ne veulent pas d'une déréglementation qui réduirait la valeur de leur plaque, qu'ils sont pris à la gorge par des coûts toujours plus élevés, que les tarifs sont administrés, ils demandent aux pouvoirs publics de régler leurs problèmes. Un jour, ils manifestent et obtiennent la détaxation du carburant, le lendemain une augmentation des tarifs plus ou moins déguisée (comme il y a quelques mois par la modification du début et de la fin des heures de nuit). Mais qui dit augmentation des tarifs dit réduction du nombre de courses. En 1960, les taxis effectuaient 20 prises en charge par jour, ils n'en réalisent plus que 13 par jour.
Il serait intéressant de calculer l'effet d'une baisse des prix des taxis sur la circulation automobile. A partir de quel moment, il serait plus intéressant pour les parisiens de prendre un taxi plutôt que leur voiture. Si des études de ce type existent, elles sont bien cachées. En attendant, les pouvoirs publics que les derniers sondages ont affolé, cèdent, rendant un peu plus illisible leur politique. Mais c'est une autre affaire.

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