Je vaque à mes affaires chez moi, à l'étage et j'entends tout d'un coup chanter et siffler quelqu'un dans la rue principale du village, en-dessous.
Chant et sifflet accompagné d'un raclement de pelle, du grincement des roues d'une brouette, c'est le cantonnier. Il chante, il siffle, sur l'air du pont de la rivière Kwaï : " Il fait beau, beau, beau.... 19°C il fait beau, beau, beau, 19°C..."
Je me penche à la fenêtre, je le vois s'activer dans la rue déserte. Tous les commerces ont fermé les uns après les autres au fil des ans, Amou ressemble de plus en plus à un village fantôme du far-west mais il est là le mec, qui balaye, qui pousse sa brouette, revêtu d'un gilet fluo flaschi jaune, il chante, seul dans la rue pour annoncer sa joie aux gens clacquemurés derrière leurs fenêtres comme moi, arc-bouté contre le temps, debout, rayonnant, le visage baigné dans le clair soleil de ce beau matin de mai, il chante sa joie à Amou et au monde. Il a lu la température sur le panneau de la pharmacie, seul commerce qui résiste encore... Il chante et il siffle !