ROCAMADOUR, bord de la D 673.
J'en appelle au silence.
Et la route hurle sous les roues des motos.
Le vent s'aiguise dans les hautes tensions.
Le vrombissement d'un tracteur ébranle la colline.
Des chasseurs zèbrent le ciel de stridences supersoniques.
Y a-t-il encore un oiseau pour chanter ?
J'en appellerai bien à l'amour mais,
Englués dans leur siège baquet,
Ficelés par leur ceinture de sécurité,
Coincés entre volant et volière qui jacasse à l'arrière,
Tous les sens rivés à l'asphalte,
Sono bardant leurs oreilles d'épines,
Vite, plus vite, encore plus vite.
Le moteur s'emballe rouge sang.
Les pieds emplafonnent l'accélérateur.
Dressés sur leurs montures au nez enferraillé,
Les preux chevaliers de la route,
Croisent le fer, froissent la tôle.
Corps disloqués, fini l'amour, vive la mort
Y a-t-il encore du silence lorsqu'il n'y a plus rien.
Le charme des sirènes ? Allons donc!
Le bateau tangue, il va sombrer.
La clameur des alarmes file vers les hôpitaux blancs.
Flaque rouge aux relents de gazole sur la chaussée,
Décidément le silence s'enfuit par tous les interstices.
J'en appellerai bien à l'amour mais,
Cartes du tendre et cartes routières, mélangent leurs itinéraires.
L'odeur d'essence masque les parfums de la peau.
La solitude brouille les chemins du cœur.
Et le sexe à tout prix prend le pas sur l'épris.
L'amour s'achète dans les monoprix.
Préservatifs à l'unité, ou en boite de douze,
La pilule est dure à avaler.
J'en appelle encore au silence mais
Dans le désert glacé des villes,
Le silence claque des dents.
22/05/2004