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Libéralisme & fariboles

Publié le 14 mai 2011 par Copeau @Contrepoints

Je le confesse, et sans aucune honte, je suis libéral autant qu’on peut l’être. En bon libéral, j’accepte toujours la discussion avec ceux qui ne partagent pas mes points de vue, en vertu du principe exprimé par le plus grand Président que les États-Unis aient connu qui disait aux partisans de l’esclavagisme : « Je déteste tout ce que vous dites, mais je détesterai encore plus un pays ou vous ne pourriez pas le dire. »

Libéralisme & fariboles

Ce qui m’amène à mon sujet, c’est-à-dire au moment ou je n’ai plus envie de discuter avec celui qui est en face de moi non pas parce qu’il serait incompétent, ce qui peut se corriger, mais parce qu’il est de mauvaise foi, ce qui est insupportable. Je me surprends à dire, « Monsieur brisons en là, vous êtes un âne » quand on m’oppose les arguments suivants :

1° « Le libéralisme est d’origine anglo-Saxonne et en y adhérant vous trahissez le génie français, exprimé par exemple dans les Lumières. »

Voila deux grosses bêtises en une seule phrase. D’abord une bonne moitié des grands théoriciens du libéralisme dans l’histoire ont été français (citons au passage Montesquieu, Benjamin Constant, Say, Tocqueville, Bastiat, Rueff, Raymond Aron, Jean-François Revel qui, tous, se sont attachés à expliquer la relation qui unissait le marché à la démocratie) tandis qu’une bonne partie du reste ont été autrichiens (Von Mises, Hayek, voir mon héros Schumpeter), les anglo-saxons constituant une illustre cohorte, mais sans doute moins fournie en nombre (mon préféré étant Milton Friedman tant il avait comme Bastiat le génie de la vulgarisation).

Ces esprits faibles confondent la réflexion théorique avec l’application dans la réalité. Le fait que les élites gouvernantes françaises n’aient jamais voulu appliquer le libéralisme dans la pratique si l’on excepte de courtes périodes au 19e siècle et un peu au début de la Ve République alors que les États-Unis et l’Angleterre s’en inspiraient massivement porte simplement condamnation de la nullité de nos élites qui ont amené en deux siècles et demi notre pays de la première puissance mondiale à un Land allemand et du plus grand créateur culturel à un pays rempli de musées et mort à la culture. Quant aux Lumières, le libéralisme représente, et représente seul la pensée des Lumières appliquée à la création de richesse et à la seule justice sociale qui compte, c’est-à-dire comment arriver au plein emploi. Le fait que le mot « Lumières » ait été capturé au 19e siècle par des gens qui soutenaient et soutiennent encore le socialisme et son cortège d’assassinats, de génocides, de ruines financières et économiques relève de la captation d’héritage. Le libéralisme a comme clé de voute la liberté, comme son nom l’indique, tandis que pour le socialisme, c’est le goulag.

2° « Le libéralisme est d’extrême droite. »

Quelle imbécillité foudroyante ! Au 19e siècle, trois personnes débattaient dans la sphère politique. Le conservateur, qui pense que pour régler les problèmes, il faut en chercher les solutions dans le passé et empêcher tout mouvement (Metternich). Le socialiste, qui a un plan dans sa tète sur la façon dont les choses devraient marcher et qui veut conquérir l’État pour l’imposer par la force (Lénine en version dure ou Mitterrand en version molle). Le libéral enfin qui pense que les progrès se font par petits sauts minuscules, améliorant le sort de tout un chacun et que pour cela la liberté est nécessaire et que l’État dans le monde moderne est le principal ennemi des libertés comme l’avait fort bien compris Jouvenel par exemple. Les socialistes qui dominent le discours actuel nous servent le sophisme suivant sans cesse : vous êtes contre l’augmentation du poids de l’État dans l’économie, donc vous êtes en faveur des riches, donc vous êtes contre les pauvres. À cela une seule réponse : pendant les années Mitterrand, les dépenses sociales ont augmenté plus vite en GB avec madame Thatcher qu’en France, parce que là-bas, on avait favorisé les entrepreneurs à la place de les faire fuir. Du coup, les Anglais bénéficiaient du plein emploi et les pauvres étaient plus riches chez eux que chez nous et surtout , ils retrouvaient leur dignité en trouvant un travail.

3° Le libéralisme serait la loi du plus fort appliquée à l’économie.

Le libéralisme, c’est le règne de la loi et non pas des hommes ou du social clientélisme. Prenons un exemple. Le secteur financier (dans lequel je travaille) a capturé le système politique, ce que l’on a fort bien vu dans la dernière grave crise économique (voir pour plus de détails dans Libéral mais non coupable) et tout cela a été légalement autorisé par des hommes politiques qui avaient été achetés. Les banquiers et financiers n’ont pas gagné d’argent en mettant leur capital en risque (la base du libéralisme) mais en achetant la complicité des gens au pouvoir, ce qui n’a rien à voir avec le libéralisme et tout avec le social clientélisme, cette horrible maladie de la démocratie. Par exemple, permettre la fusion des banques d’affaires et des banques de dépôts comme l’a fait l’administration Clinton aux USA a été un véritable crime dont nous payons encore le coût. Dans un pays libéral, de plus, l’État ne serait pas intervenu pour manipuler le coût des prêts hypothécaires à la baisse pour acheter les voix des électeurs avec l’argent d’autres électeurs et nous n’aurions jamais eu de crise immobilière.

Je ne doute pas que les lecteurs vont réagir à cette petite philippique et ce serait bien normal et bien sûr, je serai ravi de leur répondre. Cependant, s’ils veulent m’entreprendre sur l’un de ces trois points, ils doivent savoir que je risque de m’énerver. Le plus simple s’ils veulent éviter de se faire engueuler, serait sans doute qu’ils lisent d’abord Un libéral nomme Jésus, Libéral mais non coupable et enfin L’État est mort vive l’État. Et en plus, ça fera plaisir à un homme charmant, mon éditeur…


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