Magazine Humeur

Pourquoi le pays des monstres gentils ?

Publié le 16 mai 2011 par Rsada @SolidShell

usa_death_penalty_monster.jpg

Cet article n’est pas un énième flashback pour ramener quelques trentenaires nostalgiques au temps où Casimir régnait sans partage sur l’Ile aux Enfants. Amis lecteurs, vous êtes invités à plonger au cœur de l’Amérique qui, il y a quelques jours encore, se réjouissait de l’exécution d’Oussama Ben Laden.

Bienvenue aux Etats-Unis, le pays où la peine de mort est une tradition depuis 1608.

Pierre Desproges disait en son temps : « On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde » ! Si une étude de novembre 2010 tend à prouver que seuls 33% des américains demeurent favorables à la peine de mort, un français désireux d’entretenir de bonnes relations avec un partenaire d’outre-Atlantique sera bien inspiré d’éviter ce sujet controversé, surtout si ce dernier est originaire d’un état du sud des Etats-Unis particulièrement prolixes en la matière.

A l’exception de faits-divers sordides où la possibilité d’appliquer la peine de mort est revendiquée par quelques protagonistes, le sujet est traité dans les médias comme dans les conversations à la manière d’un lointain et triste souvenir que l’on préfère effacer. Robert Badinter, ancien Garde des Sceaux et artisan de l’abolition de la peine capitale dans notre pays en parle comme de « la bête immonde » qui n’a pas encore été éradiquée.

Hamida Djandoubi, criminel tunisien, fut la dernière personne exécutée dans notre pays. Il a été guillotiné le 10 septembre 1977 à la prison des Baumettes à Marseille.  En octobre 2011, nous fêterons le 30ème anniversaire de l’abolition de la peine de mort en France.

1608 : année de la première exécution en Virginie, membre des Treize Colonies britanniques d’Amérique qui deviendront plus tard les Etats-Unis d’Amérique que nous connaissons actuellement.

La légitimation américaine de la peine de mort s’appuie sur le Deuxième Amendement de la Constitution américaine datant de 1791. Ce dernier donne à chaque citoyen la possibilité de disposer d’une arme à feux pour assurer sa propre défense et celle de l’Etat.

A partir de 1967, jugeant la peine de mort contraire à plusieurs amendements et estimant ce châtiment comme cruel et exceptionnel, la Cour Suprême des Etats-Unis suspens de nombreuses exécutions. Elle imposera par la suite un moratoire entre 1972 et 1976 qui sera appliqué sur l’ensemble du territoire.

Dès 1976, les exécutions reprennent dans 41 Etats américains qui ont décidé de réintroduire la peine capitale dans leur législation.

Dans les 10 dernières années, plus de 600 détenus (femmes et hommes) ont été extrait des couloirs de la mort pour être exécutés.

Connaissez-vous les « Death Row Inmates » ? La traduction la plus littérale est « Détenus dans le couloir de la mort ». En y accolant le nom de l’un des 34 Etat américain où la peine de mort est en vigueur, vous avez de fortes chances de tomber sur la sinistre galerie de portraits de femmes ou d’hommes qui attendent que leur soit communiquée la date de leur exécution. Au Texas ou dans l’Ohio, ces pages comptent parmi les plus consultées par les habitants et les différents délits et crimes des détenus y sont référencés. Spécificité américaine : le nombre et l’origine ethnique des victimes y sont clairement précisés.  

Les plus intéressés peuvent naviguer sur Pro-Death Penalty (aucune traduction nécessaire) ou sur Death Penalty Info qui explique les méthodes d’exécution dans tous les Etats concernés. Après avoir lu cela, si votre sang n’est pas glacé, vous serez devenu incollables sur l’injection létale (1074 exécutions depuis 1976), l’électrocution (157), la pendaison (3), le peloton d’exécution (3)ou sur….la chambre à gaz (11) !

seringues_injection_letale_lethal.jpg

Le règne de l’injection létale

Une exécution par injection létale répond à un processus précis respectant la législation de l’Etat procédant. Si l’Ohio et Washington ont adopté le principe d’un seul et unique produit à administrer, tous les autres Etats procède au moyen du « 3-drug protocol ».

Le blog de soutien au condamné à mort Roger McGowen précise les modalités exactes du protocole :

Selon le protocole de Chapman, une fois que le prisonnier a été placé sur une civière et correctement attaché, deux aiguilles intraveineuses sont placées dans ses bras et reliées par une ouverture dans le mur à "l'antichambre" où le bourreau a pris place. Une solution saline est envoyée par les intraveineuses. Suit une procédure en trois étapes:

  • Un anesthésique, en général du thiopental sodique (connu sous le nom de "Pentothal"), provoque un profond sommeil et une anesthésie générale. Avec la dose convenable, la concentration critique du produit chimique dans le cerveau est atteinte dans les 30 secondes. Puis la solution saline est envoyée à nouveau par les intraveineuses.
  • Un agent paralysant, tel que le pancuronium bromide (''Pavulon''), le chlorure tubucarine ou la succinylcholine, est injecté. Ce sont des relaxants musculaires qui provoquent la paralysie du diaphragme et des poumons. Ils agissent entre 1 et 3 minutes après l'injection. Puis, une fois encore, la solution saline est injectée par les intraveineuses.
  • Un agent toxique (ce n'est pas le cas dans tous les Etats), comme le chlorure de potassium, est injecté à une dose mortelle pour provoquer l'arrêt du cœur. Une minute ou deux plus tard, le condamné est déclaré mort.

L’exécution par injection létale s’est imposée peu à peu contre toutes les autres méthodes car jugée comme la plus respectueuse de la dignité humaine et la moins douloureuse pour les condamnés. Aujourd’hui remise en cause au niveau fédérale, l’injection létale peut à tout moment faire l’objet d’un avis défavorable de la part de la Cour Suprême des Etats-Unis.

Pour parer à cette éventualité, tous les Etats conservent une méthode d’exécution alternative et « offrent » aux condamnés à mort  la possibilité d’opter pour une sentence autre que l’injection létale.

Le Département à la Justice de l’Etat du Texas très à cheval sur la publication des comptes publics, affiche régulièrement le prix du « cocktail de la mort ». Ce cocktail est la combinaison des trois produits utilisés lors d’une exécution par injection létale. En 2010, le cocktail moyen a été tarifé à 84,08 $ ! Cette somme n’est pas facturée aux familles des condamnés comme c’est l’usage pour le prix de la balle servant à exécuter certains condamnés à mort en Chine. 

En 2010, plusieurs évènements surprenants sont venus enrayer le bon fonctionnement de la Justice américaine

Le premier est la décision du laboratoire américain Hospira de fermer son usine italienne qui était la seule à produire le ThioPenthal Sodique utilisé lors des injections. Souci majeur car ce produit n’étant pas fabriqué aux Etats-Unis, cette fermeture à provoquer une pénurie obligeant les Etats à puiser dans leurs stocks pour procéder aux exécutions.  

Le deuxième est venu du Royaume-Uni et de sa décision de suspendre la fourniture des produits chimiques utilisés par Hospira dans la confection du ThioPenthal Sodique.

Troisième et dernier évènement, toujours en Europe, où le Parlement Européen s’est élevé contre la participation indirecte de membres de l’Union Européenne aux exécutions américaines, usant ainsi de pressions sur l’Allemagne et l’Autriche qui fournissaient également certains composants chimiques.

Ces contretemps n’ont pas entaché la volonté des Etats à poursuivre leur désir de faire appliquer leur Justice en remplaçant le ThioPenthal Sodique par le PentoBarbital fabriqué par la Laboratoire danois LundBeck. Ce nouveau mélange est fortement contesté aux Etats-Unis puisque de l’aveu même de certains vétérinaires, aucun n’utiliserait celui-ci sur des animaux car sa composition infligerai des douleurs violentes.

L’Oklahoma n’a eu aucun scrupule le 16 décembre dernier lors de l’exécution de John Duty en lui injectant ce « cocktail de la mort » nouvelle génération.

A la manière de Fernand Ouellette : « Crois-tu que la vie soit un passage d'une mort à l'autre ? Faut-il vraiment transiter par tant de morts pour arriver à vivre ? »


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Rsada 587 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte