Mon ami Papu, est donc venu m’apprendre que ça chauffait au quartier. Dès qu’il a béou1, une doumgba2déflagration se fit entendre. Un bruit énooooorme!!! J’ai cru que des chars avaient investi notre QG3. J’entendais des jeunes téméraires, qui voulaient se jouer les lions4en restant là à guetter les mouvements, dire qu’il s’agissait plutôt de la réplique du CECOS.
Il y a eu des échanges de tirs à l’arme lourde tout l’après-midi. Moi, Yoyo, je me devais de rester choco, même en pareilles circonstances, donc pas question de paniquer.
Mais je vous assurent que les tirs furent impressionants. Des détonations qui ressemblaient à de violents coups de tonnerre. Le temps s’assombrit méchamment. La scène devint chaotique.Un 4x4 de FDS traversa le quartier à vive allure. Ils ont pris position sur une petite pente là, un terrain stratégique. Certains d’entre eux sont descendus du véhicule, se sont mit en position de tir. Equipés jusqu’àààà, Rambo n’a rien fait! Ils ne se parlaient pas, mais ils se comprenaient. Si tu voyais leurs regards.... Ils ont brandi leur zagazaga5. Non, faut pas t’amuser! Les quelques jeunes qui voulaient se jouer les Django6en restant dehors, ont mit dedans7.
Puis, les tirs ont commencé à se taire petit à petit. Le calme revint tout doucement. Dans le quartier, même si tout le monde a déserté le coin, effrayé, certains mettent un pied dehors pour tâter le terrain. On prend des nouvelles. On visite ses proches voisins. On rassure les mamans et les plus jeunes. On donne des conseils aux plus fargiles. C’est ce qui me plaît au quartier, en Côte d’Ivoire, en Afrique. Dans la difficulté apparaît la solidarité, les gens s’entraident, se serrent les coudes. En tout cas, dans mon quartier, c’est comme ça que ça se passe.
Papu est revenu me voir en compagnie de Tito pour me donner les news du front. Ils m’ont raconté comment certaines personnes armées jusqu’aux dents ont infiltré le glôglô8 situé non loin du camp de la gendarmerie. Ces personnes ont commencé à tirer à la kalachnikov. Les CRS ont débarqué et ont mis le feu. Face à la riposte, les attaquants ont sorti des lances-roquettes. Les CRS ont alors dégainé un armement à la hauteur de l’attaque. Et là, on a assisté à un battle de sons d’armes derniers cri des deux côtés.
Nos discussions s’enflammèrent dans la bonne humeur, avec une inconscience doublée d’une insoucience déconcertante, quand tout à coup....
BOOOOOOUUUUUUUMMMMM!!!!!
Un giga-méga coup de canon a déchiré le ciel. WOBOU!!!!!!Les vitres ont tremblé. Les murs dansaient le brake dance. L’écho retentit d’une manièèèèère...
On s’est tue, un coup! On s’est regardé. Figés.Non. Là, là, choco ou pas choco, tu vas avoir peur.Je n’entendais même plus mon coeur battre. Mes oreilles faisaient win-win-win!!!Je regarde oooh, je vois Papu et Tito qui se sont couchés par terre, souhêêê9... Les mains sur la tête.Tito a brisé le silence par un "Wèèèèèèèèèèè!!!! Les gars, c’est ça on dit guerre a commencé là. Tu'a douter?!
1 Béou: partir2 Doumgba: gigantesque, gros, large3 Nous appellons "QG", notre quartier, l’endroit où on aime bien chiller4 Se jouer les lions: jouer les braves5 Zagazaga: mitraillette6 Se jouer les Django: se jouer les durs, les courageux7 Mettre dedans: fuir, détaler8 Glôglô: quartier précaire9 Souhêê: doucement