Yoyo Yako!
Hummmm ! Mais la crise là nous lime dè! Moi Yoyo, la go choco, on m’a mise au chômage technique. Hey ! Seigneur ! C’est vrai que cette crise, initialement appelée « crise post-électorale », est devenue une crise « tue-le-moral ».
Ce matin, mon chef me demande : « Tu peux m’accorder quelques minutes s’il-te-plaît ? ». Shuuuuuu ! Kèssepasse ? Il est poli comme ça ce matin ? Non là, ya drah ! Ce n’est pas normal. Le boss a un séreux souci. Et quel souci ?! J’allais le savoir bien assez tôt. Après les salutations d’usage, il enchaine : « j’ai une mauvaise nouvelle ».
Là, mon cœur se coupe !
Je ne veux même pas savoir de quoi il s’agit. Tout ce que je sais, c’est qu’il a dit « mauvaise nouvelle ». Et dans la situation difficile que l’on vit actuellement là, on tend vers le pire chaque jour qui passe. En clair, plus les jours avancent, plus la crise creuse ta tombe. Donc, moi, j’ai compris que j’avais déjà un pied dans la mienne. Ou peut-être même que j’étais déjà morte, mais je ne suis pas encore au courant, alors on a mandaté mon boss pour venir me l’annoncer. (Là, je commence à dérailler).
Je ne pouvais plus parler. La seule idée qui m’a traversé l’esprit c’est « reste naturelle. Fais tout pour ne pas qu’il voit combien tu es troublée ». Je me suis alors redressée sur mon siège et j’ai esquissé un petit sourire. N’importe quoi ! Qu’est-ce qu’il fichait là ce sourire ? Ya erreur sur la commande là, les gars ! Quand t’en arrive là, c’est que c’est la fin. Quand ton corps ne réagit plus aux commandes de ton cerveau… Que ton cerveau ne se comprend plus lui-même. L’électronique a disjoncté. Tu perds tous tes moyens. Là, faut raccrocher les gants.
Mais rien n’y a fait, je suis restée là, bêtement, interdite. Je crois que j’ai perdu l’ouïe même pendant un moment, car lorsque le sang est redescendu de mon cerveau, j’en étais à la partie « chômage technique ». J’avais raté tout l’épilogue. Toute la partie qui explique le pourquoi du comment. J’ai tout raté. Puis j’ai respiré un bon coup. J’ai cligné des yeux... Il a dû s’écouler de longues minutes. Je sais plus. Je crois que là, tout foutait l’camp. Et quand je suis revenue à moi, j’en étais à la partie « sans solde ». Ok, donc là je suis officiellement dans la merde.
Bizarrement, à ce moment là, j’ai ressenti une espèce de sérénité qui ne dit pas son nom. Une sorte de calme incompréhensible. Physiologiquement, il se passa une alchimie anarchique. J’ai fait un voyage spatio-temporel peut-être, je ne sais pas comment expliquer cet état. Ici en Côte d’Ivoire, on dit que « cabri mort n’a pas peur de couteau ». C’est vrai, je le confirme. A cet instant là, je pouvais me prendre un pieu dans la poitrine, un gourdin sur la tronche ou une lance dans le pio-pio*. Pas de problème, je gère. Il me semble même avoir demandé à mon boss s’il n’avait pas un peu de coke à me filer, dans une vanne toute pourrie, genre pour détendre l’atmosphère – signe de désespoir.
Dans un rire jaune, il me fait savoir que je recevrai le courrier officialisant cette disposition dans la semaine. Là, je sais ce que ressent un cabri mort, et il n’a vraiment plus peur de couteau !
- « Quand est-ce que cette mesure prendra effet ? », ai-je tenté. - « Cette semaine. »
Ah, ok! Donc, dans le même entretien, j’apprends que je n’ai plus de boulot, que je n’allais plus manger et que c’est imminent. Destination finale !
* Pio-pio: dans le langage de mon enfance, il s'agit de la partie charnue de la région du bassin chez l'homme