La peinture de Marc Desgranchamps, juxtaposition troublante de perspectives vaporeuses et de thématiques contemporaines, est incontestablement une des mieux maîtrisées que nous proposent les artistes français d'aujourd'hui. Mais c'est un art cruellement isolé.
Avant de jouer savamment des translucidités et des glissements progressifs de perspective, Desgranchamps produisait des tableaux tranchants, où des personnages longilignes qui lui ressemblaient, peints en des couleurs franches et presque dures, cohabitaient dans un espace muet et absurde.
Puis, dans les années 1990, sa technique a évolué radicalement, créant une sorte de fondu-enchaîné pictural, immisçant des avions ou des machines modernes dans des paysages vides et comme nostalgiques. Dernière innovation en date, un peu incongrue : des petits rappels de grands tableaux classiques, comme les "bergers d'Arcadie" de Poussin, apparaissent sur ces toiles, tenant davantage de l'écran en incrustation que du classique collage pictural.
Desgranchamps serait-il en panne d'inspiration pour procéder à ces essais peu concluants ?
En tout cas, son oeuvre déjà constituée plaide pour lui : elle est une des plus innovante et aboutie de la scène plastique française. Totalement personnelle, elle est malheureusement isolée dans des recherches formelles qui parlent à notre époque de manière très allusive. L'intemporel est sans cesse menacé par l'artificiel et il faut encourager cet artiste de grand talent à mieux nous donner les moyens de voir le monde comme il le voit.