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Procès de l'enfermement des enfants étrangers : compte-rendu

Publié le 18 mai 2011 par Unpeudetao

7 jeunes étrangers, mineurs au moment de leur enfermement, ont témoigné samedi 14 mai, devant le tribunal d’opinion réuni pour juger l’Etat français, constitué de M. Sérgio Pinheiro, ancien expert de l’ONU, président, assisté de Claire Brisset, la première défenseure des enfants, et Me Roland Kessous, avocat général honoraire.

Victimes des zones d’attentes, quatre jeunes filles sont venues dire publiquement ce qui leur a été infligé à leur arrivée en France :

-  Williana, 12 ans en janvier 2009, attendue à Orly par son père français, a relaté sa comparution au JLD, dans un box vitré devant des policiers armés, au terme de 5 jours d’enfermement.

-  Aïssata et Laouratou, deux sœurs guinéennes, fouillées au corps à 18 et 15 ans à leur arrivée à Roissy : elles y sont restées 11 jours.

-  Kachtina, 13 ans en mai 2010, haïtienne, vivant sans famille depuis le tremblement de terre. Interrogée par la PAF, elle confirme qu’elle reconnait bien sa tante française qui vient la chercher : celle-ci est alors arrêtée et menottée devant elle, soupçonnée d’aide au séjour irrégulier d’un étranger. Elle attendra 4 jours avant que sa mère, sans papiers, et dont elle était séparée depuis 4 ans, soit autorisée à venir la retrouver.

Enfermés en CRA, trois jeunes sont venus à la barre :

-  Erwan (15 ans) et Soultana (14 ans), roms kosovars, arrêtés avec toute leur famille : ils disent leur impuissance devant la détresse immense de leurs parents, et l’incompréhension de leurs frères et sœurs plus jeunes ;

-  Alain, l’un des 9 d’Amiens, arrêtés le 15 février dans son foyer de l’ASE. Il fait le récit de l’arrestation au foyer et de la fouille de la chambre, les brimades et moqueries de la police lors de la garde à vue, les examens osseux sans information ni consentement, le désespoir et la solitude au CRA.

Sept témoignages, bouleversants par la brutalité des faits relatés par les jeunes victimes et leur volonté à aller au bout du récit, leur émotion à évoquer ces moments, leur courage.

L’Anafé et la Cimade, présents sur ces lieux d’enfermement ont élargi et corroboré ces témoignages, avec un aperçu sur l’indignité particulière de la situation à Mayotte, touchant plus de 6 400 mineurs en 2010.

Pour les experts psychiatres et psychologue, Pr Marie-Rose Moro, Catherine Le Du, Miguel Benassayag, Dr Federmann, les effets sont tragiques, importants, irréversibles et parfois transgénérationnels. Le traumatisme de la « prison » réactive les traumas antérieurs, déclenche ou confirme le sentiment de perte de confiance envers la capacité des adultes à protéger l’enfant, et retentit gravement sur le processus de développement psychique du mineur.

Les avocats des parties civiles ont mis l’accent sur la réalité de l’enfermement des mineurs, le caractère inhumain et dégradant de leur détention alors qu’aucun article du CESEDA ne mentionne la possibilité de les placer en rétention. L’enfermement comme réalité objective et fiction juridique.

Serge Portelli, Procureur du tribunal, a replacé ces pratiques dans le processus continu d’évolution des valeurs sur lesquelles se fonde le droit. Au regard des valeurs de liberté et d’intérêt supérieur de l’enfant, il a demandé à la justice de caractériser définitivement l’enfermement des mineurs comme traitement inhumain et dégradant, et partant de l’interdire.

Sans réponse de F. Fillon à la requête du tribunal de nommer un avocat pour assurer la défense de l’état français, le tribunal a désigné Me Odile Barral, secrétaire national du SM comme avocate commis d’office, tâche ingrate qu’elle a assurée avec tout l’humour et la finesse requis. Deux axes dans sa plaidoirie : les multiples déclarations d’Eric Besson sur l’intérêt supérieur de l’enfant, comme argument pour ne pas séparer les familles placées en rétention, et l’absence de mention d’enfermement des mineurs dans la règlementation, exploitée a contrario pour confirmer qu’aucune juridiction n’interdit cet enfermement.

Après une courte délibération, l’avis des juges a été énoncé par Claire Brisset, qui a enjoint l’Etat français à respecter intégralement les engagements de la Convention européenne des Droits de l’Homme et de la Convention internationale des droits de l’enfant.

Un avis certes sans surprise, salué par les applaudissements, du public, visiblement satisfait du déroulement général de l’initiative et de la qualité des interventions auxquelles il venait d’assister pendant près de six heures. Une réussite en droit fil de l’action menée par RESF depuis 2009 contre l’enferment des mineurs.

De ce tribunal il faut faire quelque chose, et un peu plus que les deux minutes au 19/20 de France 3 le soir même.

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 Réseau Education Sans Frontières :

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