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Compte-rendu de réunion – Bioéthique et Innovations

Publié le 19 mai 2011 par Nancy-Mosaïque

Nous avons eu droit de la part du professeur Claude HURIET à une présentation à la fois simple et lumineuse des lois dites “bioéthiques” dans l’amphi. Berlin de Sciences Po.

Sur un sujet d’apparence aussi technique, le public (une trentaine de personnes) ne s’est pas dérobé. Il a eu raison.

Claude HURIET a présenté son sujet en 3 temps.

Dans un premier temps, dit-il, “TOUT DEVIENT POSSIBLE”. Une manière d’affirmer que l’aspiration des hommes est de passer du rêve à la réalité.

Les illustrations en sont nombreuses, que ce soit du point de vue de :

  • la “médecine procréative” (avec l’assistance médicale à la procréation ou AMP – l’insémination artificielle y compris par tiers donneur- la fécondation in vitro d’où est née Amandine, premier “bébé-éprouvette” en France en 1982 – le “diagnostic préamplantatoire” ou DPI qui conduit au tri des cellules fécondées-jusqu’aux “mères porteuses”) ;
  • la “médecine prédictive” (ou : comment connaître son destin? Ce qui soulève la question de la détection des anomalies génétiques avant implantation des gamètes, donc le dépistage éventuel de gènes anormaux, nouvelle étape vers la détection de gènes “de prédisposition”. Le recours à l’IVG s’est largement fondé sur cette recherche, réalisée au nom de l’interruption thérapeutique de grossesse…) ;
  • la médecine régénérative” (ou: comment prolonger la vie ? Ce n’est pas tant la greffe d’organes qui est ici en jeu, mais le recours aux fameuses “cellules souches” ou embryons de “morulas” censées permettre la régénérescence d’organes usés. La question de la conservation de cellules “surnuméraires” à fins de recherche reste évidemment posée, bien que la découverte récente de “cellules souches adultes”permette dans une certaine mesure d’en réduire la portée..).

Dans un deuxième temps, Claude HURIET s’interroge gravement sur la dimension purement éthique du sujet : “TOUT CE QUI EST POSSIBLE EST-IL PERMIS ?”

Peut-on aller par exemple jusqu’au “séquençage du génome” pour deviner et influencer le futur de l’être humain, en tant que marqueur d’hérédité..? Claude HURIET n’hésite pas ici à

proclamer son attachement à une conception “éthique” du sujet, à savoir : non, tout ce qui est possible ne doit pas être permis. Du reste, l’être humain se met lui-même en contradiction avec le progrès technique auquel il aspire, en réclamant un “droit à l’innovation sans risque”… Mais les progrès réalisés ces dernières années dans ce domaine très spécifique du “séquençage du génome” sont tels que le recours à cette technique “divinatoire” pourrait être ouverte à tous. La question restera cependant de savoir “faire des choix” et selon quels critères?

Enfin, Claude HURIET clôt son propos par une réflexion plutôt pessimiste :

“LA BIOETHIQUE, UNE BATAILLE PERDUE?”. Nous sommes en effet, dit-il, en présence d’un conflit de valeurs autour de la notion fondamentale de “liberté”. Si la Commission Nationale d’Ethique émet des avis ou recommandations, c’est en tout état de cause la loi qui décide, une loi elle-même soumise au progrès technique et au phénomène de mondialisation dont le ressort essentiel réside dans le “marché”.

Il reprend ainsi à son compte, pour la déplorer, l’affirmation de Jérémy RIFKIN selon qui : “Toute résistance à ces nouvelles technologies risque d’être considérée comme inhumaine, irresponsable, immorale, si ce n’est criminelle par des légions de plus en plus nombreuses de dévots du progrès”.

S’en est suivi un débat animé et éclairant autour de questions telles que :

  • la gestation pour autrui, dont l’interdiction en France est largement contournée ;
  • l’interdiction de fécondation “in vitro” après le décès du donneur ;
  • l’interdiction de l’assistance médicale à la procréation pour les couples homosexuels (lesbiennes) ;
  • l’interdiction en France de la vitrification des ovocytes pour réserver à plus tard la conception d’un enfant par la mère ;
  • la stérilisation des handicapés, question à ce jour non résolue.

Toutefois, la dernière loi bioéthique de mai 2011 a introduit quelques innovations significatives:

  • la justification “éthique” du bébé médicament (pour lequel Claude HURIET se refuse à porter un jugement de valeur), dont la conception est désormais autorisée, dès lors que l’un des enfants est atteint d’une maladie incurable, avec recours possible à une AMP et un DPI;
  • la recherche sur embryons surnuméraires s’il existe un projet parental et sous réserve d’une autorisation de “l’Agence de Biomédecine”;
  • l’élargissement possible du “don d’organes” aux donneurs jusqu’au 6ème degré justifiant d’une vie commune d’au moins 2 ans avec le receveur;
  • l’Assistance Médicale à la Procréation pour les couples justifiant d’au moins 2 ans de vier commune; toutefois, le “projet parental”en cours ne doit pas excéder une période de 5 ans.
  • Etc.

Après un tel passage en revue, enrichi de réflexions toujours nuancées et pertinentes de la part de Claude HURIET, la soirée s’est achevée comme prévu à 21 heures.

Je remercie François LAVAL, directeur de Sciences-Po Nancy, d’avoir bien voulu mettre à disposition de “Nancy-Mosaïque” l’un des amphithéâtres de son établissement.

Et je remercie naturellement tout particulièrement Claude HURIET grâce à qui la bioéthique n’a (presque) plus de secret pour nous..! Un grand bravo pour la qualité remarquable de son intervention.

 Gilles LUCAZEAU


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