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Insaisissable Henriette

Publié le 19 mai 2011 par Les Lettres Françaises

Insaisissable Henriette

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La jeune femme que Casanova nomme Henriette dans ses Mémoires constitue indéniablement le plus grand amour de sa vie. De nombreux casanovistes ont tenté d’en découvrir la véritable identité. Charles Samaran, en 1914, effectua des recherches qui lui permirent d’émettre quelques hypothèses. Cette voie fut suivie par l’Américain James Rives Childs qui proposa dans sa biographie de Casanova (1962) le nom de Jeanne-Marie Boyer de Fonscolombe. En 1989, Helmut Watzlawick, à partir d’une étude topographique serrée publiée dans l’Intermédiaire des casanovistes, pensa avoir identifié la belle Aixoise en la personne de Marie-Anne d’Albertas. Ce texte ayant été repris en annexe du tome I de l’édition de l’Histoire de ma vie chez Laffont, beaucoup d’auteurs d’ouvrages récents concernant Casanova ont adopté cette dénomination sans aller chercher plus loin. C’est également ce que fait Maxime Rovere dans son Casanova.

Cette nouvelle biographie n’est certes pas sans mérite. Le style en est vif, les réflexions sur le désir, le libertinage ou la quête de la liberté subtiles et convaincantes. Mais l’auteur se contente trop souvent de suivre le récit de l’Histoire de ma vie sans le recul que le travail des casanovistes autorise aujourd’hui. Casanova se crée dans son récit, compose une dramaturgie, invente des éléments afin d’équilibrer son propos. Ainsi la visite à Rousseau, en 1769, que Rovere mentionne sans ciller, est plus qu’incertaine et sert surtout à faire écho aux discussions avec Voltaire. Le livre fourmille de semblables fables prises pour argent comptant, que la lecture de quelques ouvrages critiques sur l’écriture du Vénitien aurait permis d’éviter. Cela étant, cette biographie constitue une utile introduction à la vie et à l’œuvre de Casanova.

Concernant l’identification d’Henriette, les travaux demeurent in progress. En 1996, Louis-Jean André a publié une remarquable étude à partir d’archives et de papiers de famille. Henriette serait alors Adelaïde de Gueidan. Hormis la troisième rencontre entre la belle et Casanova, en 1769 (que les casanovistes considèrent depuis longtemps comme fictive, mais que Rovere conserve dans son livre), l’histoire authentique d’Adélaïde s’imbrique parfaitement avec celle d’Henriette telle que l’évoque l’aventurier. Le grand spécialiste des archives casanoviennes, Marco Leeflang, a coutume de dire plaisamment qu’Henriette a deux pères: Watzlawick et André. Cela fait bien sûr un de trop, mais il n’est pas certain qu’un autre ne puisse encore se cacher quelque part. L’enquête est sans fin et, comme l’écrit Helmut Watzlawick: « Il faut redouter le jour où la découverte de documents probants mettra un point final à la poursuite d’Henriette. Quels plaisirs de recherches et de débats passionnés alors perdus pour des générations de casanovistes ! »

Jean-Claude Hauc

Casanova,
de Maxime Rovere. «Folio biographies», Gallimard. 302 pages, 7,30 euros.

Mai 2011 – N°82



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