L’analyse des programmes de microfinance financés par l’AFD dans les États fragiles montre que, dans bien des cas, les institutions de microfinance résistent mieux aux crises ponctuelles ou récurrentes que le reste du secteur financier.Institution de microfinance Faulu au Kenya
Les IMF gagnent parfois même, à cette occasion, des parts de marché sur les banques. Ce constat corrobore des études plus générales sur la microfinance, visant à comparer l’évolution globale de ce secteur à l’ensemble du secteur financier. Ainsi, une analyse statistique a démontré en 2007 que les IMF résistaient mieux aux chocs économiques globaux que les banques (Gonzales, 2007). Plus récemment, les premières études consécutives à la crise financière mondiale aboutissent au même constat d’une bonne résilience des IMF en comparaison d’autres institutions financières (Lascelles et Mendelson, 2009).
Plusieurs facteurs semblent jouer en faveur des IMF, dans des contextes de crise : la nature court terme des crédits, la souplesse et capacité d’adaptation des institutions, leur capacité à financer des activités diversifiées, leur grande proximité avec la clientèle, leur gestion rigoureuse (souvent supérieure à celle des banques), et surtout peut-être la volonté des clients, élus et salariés de maintenir à tout prix un outil économique indispensable.
En effet, pour la population de ces pays, les IMF sont souvent la seule solution (ou l’une des rares solutions) de financement et de sécurisation de l’épargne. Dans un environnement où la précarité est constante, ces institutions restent présentes et proches des populations, quelles que soient les difficultés, et représentent souvent un refuge. C’est à la fois la bonne gestion et l’intégration réussie de l’IMF dans son milieu qui lui ont permis de résister à la crise.
Exemples de la résistance de la microfinance aux soubresauts des États fragiles
Congo : les deux premières IMF du pays, Capped et Mucodec, ont réussi, dans un contexte de conflit, à maintenir a minima leurs activités et l’essentiel de leurs actifs alors que les banques commerciales et même la Banque centrale avaient dû fermer.
Comores : le petit réseau des Sanduk d’Anjouan est parvenu à s’autonomiser progressivement, dans un contexte de crises répétées (embargo, sécession de l’île, soulèvements militaires, etc.), grâce au soutien notamment des clients et élus. Ainsi, alors que le poids économique de l’île d’Anjouan a probablement décliné ces dernières années, du fait de troubles politiques et sociaux, le poids économique de ce réseau dans l’ensemble du secteur financier comorien n’a cessé de progresser. Il est passé de 7 % en 2005 à 10 % en 2008 pour l’épargne, et de 8 % à 9 % pour le crédit. Plus largement, IMF et services postaux n’ont cessé de gagner des parts de marché sur les banques.
Kenya : lors de la crise de 2003-2004, l’IMF Faulu a rapidement vu ses clients, faisant preuve de rigueur dans le suivi des impayés tout en proposant des stratégies financières qui permettaient de reconstituer les fonds propres des clients. Grâce à cette stratégie, une résorption rapide des impayés a été possible. De façon générale, le secteur de la microfinance a très vite surmonté la crise.
Cambodge : au début des années 2000, alors que près de 15 banques classiques avaient été fermées dans un mouvement d’assainissement du secteur financier, les IMF sont apparues comme les institutions financières solides du pays… Les premières d’entre elles étaient déjà institutionnalisées et sous tutelle de la Banque centrale.
Source : Microfinance dans les États fragiles. Quelques enseignements de l’expérience de l’AFD, par Christine Poursat, consultante en microfinance.