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Les Amis du Parc National des Pyrénées se prononcent contre le projet

Publié le 21 mai 2011 par Lagela

Le 11 avril 2011, Lors de leur conseil d’administration, les Amis du Parc National des Pyrénées se sont prononcés contre le projet de demande d’autorisation de création d’une unité touristique nouvelle pour l’aménagement du domaine skiable de liaison entre le tunnel routier d’Aragnouet-Bielsa et le domaine skiable de Piau-Engaly sur la commune d’Aragnouet.

Le 11 mai 2011, ils ont fait part de leurs observations et position sur le dossier UTN en déposant leurs remarques et questions en préfecture de Tarbes. Voici la teneur de leur propos.

Logo des amis du Parc National des Pyrénées

L’Association des Amis du Parc National (APNP) a pour vocation,  par ses statuts et depuis sa création, de susciter la découverte et d’approfondir la connaissance de la vie en montagne. Elle participe à la protection du milieu montagnard et veille à la conservation ou à la mise en valeur de ce patrimoine. Elle fait la promotion de l’action du Parc National des Pyrénées et de ses valeurs. Elle mène ces actions dans le cadre d’une convention de partenariat avec le Parc.

A ce titre, l’APNP mène depuis dix ans, en partenariat avec le Parc, une activité d’inventaire de la flore dans les étages montagnard, sub-alpin et alpin dans la zone cœur et dans son voisinage. Pour cette raison, nous avons choisi de concentrer une bonne partie de nos remarques et de nos questions sur l’impact potentiel sur la flore pyrénéenne du site concerné par le projet.
Ceci ne préjuge pas des nombreuses questions suscitées par le projet, concernant les destructions potentielles des espèces animales, ainsi que les préjudices lourds qui seraient causés à la qualité des eaux, à la vie pastorale et aux paysages.

Remarques et questions sur le dossier U.T.N.

1. Remarques concernant le chapitre 1.
Les numéros sont ceux des chapitres et paragraphes du dossier UTN.

§1.1.4. Contexte réglementaire.
Le dossier affirme que « aucun site classé ou inscrit ne concerne la zone projet » (commentaire de la carte n°8). Cette affirmation n’a guère de valeur, ou une valeur purement formelle, en regard des politiques nationale et européenne de protection de la nature. En effet, la réalité est que la zone est  complètement  enveloppée par un ensemble beaucoup plus vaste de sites classés, de nombreuses zones Natura 2000, de zones spéciales de conservation, et enfin en contact avec la zone cœur du Parc.
On pourrait illustrer ces proximités en comparant la zone de projet de l’UTN à un confetti au milieu d’un océan de nature protégée !
Les destructions du milieu, décrites pour certaines dans le dossier, mettraient les autorités responsables en contradiction lourde  avec la politique de protection de l’environnement et de la biodiversité telle qu’elle ressort de Grenelle 1 et 2. En effet, il est maintenant reconnu que le morcellement des zones classées ne permet pas de lutter efficacement contre l’érosion de la biodiversité. Dit autrement, les destructions résultant des travaux et des activités sur le « confetti » de la zone, auraient un impact beaucoup plus large que la zone elle-même, du fait de sa totale imbrication dans des zones protégées.

§1.1.4 et §1.1.5. Objectifs de conservation.
Nos remarques sont concentrées sur la flore, qui est notre domaine d’expertise.
Ces paragraphes explicitent les objectifs de conservation liés à la Directive Habitats 92/43 sur les tableaux des pages 14 et 15 ; ceux relatifs à la protection sur l’ensemble du territoire national (arrêté ministériel du 20 janvier 1982 modifié et son annexe 2) et sur la région midi-Pyrénées ne sont pas exprimés en tant qu’objectifs de conservation. Concernant la flore, cela conduit à ne citer pratiquement qu’une seule espèce : Androsace pyrenaica !
La réalité est autre et les espèces protégées au titre national et régional, et celles inscrites dans le livre rouge (tome 1- 1995 ainsi que tome 2) sont plus nombreuses et tout aussi importantes que Androsace pyrenaica. Elles doivent être prises en compte prioritairement en tant qu’objectifs de conservation.
Certaines sont mentionnées au §1.8.1, et reprises dans le tableau « liste des espèces végétales recensées » de l’annexe 7 du dossier ; mais elles ne sont citées qu’au titre des inventaires réalisés, non comme objectifs de conservation. De plus, cette « liste des espèces végétales recensées » ne peut pas être complète, comme nous le verrons dans l’analyse que nous avons faite du chapitre.
La présentation est donc tronquée : s’agit-il d’un oubli, ou d’un défaut méthodologique ?
En effet, la seule présentation acceptable aurait consisté à donner dans les paragraphes en question les listes complètes des espèces à statut.  Et non pas d’évoquer les espèces à statut seulement à propos des espèces recensées, dont la liste est par nature incomplète !

§1.2.2.Géologie, géomorphologie et pédologie.
Comme la carte géologique (carte n° 15) figurant  dans le dossier à la page 22, n’est pas à une échelle permettant une bonne lecture, nous avons reproduit ci-après la carte Vielle-Aure 1083 du BRGM à une échelle plus lisible : figure 1. Et surtout, nous avons représenté en superposition en traits rouges les tracés des câbles, ainsi que l’extension du domaine des travaux (pistes…) sur le versant Hourmagerie schématisée par l’ellipse en rose.

Le paragraphe 1.2.2 comporte des inexactitudes dans la description des « formations géologiques affleurantes » (à partir de la quatrième ligne).
En effet, les terrains paléozoïques du Silurien (puis du Dévonien) apparaissent sur la crête entre le Pic de l’Aiguillette et la montagne de Bourgade, peu avant la Hourquette des Aiguillettes, et non pas au niveau du Pic de Bourgade. Le point 2270 sur la crête, où sera construite la plate forme de réception des RM1 et RM2, est en plein sur le Silurien.

Sur le terrain, cela est visible au voisinage de la Hourquette, car le contact entre l’Ordovicien et le Silurien est un contact anormal : il s’agit de l’accident majeur, accident de base créé par la surface de chevauchement de la nappe de Gavarnie, charriée sur l’Ordovicien.
Or ceci est déterminant du point de vue géomorphologique et pédologique. Les terrains ordoviciens métamorphisés présentent des escarpements relativement abrupts, tandis que les terrains siluriens sont mous et friables. De plus, au niveau de l’accident majeur, les terrains ont été broyés par le charriage, et ne sont pas particulièrement stables.
La figure 1 montre que les travaux sur le versant Gela/ Hourmagerie vont se dérouler exactement à cheval sur le grand accident de chevauchement, ce qui n’est pas signalé dans le dossier, et seulement partiellement pris en compte  dans les §3.1.2 et 3.3 de prévention des risques.
Il y a donc lieu de s’interroger sur les risques d’instabilité des installations envisagées et d’érosion rapide des tracés de pistes sous la crête, et tout le long de l’importante écaille charriée du Silurien, jusqu’au fond du vallon de la Gela.

La description pédologique du paragraphe 1.2.2 est plus que sommaire, l’acidité des sols ne semble pas avoir été mesurée. Or elle varie sur le versant Gela /Hourmagerie concerné par le projet. Elle est élevée sous la crête (ampélites du Silurien) et diminue en descendant, à la traversée des pélites, calcaires et calcschistes du Dévonien d1a (voir figure 1).  Ceci est à prendre en compte dans l’inventaire, qui reste à compléter, de la flore du versant.

Figure 1
Emprise des travaux sur le versant Gela/Hourmagerie, sous la Hourquette de l’Aiguillette et la Montagne de Bourgade, représentée schématiquement par l’ellipse en rose, sur fond de la carte géologique au 1/50 000 de Vielle-Aure (1083 du BRGM).

En bleu très clair,
K-Oe : schistes Ordovicien à intercalations de microconglomérats et calcaires.

En gris, S :
Ampélites noires graphiteuses du Silurien.

En brun clair, d1a :
Pélites, calcaires et calcschistes du Dévonien inférieur.

Traits rouges : tracés des RM1 et RM2.

§1.7. Paysages du site et de son environnement.

§1.7.1 Vision d’ensemble.
L’affirmation que le « vallon de la Gela n’appartient pas au grand paysage de la haute vallée d’Aure » n’est pas acceptable. Pour les randonneurs d’été comme d’hiver, l’accès au cirque prestigieux de Barroude est indissociable du vallon de la Gela. D’ailleurs, autant l’accès que  la vision de l’espace, pour les randonneurs dans le cirque de Barroude, vont être gravement altérés par l’importance des travaux sur l’unité paysagère de « Géla rive droite », quels que soient les « réels efforts d’intégration » proposés. Il faut imaginer la nuisance visuelle pour les randonneurs passant sous la plateforme 1860 avec le câble RM 3 au-dessus de leurs têtes !

§1.8.1 La flore et les habitats.
Plus que les listes des pages 59 et 60, celles des relevés de végétation de l’annexe 7 font apparaître la richesse florale du vallon de la Gela et du secteur Hourquet.
Compte tenu des travaux projetés et de notre remarque concernant la géologie, la tectonique et la nature des sols (§1.2.2), les biotopes du versant Hourmagerie/rive droite Gela seront irrémédiablement perdus. Ils ont été inventoriés très incomplètement comme le montre la carte de « localisation générale des zones floristiques » de la page 52, puisque l’effort a porté sur le fond du vallon de la Gela, qui n’est plus concerné par les travaux projetés. Il est probable que le déni d’intérêt pour ce versant provient de la classification sommaire de ses habitats en pelouses à Nard et pelouses à Gispet (voir le §4.3.3 du chapitre 4).
Les espèces protégées, à statut national et/ou régional, ayant été inventoriées dans des zones proches, doivent être recherchées sur le versant Hourmagerie concerné par les travaux, comme :

Forte probabilité :   Kobresia simpliciuscula   (livre rouge tome 1)
Festuca borderei   (livre rouge tome 2)
Espèces à statut dont la présence est possible :
Viola diversifolia   (livre rouge tome 2)
Saxigrage pubescens Pourret ssp. iratiana   (livre rouge tome 2)
Draba dubia Suter ssp.laevipes   (livre rouge tome 1)
Plantago monosperma (livre rouge tome 2)
Minuartia cerastiifolia (livre rouge tome 2)
Draba incana (livre rouge tome 2)
Diphasiastrum alpinum (livre rouge tome 2)

La liste ci-dessus n’est pas exhaustive.

L’inventaire floral de la rive droite du Gela, secteur  Hourmagerie, reste à faire en bonne partie, en particulier toute la zone du  versant situé sous la ligne de crête entre Hourquette des Aiguillettes et Pic de Bourgade, jusqu’au fond de vallon, avec une attention particulière aux micro-zones humides.

Concernant Androsace pyrenaica,  il n’est pas possible de se contenter de l’indication vague donnée page 60 du §1.8.1.

Il manque un  inventaire fin d‘Androsace pyrenaica,  en particulier dans toute la zone sensible de la Hourquette des Aiguillettes, et sur ses deux versants, compte tenu de l’ampleur des travaux prévus pour l’édification de la « plateforme 2270 ».

2. Remarques et questions concernant le chapitre 2.
Page 113 : plan de fonctionnalité générale :
Nous signalons une erreur sur la localisation du Pic de l’Aiguillette, plus à gauche sur la frontière.

§2.3.8. Réseau de neige de culture – Retenue d’altitude – Usine à neige.
Page 123 : Que faut-il comprendre par « pompes affichant de faibles débits » ? Les 140 litres/s mentionnés au §4.3.3 du chapitre 4 ne sont pas de petits débits !

Comment juger de l’impact en aval de ces débits, sachant qu’aucune donnée n’est fournie pour le débit de la Neste !

§2.3.9. Aménagement des plateformes d’altitude et des bâtiments.
Assainissement, page 130.
On comprend que le restaurant d’altitude de la plateforme 2270 (RM 1 et RM 2) sera équipé de toilettes sèches : quel dimensionnement est prévu ?

Les toilettes sèches sont-elles adaptées à une utilisation intensive, comme celle d’un restaurant fréquenté par des centaines de personnes entre 11h et 15h ?

§3. Remarques et questions concernant le chapitre 3.
Concernant les risques liés aux caractéristiques géotectoniques du versant Hourmagerie, voir les remarques faites à propos du  §1.2.2. A cela s’ajoutent les causes hydrauliques d’instabilité : « zones de glissement actif sujettes à circulation d’eau ».

Les causes multiples d’instabilité des terrains de la partie haute du versant Houmagerie ont-elles été prises en compte dans l’évaluation des mesures de protection ?

§4. Remarques et questions concernant le chapitre 4.

§4.3.3. Les effets des terrassements et des remodelages de terrain.
Comme cela a déjà été signalé pour le §1.8.1, un inventaire complet n’a pas été mené sur le versant rive droite de la Gela/Hourmagerie. S’appuyant sur une classification sommaire des habitats (pelouses à Nard et pelouses à Gispet), les auteurs estiment la flore « plutôt banale à priori à l’échelle des Pyrénées ». Cette conclusion hâtive ne peut pas être retenue, car la surface concernée est telle qu’elle abrite une bien plus grande variété de milieux.

La nature variée des terrains, dont on a vu qu’ils sont constitués de plusieurs types de sédiments de la nappe charriée de Gavarnie (§1.2.2), dont des sédiments calcaires, et l’existence d’un chevelu et de nombreuses petites zones humides, invitent à un examen plus approfondi.

Les informations dont nous disposons  nous laissent surtout penser que ce projet est proposé à des fins commerciales dont le seul but est uniquement de rentabiliser le vaste espace immobilier réalisé en territoire espagnol pratiquement inoccupé à ce jour, au détriment de l’environnement sur notre territoire.

C’est la raison pour laquelle nous vous informons que notre conseil d’administration réuni le 11 avril 2011 s’est prononcé à une forte majorité contre cette demande d’autorisation de création d’une unité touristique nouvelle.

Fait à TARBES le 11 mai 2011

Le Président                         Le Secrétaire général

Roger BLANC                      Michel ARNAUD

LES  AMIS  DU  PARC  NATIONAL  DES  PYRENEES
Association Loi 1901 agréée par le Ministère de l’Environnement
__________________________

Tél. 05 59 27 15 30 – Fax 05 59 83 76 49
e-mail : amis.du.parc (at) orange.fr
Site internet : www.apnp.fr


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