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Viol

Publié le 22 mai 2011 par Vonric Vonric

*Coup de gueule*Puisque tout le monde en parle, je ne vois pas pourquoi je me priverai. Mais l'affaire qui préoccupe actuellement les médias (et pas seulement en France) m’intéresse moins que le traitement médiatique qui en est fait. Deux réflexions me viennent principalement à l'esprit.

On ne sait rien

Alors que toute la presse en parle, les analystes politiques "décryptent ici", les psychologues de pacotille analysent là. Mais que sait-on ? Un homme a été arrête, suspecté de viol avec violence dans une chambre d’hôtel. Il y a 7 chefs d'accusation. Voilà, c'est à peu près tout. Et la machine s'emballe.

D'abord j'entends que la chambre coute $3000 (écoutez bien le journaliste: "elle frappe à la porte, elle rentre..." )... puis que sur le site de l’hôtel les chambres sont plutôt au maximum a $500 (depuis on nous parle d'un surclassement). Selon le chauffeur de taxi, l'accusé était très nerveux ; mais selon un autre témoin il plaisantait et aurait même parlé au personnel de l’hôtel. Je lis ici que la victime présumée ne connaissait pas l'accusé. Ailleurs je lis que la photo de celui ci était affichée en bonne place dans les locaux du personnel, immanquable. J'entends là que la police aurait (merci le conditionnel) déclaré être en possession d'une vidéo du couloir où on voit l'employé sortir paniqué (sans mauvais jeu de mot !). Les autorités auraient déclaré qu'elles savaient à quel moment la femme de chambre est entrée ; plus tard le Figaro expose un autre témoins qui dit que la porte était déjà ouverte, donc pas besoin du pass. Puis ailleurs je lis qu'il n'y aurait aucun vidéo de la chambre ou des couloirs, car seul l’accueil et le rez-de-chaussé est muni de caméras.Et puis une vieille affaire resurgit et une autre "victime" porte plainte... ah non il s'agit d'un faux via Twitter...

Amusez vous à compter le nombre de "si" et l'usage du conditionnel dans un article. Si vous ne retenez que les faits avérés dans cette affaire, un article d'une page pourra se réduire à 2-3 lignes !

Et bien sur quand on ne sait rien, on brode. On se base sur du vraisemblable pour compléter l'histoire et meubler le vide. L'accusé était connu d'Air France, il harcelait régulièrement les hôtesses. Il harcelait d'ailleurs aussi les personnels d’hôtels, il aurait violé ici et là... bref quand on pense à tout çà, rien d'étonnant, un pervers (bon, on sait, il n'y  pas encore eu de procès mais on s'en fout).

Bref quand on ne sait rien, on laisse la justice faire. On en reparle dans 6 mois. Par contre on peut tout à fait commenter sur les conséquences au niveau de la politique française (les primaires socialistes ont-elles un sens ? ne vaut-il pas mieux se rassembler derrière Hollande qui parait le mieux placé ?...une chance pour le PS français comme écrivent les Canadiens), la direction du FMI, les crises financière en Europe.

MISE A JOUR: j'avoue, j'ai écrit l'article vendredi. Je viens de viens de voir que Rue89 fait lui aussi la liste des rumeurs et inventions. Amusez vous, c'est risible !

Tenant de la morale vous voilà

Desproges a dit un jour : "on peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui". Je pourrais étendre la phrase à "on peut parler de tout, mais pas avec n'importe qui".

Dernier exemple en date, la "sortie" de Jean-Francois Kahn sur France Culture. Celui ci a du mal à croire à l'histoire de viol (pourquoi pas, cela semble extraordinaire... bien sur cela ne veut pas dire que ce soit faux non plus) et il le dit. Il cherche ses mots et finalement déclare que c'est peut être plus un "troussage de domestique". Oui les mots sont (très) mal choisis. Mais bon sang, il disait lui même qu'il ne trouvait pas les mots. Oui c'est (très) inapproprié. A-t'on besoin d'en rajouter ? De crier immédiatement comme Jean Quatremer (journaliste très respectable et en pointe sur les questions européennes - comme quoi tout le monde peut s'égarer sur cette affaire) sur Twitter: "Les machos se lâchent." On parle, on ne trouve pas le mot exact, on dit quelque chose, on est à la télé...

Moi, vous aussi j'en suis sur, avez déjà fait une "erreur" similaire, une expression rapidement dite, dans le feu de la conversation (on n'est pas en train de rédiger un papier de blog). JFK s'est excusé. Quand je lis certains commentaires sur son blog, j'ai honte. Au hasard : "Vos excuses sont très, très insuffisantes. On a l'impression d'être en plein XIXe siècle, comme si "trousser la bonne" était une pratique respectable! A croire qu'une domestique, immigrée de surcroît, peut être violée par un grand bourgeois, que c'est commun, pardonnable..." Bon voilà, d'un part la présomption d'innocence on s'assoit dessus. Ensuite il faut qu'il fasse quoi JFK ? Se couper la langue ? Se suicider ? Pas sur que cela suffise...

Viol, je disais donc, car l'actualité parallèle se télescope parfois. Le Ministre de la Justice Anglais, Ken Clarke (un vieux loup politique, une "colombe" du parti Conservateur... un europhile - si si ça existe) a répondu à un interview de BBC Radio 5 sur la proposition de réduire la sentence des accusés de viol (rape dans la langue de Shakespeare) de moitié (contre un tiers actuellement) s'ils plaident coupable. En réponse à une question, il doutait d'un rapport indiquant que les coupables de viol prennent en gros 5 ans, déclarant que pour les cas sérieux (je souligne le mot polémique), la peine est beaucoup plus longue.

Et voilà que la machine s’emballe. Quoi, pour lui un viol n'est pas sérieux ? Pour lui il y aurait des viols non sérieux ? Démission ! (si si on a entendu cela !). Bref il a répondu qu'en effet le mot était mal choisi, et qu'à l'avenir il devrait faire encore plus attention aux mots employés (ce qui revient à dire lâchez moi les baskets, ça fait 40 ans que je fais de la politique, j'en ai vu d'autres).

Mais qu'y a t'il de vraiment choquant ? Un meurtre est sérieux (même définitif dirais-je). Mais un meurtre après torture n'est-il pas encore plus sérieux ? Ou faut-il dire que c'est la même chose ? (qui vole un œuf vole un bœuf, je sais). C'est peut être ici plus le journaliste qui est coupable de ne pas l'avoir invité à préciser sa pensée, plutôt que de lui prêter un raisonnement hasardeux.

Au final on a l'impression que tout se vaut. Un mot mal choisit ou une décision d'aller en guerre, des mensonges à répétition, renier ses promesses de campagne, c'est le même traitement médiatique. Le jour où l'un est arrêté pour viol, il y a 12 morts en Palestine, mais les morts on s'en fout.

PS: Avec un titre pareil, j'espère être en bonne place sur Google (j'aurais pu ajouter sex et porn mais je me suis dit qu'il fallait raison garder...)

PPS: J'ai cru qu'un autre blog, titrant "chambrée", parlait de la même chose, mais c’était une fausse alerte.

PPSS: Le Monde rapporte les conditions possibles de la remise en liberté (tout est au conditionnel, rien n'est sur, on brode). A la lecture de l'article ("Des gardes surveilleront l'appartement en permanence. Ils seront armés et autorisés à tirer [...] La société contrôle les moindres faits et gestes du prévenu. Nous décidons dans quelle pièce il a le droit d'être à tel ou tel moment [...] C'est nous qui décidons quand la personne doit aller se coucher, se lever et nous passons au crible toute la nourriture..." ) on se demande si on parle d'un Al Capone moderne, un parrain de la Mafia, un serial-killer ? Rappelons qu'il n'a plus de passeport, que son visage est connu dans le monde entier, qu'il aura un bracelet électronique pour le suivra à la trace ... craint-on un enlèvement organisé par les services secrets français ? Un SAS de Gérard de Villiers ?

Ah oui, j'avais oublié de vous dire. Dans l'article il est tout de même écrit : "C'est la société Stroz Friedberg qui sera en charge de surveiller l'appartement de l'ancien président du FMI [...] Contactée par Le Monde.fr, Stroz Friedberg n'a pas souhaité faire de commentaire." Et oui, figurez vous que quand on ne sait pas, on invente. Sans compter que le journaliste n'hésite pas à propager des rumeurs : "selon une information révélée par le site du New York Post, l'hôtel aurait refusé de lui louer un appartement. Son séjour en prison pourrait donc être prolongé"... on sait ce qu'il en est (après vérification, l’hôtel nie avoir été contacté). Le Post propageait la meme rumeur, et se couvrait même en citant ses sources : Le Figaro, Twitter : journalistes français à New York, New York Times.

Donc je pose la vrai question: y'a-t'il de VRAIS journalistes (vous avez, ceux qui vérifient des faits et ne colportent pas n'importe quoi ?) 


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