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critique de Jérémy Liron

Publié le 22 mai 2011 par Lironjeremy

critique de Jérémy Liron
En plus de se torturer tout seul en se donnant des ambitions incroyables alors que personne ne nous à rien demandé et qu’on n’est pas certains d’arriver à quoi que ce soit (ou peut-être sûr de n’arriver jamais à rien et comme l’ambitionnait Beckett seulement « rater, rater encore, rater mieux »…). En plus d’aller toujours fouiner au plus profond de soi là où rien n’est clair, tout se contredit et se mêle, et où on se risque, on s’expose au regard des autres, à leur jugement ou leur critique - Inconscients que nous sommes ! Et sur ce dernier point, l’Internet est impitoyable, sans inhibition, sans complexe. Un travail difficile et patient que vous montrez après en être venu à bout peut y être démonté en deux phrases. Du tac au tac, sans sourciller. Tout à l’heure je tombais au hasard de pérégrinations sur la toile sur un article où j’étais cité. Et puis je m’arrêtais sur un commentaire :« Liron a son agreg d’arts plastiques, il a compris tous les trucs de la peinture (coulures, décadrages, grand format, repentirs, work in progress, non-fini/inachevé…), mais il n’a rien à dire. Rien qui ne vienne des tripes. C’est du scolaire. Il peut pondre ces immeubles et ces platanes au kilomètre. Ca n’y changera rien. On s’emmerde. »Ça m’a rappelé un article récent, plutôt ambigu, mais assez acerbe lui aussi. Il y était question d’« immeubles sans grâce, construits dans les années 50-60 », « Un univers géométrique triste, à mi-chemin entre le vide savant d'un Giorgio Morandi et le réalisme froid d'un Edward Hopper. Un monde désincarné fait d'habitations collectives désertées ; de petites végétations revêches ». Tout le long on ne sait si l’auteur parle des architectures qui ont servi de modèle ou des peintures elles-mêmes. Sauf que l’article se conclu sur un ultime coup de dent :« Le jeune Jérémy qui a grandi dans le Var est aujourd'hui bardé de diplômes. Derrière ses petites lunettes d'intellectuel aux aguets, l'artiste est devenu professeur, critique, essayiste, citant volontiers Nietzsche, André Breton, Rembrandt ou Sean Scully... »Là encore on dirait que ma peinture (et on a tout à fait le droit de ne pas l’apprécier) devient intolérable du fait de quelques écarts de conduite qui m’ont fait pousser un peu des études théoriques là où un peintre se devait de rester sauvage ou vierge ou naïf (ne dit-on pas « bête comme un vrai peintre » ?). Que là où la peinture encore n’aurait causé qu’ennui, la personne (moi) invite à l’aigreur. Le fait d’être agrégé, de connaitre quelques bouquins que je préfère citer plutôt que plagier, rendant par là à leur auteur ce qui leur est du, que je m’intéresse au travail des autres et écrive dessus, me met immédiatement du côté du fourbe, du calculateur sournois, machiavélique, opportuniste s’il le peut. Heureusement que je ne suis pas juif, qu'aurait-on dit encore? Somme toute, il n’y a pas grande raison d’être retenu par ma culture ou mes diplômes la première n’étant certainement par remarquable et tout à fait semblable, sinon inférieure, à d’autres de mes amis et confrères, les seconds ne me mettant pas non plus hors normes (sinon, dit-on, ce concours d’enseignant obtenu un peu par hasard alors que je cherchais un moyen de gagner ma vie). C’est revenu souvent le fait de me qualifier de peintre intellectuel (dans un sens parfois péjoratif), théoricien ou littéraire, s’appuyant sur le fait que j’ai passé l’agrégation (quelle idée !) ou que je me mêle d’écriture (chacun sa place !). En vérité, je ne me crois pas peindre en intellectuel. Bien sûr, un arrière-fond culturel ou théorique fait que les gestes que je fais ne sont pas toujours innocents (en cela ce que je fais ne relève pas de l’art brut). Je sais parfois qu’une bordure va lever des questions sur l’image, qu’un plan rabattu va évoquer un lointain débat. Mais justement, tout ça n’est que lointain, second. La réflexion et les références viennent après le geste, ou au mieux l’accompagnent, mais jamais ne le précèdent. Et donc, à ce moment du geste, il n’y a pas grand-chose de plus qu’une volonté d’arranger les choses ensemble ou de donner du corps. Et pour ça un diplôme est de peu de secours. C’est très intuitif. Tout ça se théorise ensuite, dès qu’on pose des mots comme je le fais  à l’instant. Et c’est comme un appétit de comprendre ce qui se jouait justement à part soi lorsque l’on peignait sans rien n’y voir, comme perdu dans les formes et les gestes uns à uns, les centaines de possibilités et le manque d’issue. Jamais un tableau ne se détermine comme on pose le sujet d’un mémoire (et j’ai toujours été incapable de me donner un programme). Seulement, il se trouve que je suis le premier spectateur du tableau et même celui qui le voit se faire, et autant le tableau dans ce qu’il impose de présence que le mouvement qui y mène me posent question. Suis-je différent alors de n’importe quel amateur d’art ?

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