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Supprimer les grandes écoles, slogan inepte

Publié le 23 mai 2011 par Veille-Education

Le regretté humoriste et poète Ferdinand Lop (photo) proposait jadis de supprimer le wagon de queue dans le métro. On pourrait dire d’Eva Joly, qui vient de proposer après d’autres – notamment Vincent Peillon – de supprimer les grandes écoles, qu’elle milite, elle, pour la suppression des locomotives dans les trains.

eva_joly2.jpgOn peut faire pas mal de critiques relatives au conservatisme des grandes écoles, souvent lentes à évoluer, et pour certaines très malthusiennes. Mais une chose est sure : l’université ayant refusé, jadis, de s’occuper de formation professionnelle, il a bien fallu créer des institutions qui le fassent. A ce titre les grandes écoles rendent d’éminents services. Elles ont permis à la France, vieux pays rural, de devenir une grande nation industrielle, puis un acteur mondial dans de nombreux secteurs comme l’espace, l’aéronautique, le nucléaire, l’automobile, le ferroviaire, l’agro alimentaire, le BTP, le génie civil, la banque, les assurances, l’hôtellerie, le luxe…

Supprimer les grandes écoles est un slogan démagogique, qui a d’ailleurs été aussitôt rectifié par le collègue d’Eva Joly en charge de l’Education à Europe Ecologie Les Verts, Yann Forestier, qui a dit souhaiter « une convergence progressive entre les universités, les prépas et les grandes écoles, sur une législature. » Dit comme cela, il s’agit tout simplement des mêmes souhaits que ceux de Valérie Pécresse. Rien d’une révolution.

« Les grandes écoles forment une élite qui a perdu de vue l’intérêt général » argumente Eva Joly. Mais est-ce aux écoles de promouvoir l’intérêt général ? Quand de Gaulle a lancé des grands programmes comme le nucléaire ou l’aéronautique ( Concorde, Airbus, Ariane…) il a trouvé pléthore de diplômés d’écoles pour le servir. Aujourd’hui, il se pourrait bien que les Polytechniciens ou les Sup Aero partent dans la finance ( un tiers des diplômés de Sup Aéro) parce que l’industrie, ça ne paie plus. Mais est-ce la faute aux écoles si le pays manque d’une vraie politique industrielle ? On a déjà écrit sur ce blog au sujet des ingénieurs qui partent dans la finance…

Le seul point sur lequel les grandes écoles sont attaquables, c’est celui du malthusianisme. Et ce alambic charentais Monnet.jpgsont hélas les « fleurons » du système qui prêtent le flanc, ce qui nuit à l’image générale des écoles. Normale Sup n’admet que 94 élèves par an sur son concours scientifique, les Mines de Paris 95. Ces écoles expliquent en général qu’admettre plus d’élèves ferait insupportablement baisser le niveau et la finesse du produit final… Illustration du génie français pour la filtration et le raffinage d’alcools et de parfums ( photo : un alambic charentais de la maison Monnet), et les « appellations contrôlées » qui en résultent.

Heureusement, beaucoup de grandes écoles considèrent que leur travail, ce n’est pas de filtrer ( ne sélectionner que du très bon pour diplômer du très bon est une tâche plutôt aisée ), mais de former. Et donc de recruter des profils variés pour les rendre très bons. Beaucoup d’écoles de renom ( les plus connues étant notamment HEC, l’ESSEC, l’ESCP Europe, L’Ecole Centrale ou les Arts et Métiers, sans parler de Sciences Po ) ont ouvert depuis longtemps des procédures d’admissions parallèles sans que cela ait nui à leur réputation. « La communauté étudiante de Normale Sup est très diversifiée » proclame le site de cette école. « Très » diversifiée, cela paraît un peu fort… Surtout, est-elle cohérente ? Normale Sup refuse le titre « d’élève » aux étudiants qui ont intégré son école par une autre voie qu’une classe prépa Khagne . Ces étudiants « non élèves » de Normale Sup suivent les mêmes cours que les autres mais n’ont pas le droit de se dire « normaliens », pour des questions archaïques de statut. Ils n’ont qu’un accès très restreint aux logements prévus pour les élèves, ne sont pas représentés au conseil d’administration de l’école, et se voient interdire l’accès au médecin de l’école, d’après le témoignage d’un « étudiant » de Normale Sup publié dans Libération du 2 mai (« L’ENS veut elle rester une école à deux vitesses ? ») Voilà un verrou à faire sauter : les postures arrogantes fondées sur la pureté de la filtration .
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