L'US Navy met les petits plats dans les grands pour aider les Français dans la guerre (qui ne dit pas son nom) contre la Libye du colonel Kadhafi. Dès le samedi 28 mai, deux avions de transport C-2 Greyhound entameront des rotations entre une base aérienne du sud de la France, où 50 pilotes et mécaniciens américains sont en cours d'arrivée, et le porte-avionsCharles de Gaulle déployé au large de la Libye. Le ministère de la Défense nous a confirmé cette information, ajoutant que cet appui prend la forme officielle d'un "partenariat opérationnel franco-américain".
À ce stade, nous n'avons pu connaître le statut - gratuit ou onéreux - de cette prestation américaine, ni sa durée prévue. Ces avions apporteront dans tous les cas une exceptionnelle plus-value à la marine française, qui sera donc capable d'envoyer à bord des pièces de rechange et d'assurer des rotations de personnel, sans avoir à recourir aux coûteuses liaisons par hélicoptère entre la Crète ou Malte et le porte-avions.
Gageons que les demandes de visites de politiques vont se succéder, dès lors qu'il sera possible de faire sans problème l'aller-retour dans la journée. Et pourquoi pas un touch and go sur le porte-avions avant de repartir pour Benghazi ? Mais attention : cette occasion unique pour un civil d'être catapulté depuis le Charles de Gaulle se vivra dans des conditions spartiates : les 32 sièges sont installés dans le sens contraire à la marche, et l'avion ne compte aucun hublot ! Cela dit, l'important est qu'il puisse franchir 3 000 kilomètres entre la terre et le porte-avions, et que sa rampe arrière lui permette de transporter des charges relativement volumineuses.
Les mouvements du C-2 Greyhound ne sont pas une nouveauté sur le Charles de Gaulle. Comme la plupart des avions de la marine américaine, il a réalisé des essais sur la plate-forme française. De plus, le C-2 est la version de base du E2-C Hawkeye, l'avion-radar dont la marine française possède trois exemplaires, tous capables d'embarquer sur le Charles de Gaulle. La générosité américaine n'est peut-être pas innocente. Seule marine, outre l'US Navy, à disposer d'un porte-avions à catapulte et brin d'arrêt [en anglais : CATOBAR (Catapult Assisted Take Off But Arrested Recovery)] apte à recevoir ce type d'appareils, la marine nationale a toujours considéré que le Greyhound était un avion indispensable à ses missions. À juste titre : un porte-avions sans aéronef de liaison, ce n'est guère sérieux quand on opère loin des côtes. Malheureusement, cette exigence a été sacrifiée aux contingences budgétaires, et il faut recourir à cette aide extérieure que les États-Unis, pour cette fois, veulent bien fournir. Le problème, c'est que l'US Navy n'a rien prévu pour remplacer cet appareil, même si elle dispose du projet COD (Carrier On-board Delivery) qui serait basé sur la dernière version de son avion-radar, le E2-D Hakeye. La marine française est-elle intéressée ? On se le demande bien...