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Dysorthographies au collège, par Marc-Olivier Sephiha

Publié le 24 mai 2011 par Veille-Education

Le monde ne se maintient en vie que par le souffle des enfants qui étudient. (sagesse talmudique)

A la question écrite « à quoi sert, selon vous, d’aller à l’école ? », M.W., élève de 6e, répond : « sa ser pour quand om va travailler de savoir pire et tousa ses grase à lecole. »

Je sais que la plupart des hommes, même les plus intelligents, ont peine à reconnaître la vérité, même la plus simple et la plus évidente, si cette vérité les oblige à tenir pour fausses des idées qu’ils se sont forgées, peut-être à grand-peine, des idées dont ils sont fiers, qu’ils ont enseignées à d’autres, et sur lesquelles ils ont fondé leur vie. (Tolstoï)

Aux instituteurs et professeurs,

A tous les éducateurs de bonne volonté,

Les malentendus reposant souvent sur des questions de langage, je tâcherai d’être le plus explicite possible et vous prie, de votre côté, de ne pas vous demander « a-t-on le droit de dire cela ou non? », mais simplement « cela est-il vrai ou non ? ». L’exigence de vérité doit être notre seul critère ; aucune idéologie ne doit primer sur l’expérience ; car, de notre diagnostic, au plus près possible du réel, dépend l’avenir de ces élèves que nous désirons tous faire progresser pour qu’ils parviennent au maximum de leurs capacités respectives, de leurs humanités (au pluriel) comme de leur humanité (au singulier).

Lorsque l’on débute en tant que professeur de français au collège, et que l’on n’a pas été préalablement formé à traiter cette question, on a tendance à penser que l’on devra lutter avant tout contre l’écriture phonétique des élèves (le mode texto ou SMS) ; donc se préoccuper essentiellement d’orthographe et de sens, ou plutôt d’absence de sens, grammatical et lexical, révélé par cette écriture. Mais, devant la récurrence d’erreurs ne relevant pas de ces catégories, on perçoit peu à peu d’autres difficultés, plus élémentaires encore, qui relèguent à l’arrière-plan les questions orthographiques. On est alors tenté de s’exclamer : « si au moins mes élèves écrivaient phonétiquement ! Je n’aurais plus qu’à leur apprendre la grammaire, l’orthographe, la littérature…»

J’ai fait le même constat – dans les mêmes proportions – dans deux collèges des Hauts-de-Seine – au collège Thomas Masaryk de Chatenay-Malabry (classé ZEP) et au collège Georges Pompidou à Villeneuve-la-Garenne (classé en « prévention violence ») : près de 95% des élèves ne retranscrivent pas correctement un ou plusieurs sons du français. En novembre dernier, j’ai corrigé un test comprenant la plupart des graphèmes du français : sur quatre classes, soit 95 élèves, seuls 5 ne font aucune erreur sur les sons du français. C’est dire, si certains élèves s’en sortent mieux que d’autres, combien ce constat reste relatif : presque tous en fait sont touchés et maîtrisent imparfaitement les savoirs graphophonologiques élémentaires (d’un niveau de fin de CE1), sans parler de l’orthographe grammaticale et lexicale. Parmi ces élèves, 30% au bas mot rencontrent des difficultés graves relevant de la « dysorthographie », n’écrivent pas correctement les sons complexes et même certains sons simples du français.

Ignorant quelle lettre ou quel groupe de lettres fait quel son, ces élèves sont au sens propre illettrés… Ils ne connaissent pas le son de tous les graphèmes (lettres ou groupes de lettres) et/ou sont incapables, en entendant certains mots, de les transcrire ne serait-ce que phonétiquement. Par exemple, ces élèves connaissent les lettres C et H, mais hésitent quant au son que fait le graphème CH (ex : « il nachait dans l’eux », pour « il nageait dans l’eau »). Ce phénomène est analogue au fait de connaître le nom des notes de musique sans pouvoir les chanter ni les entendre intérieurement, encore moins retranscrire une mélodie…

Le constat local rejoint ici le cadre national : l’institut Montaigne a publié en effet le 5 mai 2010 une étude montrant que 300 000 élèves sortent du CM2 chaque année avec de graves lacunes en lecture et en écriture. La Cour des comptes, de son côté, dans un rapport du 11 mai 2010, estime désormais à plus de 20 % le nombre de jeunes qui sortent du système scolaire, à 16 ans, sans savoir lire. Et 55 % de ces élèves sont incapables de comprendre l’histoire de niveau CM2 qui leur est proposée à 18 ans, à l’occasion de la Journée d’appel et de préparation à la défense. Sans parler des derniers tests PISA. Ne s’agit-il pas, pour la grande majorité, du profil d’élèves lourdement dysorthographiques que nous avons détectés ?
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