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Sénégal : l'enfer du quotidien des trieurs de déchets

Publié le 25 mai 2011 par Bioaddict @bioaddict
  • 1200 personnes travaillent chaque jour au coeur de la décharge de Mbeubeuss pour gagner l'équivalent de 5 à 10 euros.
  • Des conditions sanitaires alarmantes. Les travailleurs de la décharge contractent de nombreuses maladies et intoxications.
  • Les ordures s'étalent sur 175 hectares en périphérie de Dakar. Des quartiers voisins de la ville, on aperçoit des montagnes de déchêts.
  • En revendant aux entreprises 1 kg de sachet plastique qu'elle aura ramassé, cette récupératrice touchera l'équivalent de 0,11 €.
  • L'association Bokk Diom défend l'amélioration des conditions de vie des récupérateurs via le dispensaire médical et la scolarisation des enfants.
  • La décharge voit défiler le ballet quotidien des acheteurs et des vendeurs. Alors que les camions continuent à déverser les ordures, les entreprises viennent s'y approvisionner.
  • 400 personnes vivent au coeur de la décharge. Ces familles avec enfants ont choisi de vivre honnêtement. Mais à quel prix ?
  • La chaîne alimentaire...
  • Ce jeune burkinabè récupère du verre pour une entreprise du Burkina Faso.
  • Les fumées toxiques causent de nombreuses maladies aux récupérateurs qui pensent pourtant être immunisés.
  • Les enfants vivent et travaillent également sur la décharge de Mbeubeuss.
  • Près du foyer de tôle et de détritus, on garde un oeil sur l'arrivée des camions pour être les premiers servis.
  • Une entreprise vient de déverser son chlore derrière les habitations de Mbeubeuss sans se soucier des répercussions sanitaires.
  • L'aide internationale intervient pour la scolarisation et la formation professionnelle des enfants et adolescents de Mbeubeuss.
  • Les récupérateurs, viennent du Sénégal, mais aussi du Mali, du Niger, du Nigéria, du Burkina Faso ou de Guinée.
  • Les vêtements finissent par prendre la couleur des ordures.
  • Les affections respiratoires représentent 14% des pathologies observées au sein des récupérateurs.
  • Chaque jour, les camions déversent 1 300 tonnes d'ordures dans la décharge de Mbeubeuss.
  • Pape N'diaye, porte parole des récupérateurs travaille dans la décharge depuis 1966.
  • Sénégal : l'enfer du quotidien des trieurs de déchets

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  Julien Gérard Reporter Photographe
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Dakar... une profusion de vie et de couleurs dont les ordures finissent inévitablement en un lieu : la décharge de Mbeubeuss. En périphérie de la ville, ce qu'on pourrait qualifier de quartier amasse et entasse tout ce que rejette la société de consommation dakaroise. C'est donc près du quartier de Malika que s'étendent sur 175 hectares des montagnes de déchets. Chaque jour, les camions y déversent 1 300 tonnes d'ordures (soit 475 000 tonnes par an). Reportage.

Décharge de Mbeubeuss, Sénégal

Cité de toutes les précarités

La décharge de Mbeubeuss abrite une économie bien réelle et d'envergure : 1 200 personnes y travaillent chaque jour. 400 d'entre elles y vivent en famille, dans des constructions faites de tôles et de détritus. Quelques échoppes leur permettent de s'approvisionner en nourriture et autres nécessités.
Fouille, récupération et revente de plastique, métal ou verre leur permettent de gagner entre 3 000 et 10 000 Francs CFA par jour (entre 4,50 et 15 euros).
Pape N'diaye, porte parole et chargé de communication, vit en banlieue et travaille comme récupérateur à la décharge depuis sa création en 1966 : "Chaque jour les entreprises viennent s'approvisionner ici. Ils nous achètent le kg de sachet plastique à 75 Francs CFA (0,11 €). Nous revendons aussi divers produits en bon état à des intermédiaires qui les revendent ensuite aux particuliers à Dakar".

Ainsi, on assiste au ballet incessant des camions, des vendeurs et des acheteurs.
Les récupérateurs, venant du Sénégal, mais surtout du Mali, du Niger, du Nigéria ou de Guinée, ont ainsi choisi de vivre de façon honnête, refusant le chemin de la délinquance. Souvent, en plus du manque de travail, c'est l'ignorance du français qui les aura empêché d'accéder à des emplois traditionnels salariés.
Quant aux enfants, qui pour la plupart travaillent également comme récupérateurs, ils sont parfois victimes d'accidents "de la circulation". En effet, pour avoir les meilleures pièces et déchets de valeur, ils sautent sur les camions avant la fin du déchargement total. Et lors du déversement, il peuvent se retrouver brutalement ensevelis.

Des conditions sanitaires alarmantes

Alors que les récupérateurs pensent être immunisés, l'analyse économique des dommages sur la santé atteste que le traitement des maladies liées à l'exposition à l'eau et au sol contaminés représente 43 % des budgets des établissements de santé de la zone. Le traitement des maladies a ainsi coûté aux malades 13 400 000 FCFA en 2007. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte.

La totalité des puits pour l'eau est impropre à la consommation humaine, pourtant 2/3 des personnes en consomment ; 1/4 des élevages voisins sont contaminés au mercure ; les maladies hantent les lieux et trouvent notamment leurs origines dans les fumées générées par les incinérations, les eaux stagnantes ou dans la présence de zinc, plomb et autres matières toxiques.

Lors du reportage, en septembre 2010, une entreprise a justement déversé de grandes quantités de chlore en poudre. Ignorant les conséquences sanitaires et les dangers pour leurs poumons, les enfants ont investi la zone comme nouveau terrain de jeu.

Les affections respiratoires, les parasitoses intestinales, les dermatoses et les affections bucco dentaires constituent les pathologies les plus fréquentes chez les populations riveraines et les récupérateurs. Ainsi, 1/3 des femmes présentent des problèmes gynécologiques et des malformations sont observées dès la naissance chez les nourrissons.

Une mobilisation partielle pour des mutations de taille

Le gouvernement prévoit une fermeture prochaine de la décharge sans pour autant pouvoir arrêter une date. Il s'agit de trouver un terrain adéquat et le financement nécessaire à la création d'un centre de tri et d'incinération. Rien n'a été envisagé encore pour les 400 personnes vivant sur la décharge ni pour la reconversion des 1 200 récupérateurs.

Pape Mar Diallo est le coordinateur de l'association Bokk Diom (financée par le projet des Nations Unies) qui chapeaute depuis 1995 la scolarisation des enfants de Mbeubeuss et le fonctionnement du dispensaire médical. Passionné et fortement engagé pour l'amélioration des conditions de vie des récupérateurs, il nous explique les actions développées envers les enfants : "L'association scolarise les enfants pour les sortir de la décharge en leur apprenant un métier. De 7 à à 12 ans, ils suivent un cursus classique, puis, de 13 à 18 ans, intègrent des formations qualifiantes (financées par l'Unicef) dans les secteurs de la menuiserie, la mécanique, la broderie, etc. Des aides financières sont alors accordées aux parents pour compenser les pertes "salariales" des enfants scolarisés."

Le quotidien s'améliore doucement même si cette avancée paraît encore très loin de normes qui nous paraîtraient décentes. Aujourd'hui, il est urgent d'agir pour fermer cette décharge toxique à ciel ouvert, de lutter contre la pollution qu'elle engendre, d'agir pour la santé et le devenir des récupérateurs qui y travaillent et/ou qui y vivent.

Isabelle SCHMIDT et Julien GERARD

Découvrez le reportage photo ci-dessus.

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