Où je reçois des cadeaux anonymes et j'arbore un sourire niais

Quand le film Le fabuleux destin d’Amélie Poulain est sorti, je me suis amusé à glisser dans des boîtes à lettres des enveloppes mystérieuses, des dessins d’enfant (non, je n’ai pas 8 ans, pourtant), à laisser sur le palier d’un monsieur que je savais seul une boîte de bonbons ou un bouquet de jonquilles. Et si j’apportais du désarroi parce que l’acte anonyme décontenançait plus qu’il ne plaisait, je ne le savais pas. La vie me semblait à l’époque si prévisible et si ennuyeuse que j’apportais ma pierre à l’édifice d’une naïveté consommée, de bouts de joie que je m’efforçais de ne pas signer. Oui je sais, il n’y a pas de véritable acte gratuit. L’acte gratuit n’existe que chez les Bisounours. Ou dans les livres…
Voilà donc plusieurs semaines que je reçois un hebdomadaire. Un cadeau dont j’ignore encore l’expéditeur. J’ai eu beau tourner dans tous les sens ledit magazine, je ne trouvais mention d’aucune adresse me signalant une méprise. Il était simplement indiqué « portage à domicile ». Il ne s’agit heureusement pas de l’Equipe ou des Echos, journaux qui me servent à recueillir les épluchures une fois que mon beau-frère les a épluchés (les journaux, banane !)
Aujourd’hui je reçois un colis. De jolies baskets blanches et confortables. Sur le paquet, mon nom, mon adresse. Sur les chaussures, ma pointure. Non seulement elles me plaisent mais elles me vont. A défaut de remercier mon bienfaiteur, j’arbore un sourire niais et je dis merci à la boîte à chaussures, aux lacets de rechange bleus, au magazine, au bruissement des feuilles de bambous qui se penchent pour me saluer, au merle de la rue Daguerre qui me siffle un bonsoir, à ma montagne de paperasses en souffrance qui se fait toute seule, à mon caddie de mamie qui, la liste de courses et la carte bleue dans la pochette extérieure, franchit le seuil et s’en va faire les courses sans moi.