Suites de l’affaire DSK, un groupe de libéraux (« leslibéraux« ) a pris une initiative : offrir des roses à Ophelia, le surnom de la femme de ménage du Sofitel victime des assauts prêtés à l’ex-président du FMI. Tous les trente clics des internautes, une rose supplémentaire sera envoyée à Ophélia dont on ne connait pas l’adresse et qui ne s’appelle pas Ophélia.
Le message est simple : les intellectuels et les médias français n’ont eu de mots que pour DSK sans paraitre se préoccuper de la victime supposée de l’affaire. Il est vrai que l’affaire évoque la farce et le ridicule alors que la victime a connu un véritable traumatisme.
La critique est d’ailleurs loin d’être isolée : plusieurs voix se sont élevées pour critiquer le traitement médiatique qui ferait l’impasse sur la victime ou remettrait en cause ses déclarations. On a parlé et on parle de misogynie, de cabale des puisants, de compromissions etc. Et on ne parlerait pas assez de la victime. D’où l’opération.
Mais une telle opération souffre de plusieurs vices et se révèle avant tout embarrassante.
I – L’ennui déjà c’est que le reproche est mal fondé. En effet, si on parle de DSK plutôt que de la femme de ménage, c’est parce que c’est là le sujet d’actualité pertinent, eu égard au destin qu’on lui traçait vers la présidence de l’Hexagone, eu égard à ses responsabilités actuelles dans un contexte de crise, eu égard à sa médiatisation, eu égard enfin aux circonstances surprenantes de l’affaire.
A l’inverse, le viol d’une femme de ménage, aussi grave soit-il, ne constitue pas à lui seul une news. Et si nous connaissons le sort d’Ophelia plutôt que celui de toutes les autres femmes qui ont subi une agression sexuelle, c’est uniquement au regard de la personnalité de l’accusé. Entend-on pleurer au sujet de chacune des femmes violées anonymement dans le monde ? Les belles âmes pourront déplorer ce fait : le public, dont nous sommes, s’intéresse plus à des choses triviales tels que des résultats sportifs qu’aux drames anonymes qui interviennent en permanence aux quatre coins du monde.
La réalité c’est que la news dans cette affaire, ce sont les déboires de DSK. Et il n’y a pas grand chose à dire à propos de la victime. Mais un tel silence à son égard ne signifie en soi aucun mépris, ni déni de justice.
II – L’ennui, au-delà du reproche mal fondé, c’est que l’initiative « Une Rose pour Ophélia » sent bon la tartufferie. Quand on reproche aux médias et aux politiques de ne pas penser assez à la victime, on dit en creux que DSK bénéficierait d’un traitement de faveur, puisqu’on le défendrait, on l’excuserait en escamotant la victime de ses actes. En cherchant à attirer la compassion sur la victime, on dénonce les médias qui manqueraient de compassion.
Vouloir offrir une rose à Ophelia, c’est donc poursuivre la critique de la connivence entre médias et DSK par d’autres moyens… En prétendant avec de belles larmes de crocodile se soucier de la victime, on poursuit un objectif politique.
On offre une rose à Ophelia non pas parce qu’elle a été violée mais parce qu’il y DSK et les médias français et l’opinion publique qu’on peut atteindre. La classe.
Mais le site de l’opération apparait vouloir se dédouaner par avance de la critique d’une attaque contre DSK, ce en insistant sur la présomption d’innocence. Et à force d’insister, on peut se prendre les pieds dans le tapis. Et c’est chose faite puisque DSK est présenté comme l’auteur de l’ »agression présumée », ce qui contrevient frontalement à la présomption d’innocence. Péché véniel au regard du principal.
Je n’offrirai pas de rose pour Ophelia parce que de toutes les femmes qui connaissent des abus, celle-ci est tirée de l’anonymat pour commettre un coup politique qui n’est pas grand, le tout en exhibant un humanisme de pacotille. La grosse ficelle expose au ridicule et la bonne idée risque de tourner au bouillon.