Au e-G8, les olibrius et les incompétents veulent réguler Internet
Le e-G8 est en train de s’achever et on apprend que, conformément à ce que j’imaginais déjà lundi dernier, les conclusions sont déjà écrites, se foutent du citoyen et comptent bien permettre à l’agenda spécifique des États de se réaliser rapidement…
C’était couru d’avance : dès le départ, l’e-G8 a été présenté comme un sommet, organisé par le président français, pour traiter d’Internet en présence d’autres chefs d’États et de gouvernements, avec des industriels fortunés et l’absence marquée de représentation citoyenne, sans aucun compte à rendre à la fin sur les décisions prises.
Aubaine évidente et arène grandiose pour se faire mousser, Sarkozy n’a donc pas lésiné sur les moyens, et se sera comporté exactement comme attendu. En entrée, on avait un événement artificiel chargé de faire son auto-promotion, en sortie, on a toujours le même artifice, mais on gagne l’absolue certitude que tout sera tenté pour museler un peu plus les nouvelles technologies.
En fait, la seule, l’unique préoccupation, celle qui vire même à l’obsession lorsqu’on aborde le sujet, de la plupart des membres du gouvernement et du président français concernant Internet a toujours été de le centraliser, le filtrer et le cadastrer au micromètre pour s’en assurer la totale et irréversible docilité.
Internet, pour ces gens-là, doit absolument être, exactement comme le reste des médias d’information, un moyen au service de leurs fins. Si l’on se rappelle d’ailleurs la petite histoire d’Arpanet, on se souviendra des études qui avaient été menées en France à l’époque (nous sommes courant des années 70) sur la commutation de paquets. Alors que les Américains n’en sont qu’aux balbutiements de leurs technologies, cette commutation fonctionne chez nous. Mais elle sera abandonnée, purement et simplement, ayant le « défaut technique » de trimbaler les paquets dans le désordre mais surtout le gros défaut politique de se passer de centralisation.
On comprend l’engouement et les milliards dépensés dans le Minitel dans les années 80. On comprend les dizaines de millions dépensés ensuite dans les lois LOPPSI, LCEN puis HADOPI et suivantes pour, une fois Internet là et définitivement ancré dans les habitudes, colmater toutes les nouvelles libertés apparues à la faveur de son introduction.
Cet e-G8 se place donc dans la droite ligne de tout ce qui a été fait avant : comprenant bien leur intérêt suite aux récents exemples révolutionnaires du Moyen Orient, les gouvernants se hâtent pour tenter de dompter la bête numérique.
Evidemment, on va polir le discours. Il ne s’agira pas de contrôler, filtrer, restreindre. On se contentera de « civiliser ». Filant la métaphore mal maîtrisée du Far-West, de la nouvelle frontière et des grands espaces sauvages, Sarkozy nous propose donc de faire parler la poudre et d’éliminer les méchants desperados et autres pédo-nazis à grands coups de lois.
Mais même ainsi présentée, la manoeuvre n’en reste pas moins grosse et fait doucement glousser une bonne partie des médias américains, qui ne sont absolument pas dupes : avec toujours les mêmes arguments de plus en plus moisis de lutte contre les pédophiles, les nazillons, les pirates et Christophe Maé, on va donc tout faire pour créer une nouvelle instance, internationale, pleine de fonctionnaires grassement payés à remplir des formulaires et à discuter devant de pesantes machines à café tout en aidant l’honorable institution mondiale à vomir des interdictions ridicules à un rythme démentiel.
Mais le plus beau est tout de même la façon dont c’est présenté. Brut de décoffrage, cela donne ceci :
« L’univers que vous [les grands noms de l'Internet] représentez n’est pas un univers parallèle, affranchi des règles du droit, de la morale et plus généralement de tous les principes fondamentaux qui gouvernent la vie sociale dans les pays démocratiques… Personne ne peut ni ne doit oublier que ces gouvernements sont dans nos démocraties, les seuls représentants légitimes de la volonté générale. L’oublier, c’est prendre le risque du chaos démocratique donc de l’anarchie. L’oublier, c’est confondre le populisme avec la démocratie d’opinion. »
Eh oui : réguler internet, ce n’est pas une lubie, ce n’est même pas un mouvement-réflexe pour se protéger les miches, c’est bien mieux que ça, c’est un devoir !
Et attention, hein, ce n’est pas un devoir parce que sinon, Internet sera le fameux Far-West évoqué plus haut ! Non non ! C’est un devoir parce qu’il en va de la démocratie, de la morale et des droits fondamentaux qui gouvernent la vie sociale ! Et si on l’oublie, on tombe dans le populisme (et, on le devine, les heures les plus sombres de notre histoire, hein, ne l’oublions pas).
Oui, vous avez bien lu : réguler internet, ce serait bon pour la démocratie.
Je crois que comme troll, on n’a rarement vu plus gros puisqu’il s’agit d’un troll international, avec son point Godwin auto-incrusté, lancé depuis un pays dont l’excitation anti-internet au niveau gouvernemental donne de jolies cartes sur OWNI avec beaucoup de rouge qui pète.
Le pompon est qu’en marge de cette manifestation parfaitement convenue, au déroulement scripté et à la conclusion établie de longue date, s’est déroulée une autre réunion, conférence de presse improvisée par la Quadrature du Net, qui déclare à raison que :
«l’eG8 est une mise en scène où un gouvernement déconnecté de la civilisation Internet espère apparaître en phase avec celle-ci en se montrant en compagnie de quelques leaders économiques du secteur ».
Tous les acteurs d’Internet qui ont deux doigts de bon sens le savent : laisser la bride à ce genre de manœuvres gouvernementales, c’est s’assurer que les oligarques, les monopoles, les rentes et les castes du monde physique seront scrupuleusement reproduites dans le monde numérique, en écrabouillant la possibilité, effective et parfaitement atteignable, que chacun puisse enfin s’exprimer librement.
En laissant les propos de Sarkozy s’installer sans contradiction, on lui laisse croire, à lui et à toute sa clique de traîne-savates pouilleux, qu’ils ont raison, que le peuple est derrière eux, que les principaux intéressés, les internautes, sont vaguement d’accord avec ce qu’il raconte.
Alors que nos gouvernants sont physiquement incapables de comprendre la révolution qui se joue sans eux, voire contre eux au point de les faire un peu baver aux commissures des lèvres, ces mêmes tocards se prétendent les mieux placés pour réguler Internet. C’est grotesque.
On ne veut jamais autant contrôler quelque chose que ce dont on a une peur bleue. Les puissants, les gouvernants veulent contrôler Internet parce qu’il est décentralisé et se passe totalement de leurs services. Internet, à chaque paquet qui transite, leur montre tous les jours un peu plus qu’ils ne nous sont utiles en rien, que les gens n’ont plus besoin d’eux pour se parler, s’organiser, commercer et s’entraider. Internet, pour les politocards, pour les Sarkozy et les autres, c’est la fin de leur business.
Internautes, ne laissez pas faire ce genre d’olibrius.
Internautes, faites pointer ces incompétents chez Paul Employ.
La liberté d’expression existe encore sur internet : servez-vous en, pour leur dire que leurs idées sont stupides. Internet n’a pas besoin de Sarkozy, de HADOPI et de lois comme ACTA. Internet n’a pas besoin de commissions internationales.
Internet n’a pas besoin de plus de régulation. Il a besoin de moins de politiciens.
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