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Avenir de la biologie médicale française : la saga continue…

Publié le 29 mai 2011 par Tnlavie

Comme tout domaine d’un enjeu économico-financier aussi stratégique, l’avenir de l’exercice français de la biologie médicale aura été l’objet depuis 2008 d’un intense affrontement entre les tenants d’une déréglementation génératrice de profit et les professionnels soucieux de recouvrer un cadre rénové d’exercice, moderne et efficient, adapté aux contraintes économiques actuelles et reconnaissant autant qu’il sanctuarise leur éthique professionnelle.

Alors, peut-on espérer pour l’été 2011 la fin de la saga de la réforme de la biologie médicale française ou l’épilogue sera-t-il reporté à la rentrée?

Celui-ci n’a eu de cesse depuis la publication de l’Ordonnance en janvier 2010 d’être repoussé. On peut d’ailleurs légitimement se demander si ces atermoiements sans fin ne font pas partie d’une stratégie. En effet, les (rares) dispositions Ballereau protectrices d’un exercice praticien et équilibré, fruit de centaines d’heures de concertation, de rapports et d’auditions diverses, parfaitement justifiées dans un contexte européen d’inspiration libérale et fortement concurrentiel, sont actuellement remises en question sous la pression -non pas des biologistes médicaux (comme on pourrait le penser)- mais du lobbying de groupements financiers, des doyens d’universités, des syndicats d’infirmières libérales…Les aménagements demandés ? Maintenir à tout prix le statu quo dont bénéficient les spéculateurs, au détriment des patients français et de leurs professionnels de santé. Sabotage ? Trafic d’influence ?

Autant de questions à se poser à l’aune du rapport sur la prévention de manière effective des conflits d’intérêts au Parlement[1]…

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Tentative de décryptage…

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Avec la PPL Fourcade et l’abrogation très médiatisée (et pour des motifs fallacieux…) de l’Ordonnance , l’occasion a en effet été donnée aux parlementaires de se pencher sur quelques points litigieux de l’Ordonnance, sous l’impulsion de différents acteurs. Dans le cadre de cette proposition de loi, ont été en effet déposés de nombreux amendements ayant pour objet de réformer certaines des dispositions du Code de la santé publique issues de l’ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale.

Voici ce qu’il en a résulté au terme de la 1ere lecture à l’Assemblée Nationale (AN) le 19 mai 2011 : d’importantes modifications ont été actées puisque les députés ont adopté un total de 16 amendements sur la biologie médicale, principalement présentés par le gouvernement et la Rapporteure Valérie Boyer (député UMP des Bouches du Rhône) dont notamment —excusez du peu— un amendement de ratification (amendement n° 254 rectifié). L’Ordonnance a donc été ratifiée en 1ere lecture par l’AN.

Ce qui signifie donc une nouvelle fois que le gouvernement pourra faire l’économie d’un examen profond par les deux parlements. Autant pour la démocratie.

- Sur les prélèvements hors laboratoires

- concernant les prélèvements en cabinets d’infirmières libérales craignant à tort une mise sous tutelle de leur profession au profit des biologistes (voir notre article ici) et l’interdiction de réaliser les prélèvements à domicile (intox honteuse, notamment en zone rurale où leur rôle et le lien social qu’elles contribuent à tisser sont bien entendu cruciaux et totalement conservés par l’Ordonnance), voici le texte qui a été voté, avec l’aval du Ministre de la Santé :

« Lorsque la phase pré-analytique d’un examen de biologie médicale ne peut être réalisée dans un laboratoire de biologie médicale ou dans un établissement de santé, elle peut l’être en tout lieu, par un professionnel de santé habilité à réaliser cette phase. Cette phase pré-analytique doit être réalisée sous la responsabilité du professionnel concerné dans le respect de la procédure d’accréditation« .

Un arrêté du ministre de la santé définira « les catégories de professionnels habilités à réaliser cette phase« . L’exposé des motifs de cet amendement du gouvernement a cité les médecins, les infirmiers et les sages-femmes.

Nous saluons le fait qu’il n’y ait pas de rupture d’égalité sur le plan de l’accréditation entre professionnels de santé pour la réalisation d’un même acte ainsi que le biologiste ne soit pas responsable d’un acte qu’il ne contrôlera pas.

Mais contrairement à ce qu’affirme la Rapporteure, cette nouvelle rédaction ne donne aucunement satisfaction aux biologistes.

Elle ouvre en effet la boite de Pandore des centres de pré-analytique (et non de prélèvement, on appréciera la différence : les prélèvements étant une partie du préanalytique qui comprend prélèvement, transport, stockage, centrifugation, aliquotage etc.) dépourvus de la présence médicale d’un biologiste (et l’on occulte totalement tous les prélèvements qui ne relèvent pas de la compétence des infirmières comme les prélèvements profonds, les prélèvements vaginaux ou urétraux, les ponctions, etc..), et ainsi à l’industrialisation massive dans un contexte de financiarisation croissante de la profession. Dans ce contexte, la sacro-sainte « indépendance » professionnelle des infirmières ne fera de toute évidence pas long feu (d’autant que perdure les possibilités de participation croisées entre laboratoire et cabinets d’IDE…) et risque au contraire d’accélérer drastiquement la concentration du secteur.

Et que dire de la médicalisation de notre profession? Pour un investisseur financier, la rentabilité d’un site d’un labo avec présence effective d’un biologiste médical (le fameux « n » bio pour « n » site) comparé à un cabinet d’IDE libérales travesti en centre de prélèvement de 8H à 12H pour le compte d’un laboratoire ne souffre aucune comparaison: voila comment nous arriverons finalement à une désertification de l’offre de biologie médicale sur le territoire, à un allongement des délais de rendu des examens, à la démédicalisation de la profession : un plateau technique régional sur lequel 2 ou 3 biologistes assureront à la chaine l’analytique de milliers de dossiers, en déconnexion totale avec le patient et le versant médical de leur profession. De même, l’égalité d’accès au soin ne sera plus qu’un souvenir dans le contexte de la future organisation vers laquelle on s’achemine : un plateau technique régional unique, et des cabinets d’infirmières au petit bonheur placés sous tutelle financière des fonds d’investissements détenant des laboratoires de biologie médicale, qui obligeront les patients à faire des kilomètres…

Alors que l’Ordonnance confiait la responsabilité au biologiste de l’acte depuis le prélèvement jusqu’au rendu et l’interprétation, les parlementaires ont introduit la notion de biologie à « n » responsables: il va peut être difficile de s’y retrouver… À force de responsabiliser tous les intervenants, on finit par déresponsabiliser tout le monde…

Ceci étant dit, la rédaction de ce texte aurait pu tout aussi bien être : « Dans le respect de la procédure d’accréditation, la phase pré-analytique de l’examen de biologie médicale peut être réalisée en tout lieu, par un professionnel de santé habilité à réaliser et sous sa seule responsabilité. »

Cet amendement reprend en effet les termes de l’article L. 6211-13 réservant cette dérogation aux situations dans lesquelles « la phase pré-analytique d’un examen de biologie médicale ne peut être réalisée dans un laboratoire de biologie médicale ou dans un établissement de santé » ; nul complément d’explication sur la définition de la carence de l’offre de biologie médicale dans un périmètre géographique donné (zones rurales essentiellement). Avec une réalité jusqu’ici : de toutes les professions médicales, la biologie médicale était celle qui présentait, et de loin, le meilleur maillage territorial.

Le SJBM demande donc à ce qu’il soit expressément renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de préciser comment évaluer la carence de l’offre de biologie sur un territoire géographique, ou en d’autres termes, ce qu’il faut entendre par « impossibilité de réaliser le prélèvement au sein d’un laboratoire », —dans la mesure où ce n’est jamais le cas, puisque même lorsque les patients ne sont pas valides, le laboratoire peut envoyer vers eux des préleveurs…—. Il est en effet parfaitement injustifiable de priver une population rurale de l’accès aux actes de biologie via la collaboration IDE/laboratoires, autant qu’il est malhonnête d’introduire une telle dérogation anti-concurrentielle et génératrice de perte de qualité à la pratique du cœur de métier de la biologie médicale.

Sur un plan pratique, dans le cas où le professionnel de santé habilité ne serait pas un salarié occulte du groupement de laboratoires, ce professionnel de santé indépendant est libre de faire parvenir le prélèvement au laboratoire de son choix –lié par convention- qui réalise l’acte. Le patient ne devrait-il pas rester maitre du choix de son praticien biologiste, comme le lui garantit le code de déontologie, tout comme l’article L.1110-8 du Code de la Santé Publique, instaurant au titre de principe fondamental de la législation sanitaire la liberté de choix de son praticien par le patient? Il serait en effet proprement scandaleux que nos parlementaires ait été séduits par l’argumentaire des infirmières libérales craignant pour la liberté du choix de leur patient pour le prélèvement en occultant le fait que ce sera ce professionnel intermédiaire qui choisira pour le patient le professionnel de santé responsable de la réalisation de l’essentiel de l’acte. Comment sera dicté le choix du laboratoire par ce professionnel habilité : proximité, organisation de ramassage ou (allez savoir…) rémunération ?…

Un air de déjà vu…

Au total, l’Ordonnance avait le mérite de clarifier les responsabilités et d’assainir l’articulation des relations entre les différents intervenants au niveau de l’acte de biologie médicale. Sous couvert de préserver l’indépendance des cabinets d’infirmières libérales, cet amendement en l’état actuel détruit en fait un pan entier de médicalisation, d’efficience et d’équité d’accès à des soins de qualité identique pour les patients français. Souhaitons donc que les Sénateurs entrevoient les risques inhérents à la rédaction de cet amendement et y apportent une clarification qui puisse satisfaire chacune des parties.

- S’agissant de l’accréditation des laboratoires de biologie médicale, trois mesures principales sont envisagées

Les députés, sur proposition du gouvernement, ont repoussé de deux ans la date butoir d’accréditation des laboratoires de biologie médicale au 31 octobre 2018 (au lieu du 31 octobre 2016) (amendement n° 270 rectifié, déposé notamment par la Rapporteure), et ont proposé de réduire le champ d’application de l’accréditation qui ne concernerait plus « l’ensemble » des examens ; les conditions de l’accréditation et notamment son périmètre seraient déterminés par décret (amendement n° 8 rectifié), une accréditation sur 80% du volume des actes pratiqués a ainsi été proposée.

Les preuves d’entrée dans une démarche d’accréditation devront être données au 1er novembre 2014 (au lieu du 1er novembre 2013). Sans changement, l’entrée se fait soit par une accréditation partielle sur au moins un secteur d’examen de biologie médicale, soit, par la détention d’une qualification délivrée par l’association Bioqualité.

Les députés ont également reculé d’un an, du 31 octobre 2011 au 31 octobre 2012, le délai d’obtention d’une autorisation pour l’ouverture d’un nouveau site.

Outre la procédure d’accréditation, il serait envisagé de créer en parallèle une procédure de certification moins exigeante (amendement n° 25), ce dernier n’ayant pas reçu le soutien du gouvernement, il n’a pas été retenu.

Notons enfin que les médecins anatomopathologistes ont obtenu gain de cause et sont sortis du champ de la biologie, ce qui induit une rupture d’égalité entre professionnels pour la réalisation d’actes identiques et de finalité identique (diagnostic et traitement), quoique puissent s’en défendre nos confrères anatomopathologistes pour justifier une application de législation différente. Diagnostic médical réalisé sur l’analyse d’un prélèvement biologique pour les uns, diagnostic médical réalisé sur l’analyse d’un prélèvement histologique pour les autres. Nous vous laissons apprécier la différence…

L’article L. 6211-1 du code de la santé publique a ainsi été complété par les mots : « à l’exclusion des actes d’anatomie et de cytologie pathologiques exécutés par des médecins spécialistes dans ce domaine ».

Maintien des contrats de collaboration

Le gouvernement a approuvé un amendement de Jean-Sébastien Vialatte (UMP, Var) maintenant les contrats de collaboration, déjà conclus entre plusieurs laboratoires de biologie médicale pour la mutualisation de moyens pour la réalisation des analyses les moins fréquentes, alors qu’ils avaient été supprimés par l’Ordonnance et devaient cesser à compter du 1er novembre 2013.

- Inscription à l’Ordre

Contre l’avis du gouvernement, les députés ont adopté un amendement de Jean-Sébastien Vialatte et Guy Malherbe (UMP, Essonne) qui rattache à la section G de l’Ordre des pharmaciens (« pharmaciens biologistes exerçant dans les laboratoires de biologie médicale publics et privés ») ceux qui exercent dans la toxicologie, la pharmacologie et la parasitologie.L’objectif est de réunir « l’ensemble des pharmaciens exerçant dans le domaine de la biologie » et répond à une demande de l’Ordre des pharmaciens, a souligné Jean-Sébastien Vialatte.

- Sur le capital des laboratoires

L’interdiction opposée aux établissements de santé de détenir une fraction du capital des sociétés exploitant un laboratoire a été confirmée.

Au 1° de l’article L. 6223-5, les mots : « autorisée à prescrire des examens de biologie médicale » sont remplacés par les mots : « un établissement de santé, social ou médico-social de droit privé » ;

L’amendement n° 235, déposé par la Rapporteure, a été adopté. L’exposé des motifs a rappelé la nécessité de permettre aux biologistes de créer des SPFPL, réclamé par ces derniers depuis de nombreuses années, permettant notamment de faciliter la transmission de l’outil de travail intergénérationnel.

Rappel sur les SPFPL

La loi LME du 4 août 2008 a réformé, notablement, la réglementation des SEL en modifiant l’article 5 de la loi du 31 décembre 1990, afin qu’une holding-SPFPL puisse être majoritaire en capital et en droits de vote dans une SEL, dès lors que cette SPFPL n’est détenue que par des professionnels libéraux exerçant dans la SEL.

À cet effet, les SPFPL ont été introduites à l’article 5, 4e alinéa de la loi, à côté des sociétés holdings/rachat d’entreprise par les salariés prévues à l’origine, mais tombées en désuétude depuis que l’article 220 quater du Code général des impôts qui les régit n’est plus applicable.

Auparavant, la SPFPL était cantonnée à 49 % du capital et des droits de vote de la SEL. Désormais, les biologistes qui se constitueront en SPFPL pour reprendre une SEL pourront donc bénéficier de la fiscalité des sociétés mères/filiales pour l’intégralité de leur montage financier ; c’est-à-dire que les dividendes versés par la “SEL fille” et consacrés à rembourser l’emprunt de la “SPFPL mère” ne seront quasiment pas imposables – contrairement aux dividendes perçus directement par les personnes physiques qui supportent des prélèvements sociaux et fiscaux de 33,8 % à la marge (IR + CSG + RSA), voire l’intégralité des charges sociales dans certains cas de figure.

Mieux encore, lorsque toutes les parts d’une SEL seront cédées en bloc à un ou plusieurs repreneurs, leur SPFPL sera en position d’acquérir 95 % du capital et des droits de vote – seuil qui autorise le régime de l’intégration fiscale ; alors, non seulement les dividendes seront exonérés, mais encore les intérêts d’emprunt seront déductibles (au titre des frais financiers) des bénéfices réalisés par la “SEL fille”.

La capacité de remboursement de l’acquéreur/ SPFPL, ainsi majorée de l’ordre 40 à 50 % par rapport à celle d’une personne physique, permettra, à revenu net et apport personnel donnés, soit de réduire la durée de l’emprunt, soit d’en majorer le montant.

Le 3° de l’article L. 6223-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les sociétés de participations financières de la profession de biologiste médical ne peuvent être composées que des membres exerçant leur profession au sein de la société d’exercice libéral. »

L’amendement (n°93) qui entendait mettre un terme à la pratique des associés professionnels ultraminoritaires en imposant à chaque biologiste de détenir au moins 5 % du capital et des droits de vote de la société au sein de laquelle il exerce n’a malheureusement pas été soutenu par son auteur, sous la pression des lobbies financiers. Une disposition similaire existe dans le domaine de la pharmacie d’officine. La scandaleuse dérive des contrats TNS ultraminoritaires forcés va donc, sauf avis contraire des sénateurs, pouvoir continuer comme avant. À moins que les TNS ultraminoritaires ne fassent la demande devant les tribunaux compétents de requalification de leurs contrats de travail. Ce qui risque si cette possibilité est mise en actes, de provoquer un réveil difficile de la part des employeurs exploiteurs…

- Sur les ristournes…

L’amendement n° 229 des députés Bur, Gaultier et Leonetti proposant de réintroduire les ristournes (visant à rétablir la liberté des prix en matière d’analyses de biologie médicale au profit des établissements de santé public ou privé) a été très inopportunément adopté par les parlementaires, avec l’avis favorable du gouvernement.

Cette délicate question des ristournes, que l’Ordonnance avait interdites, sur le principe de l’incompatibilité avec la « médicalisation » de la spécialité et sa sortie de la directive « service » de l’UE, ainsi que son interdiction pure et simple par le code de déontologie des Médecins (auxquels sont soumis les laboratoires de biologie médicale). 

Les intérêts budgétaires des établissements de soins ou des organismes d’assurance maladie, la menace planante de l’autorité de la concurrence, ont semble t-il eu raison de ce principe de bon sens.

I. – L’article L. 6211-21 du code de la santé publique est ainsi rédigé : « Art. L. 6211-21. – Sous réserve des accords ou conventions susceptibles d’être passés avec des établissements de santé publics ou privés ou des groupements de coopération sanitaire mentionnés à l’article L. 6133-1 et sous réserve des contrats de coopération mentionnés à l’article L. 6212-6, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif de la nomenclature des actes de biologie médicale prise en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité sociale. »

II. – Le IV de l’article 8 de l’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale est abrogé.

L’Ordonnance du 13 janvier 2011 a consacré le caractère médical de la biologie.  Les ristournes étant de nature purement mercantile, celles-ci sont par conséquent en totale violation du code de santé publique et du code de déontologie statuant que la médecine ne doit pas être exercée comme un commerce. En effet, la concurrence entre structures médicales ne doit pas s’organiser en « bradant » les actes d’analyse afin de « remporter un appel d’offre », profitant directement aux structures les plus concurrentielles. L’augmentation concurrentielle des volumes risque par ailleurs d’altérer profondément la prise en charge médicale prodiguée aux patients.

Dans le cadre réglementé des professions de santé, le SJBM a toujours privilégié le concept de prise en charge optimale au tarif négocié de la nomenclature médicale, la concurrence se faisant alors par le haut en proposant de meilleures prestations médicales, dans la démarche de qualité prouvée de l’accréditation. Si des ajustements tarifaires doivent être entrepris (et ils l’ont déjà été, puisque la biologie médicale subit sa 5ème baisse consécutive de nomenclature cette année), ceux-ci doivent se faire dans le cadre des négociations conventionnelles et non dans le cadre de rabais accordés aux établissements de soin.

Enfin, le risque de voir s’accroitre la sous traitance par appel d’offre vers le privé de la biologie hospitalière (dont l’accréditation, mal financée, représente un surcout majeur pour un établissement de soin…) fait courir un grave danger à l’organisation des soins, à la formation des internes aussi bien qu’à la pluralité de l’offre.


- Recrutements en CHU dans les pôles de biologie ouverts aux PUPH non-titulaires du DES dans la limite de leur domaine de sous-spécialisation.

Avenir de la biologie médicale française : la saga continue… 

Le Gouvernement, via l’amendement n° 266, a instauré -comme promesse avait été faite à nos chers doyens des facultés- le pouvoir de nomination dans les CH et CHU de professionnels non titulaires du DES de biologie médicale, et leur premettre d’accéder néanmoins aux fonctions de biologiste au sein de ces établissements dans leur domaine de spécialisation, en dépis des principes déontologiques et de la qualité de la prise en charge des patients. Pour les médecins et pharmaciens, il ne sera donc nul besoin de passer devant la commission de qualification des Ordres pour prouver leur compétences médicales dans le domaine de la biologie médicale et obtenir une équivalence d’exercice (comme pour n’importe quelle autre spécialité médicale), quant aux scientifiques…. le passe-droit est proprement scandaleux.

Les Députés PU-PH sont cordialement invités à lire à nouveau ce rapport[2]…

Après l’article L. 6213-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 6213-2-1 ainsi rédigé : « Art. L. 6213-2-1. – Dans les centres hospitaliers et universitaires et dans les établissements liés par convention en application de l’article L. 6142-5, des professionnels, non titulaires du diplôme d’études spécialisées de biologie médicale et justifiant d’un exercice d’une durée de trois ans dans un laboratoire de biologie peuvent être recrutés dans une discipline biologique ou mixte sur proposition des sections médicales et pharmaceutiques du Conseil national des universités. Ces professionnels exercent leurs fonctions dans le domaine de spécialisation correspondant à la sous-section médicale ou à la section pharmaceutique du Conseil national des universités. »

C’est donc le grand retour des magouilles opaques de nomination sur des postes de biologiste médical de chercheurs scientifiques financés par les CHU (déficitaires) sans qu’aucune qualification pour une activité hospitalière –d’ailleurs le plus souvent plus ou moins fictive- ne soit exigée. Aux dépens bien sur des 250 internes, titulaires du DES de biologie médicale (4 années d’internat), formés chaque année en France. Rappelons que plus de 60% des nominations réalisées chaque année en CHU correspondent à des non titulaires du DES de Biologie Médicale. Cette situation ne correspondant aucunement à une carence de candidats issus du DES (en témoignent le nombre de Master 2 et thèses de science que passent les jeunes biologistes médicaux), mais bien à une volonté délibérée d’utiliser les postes de biologie médicale comme garde-manger pour les autres spécialités…entretenant au passage un odieux clientélisme.

Pour clôturer, quelques points positifs…

concernant les remplacements des pharmaciens

Disposition malencontreusement effacée par la publication de l’Ordonnance du 13 janvier 2010, le remplacement des pharmaciens est dorénavant rétabli.

« Art. L. 6213-10-1. – Un décret fixe les conditions dans lesquelles, par dérogation aux articles L. 6213-1 à L. 6213-4, les biologistes médicaux peuvent se faire remplacer à titre temporaire. » ;

concernant les vétérinaires

Les députés ont également voté l’autorisation donnée aux vétérinaires de s’inscrire au diplôme d’études spécialisées de biologie médicale, après un examen de leur dossier, alors que la loi HPST avait supprimé cette possibilité, pour des raisons aisément compréhensibles de sécurité sanitaire et de santé publique.

Cependant, le paragraphe IV est ainsi rédigé : « IV. – Un vétérinaire qui suit une formation en spécialisation de biologie médicale postérieurement à la date de publication de la présente ordonnance ne peut pas s’en prévaloir pour exercer les fonctions de biologiste médical. » ;

- Et quelques (autres) points très inquiétants quant à leurs conséquences futures..

=> Une clause de grand-père pour les assurances….

VI. – L’article 9 de la même ordonnance est ainsi modifié : 1° Au premier alinéa du II, les références : « de l’article L. 6223-4 et du 2° de l’article » sont remplacées par la référence : « des articles L. 6223-4 et » ;

Or, pour les personnes morales à risque de conflits d’intérêts (décrites dans le 1° de l’article L. 6223-5), toute participation directe ou indirecte des personnes décrites dans le 1° de l’article L. 6223-5 est expressément prohibée par la publication de l’Ordonnance n°2010-49 du 13 janvier 2010. Cette mesure prudentielle reprenant les mesures réglementaires antérieures à la publication de l’Ordonnance vise à interdire aux sociétés d’assurances et autres fonds de pension de détenir des parts ou actions dans les sociétés exploitant des laboratoires de biologie médicale afin de protéger les intérêts supérieurs des patients de tout conflit d’intérêt pouvant lui être préjudiciable.

Si certaines sociétés ont contourné des articles législatifs soumis à sanctions administratives, il convient qu‘elles se mettent en conformité avec la loi et non qu’elles en soient exonérées.

Rappelons  que l’article L. 6223-5 a valeur légale depuis plus d’un an, et que les sanctions administratives pour violation de cet article peuvent aller jusqu’à 2 millions d’€ pour une personne morale et/ou 500.000€ pour une personne physique interdite de participation et autant pour la société exploitant le laboratoire ayant vendu ses parts à cette personne interdite…

Hors la loi n’étant pas rétroactive, on peut s’attendre à quelques « réajustements judiciaires », même en cas de vote de l’amendement d’amnistie…

=> Amendement « mutuelles » ou l’avènement des réseaux de soin « agréés », si chers aux assurances santé à but lucratif…(se référer pour analyse à cet article)

Article 22 (nouveau)

L’article L. 112-1 du code de la mutualité est complété par un alinéa ainsi rédigé :  « Les mutuelles ou unions peuvent toutefois instaurer des différences dans le niveau des prestations lorsque l’assuré choisit de recourir à un professionnel de santé, un établissement de santé ou un service de santé membre d’un réseau de soins ou avec lequel les mutuelles, unions ou fédérations ont conclu un contrat comportant des obligations en matière d’offre de soins. »

Article 22 bis (nouveau)

Une charte, rédigée par l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, fixe les principes auxquels doit obéir tout conventionnement souscrit entre les professionnels de santé, les établissements de santé ou les services de santé et une mutuelle, une entreprise régie par le code des assurances, une institution de prévoyance ou leur gestionnaire de réseaux.

L’autorité de la concurrence remet tous les trois ans aux commissions des affaires sociales du Parlement un rapport relatif aux réseaux de soins agréés.

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Voici donc longuement exposés les différents « aménagements » retenus par nos parlementaires sur l’Ordonnance si problématique sur le fond d’après notre ministre de tutelle.

La métamorphose fait plutôt froid dans le dos : nomination de scientifiques sur des postes de biologistes médicaux et déqualification du DES de biologie médicale (une véritable exception parmi les spécialités médicales), processus d’industrialisation accélérée avec la disparition du n biologiste pour n site et possibilité de fonctionner en plateau technique et cabinets d’IDE périphériques, retour des ristournes et des pratiques anticoncurrentielles, possibilité de création de nouveaux sites uniquement dédiés aux structures accréditées, avènement des réseaux de soin avec partenariat assurances-santé/laboratoires, absolution des prises de participation financière de ces dernières dans les laboratoires…

Une 3° lecture du rapport Sénatorial[3] ?

Non, ces mesures vont certainement dans l’intérêt général du peuple Français. Comment pourrait-il en être autrement…

En contrepartie de toutes ces nouveautés,  qu’ont obtenu les biologistes médicaux?  un petit allégement des conditions d’accréditation, essentiellement quantitatif plus que qualitatif puisque le principe de la norme ISO 15189 n’est absolument pas remis en cause. Suffira-t-il pour maintenir un haut niveau de médicalisation à notre spécialité face à tant de contraintes précédemment décrites, il est néanmoins permis d’en douter…

Quant au reste des légitimes revendications de la profession, notamment sur les décrets 5-1, le grave problème de la généralisation du statut de TNS ultra minoritaire subit, l’interdiction de consultation alors même que se développe le concept de pharmacien ou d’IDE référents/consultants (lien vers article)…) elles semblent bloqués pour d’obscures raisons. Les enjeux sont pourtant simples: résister à la vague de financiarisation (phase test avant très probable transposition à la radiologie et maisons médicalisées), s’adapter en tenant le pari de l’accréditation/restructuration, préserver coute que coute l’intégration professionnelle de leurs jeunes confrères, unique garantie de transmission professionnelle de l’outil de travail, maintenir enfin leur cœur de métier : terrain, proximité, conseil et suivi thérapeutique.

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Leitmotiv de la réforme : une biologie de qualité au meilleur cout.

Résultante : une biologie concentrée, industrialisée, normée dont la qualité sera bientôt à la hauteur du cout : minable ?

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Rappelons que la biologie française représente 70% des diagnostics médicaux pour seulement 2% du total des dépenses de santé. Demain, avec une biologie démédicalisée, industrialisée, financiarisée, devenue minable, la prise en charge des Français sera une catastrophe nationale.

Le Sénat se voit donc à nouveau confier une lourde responsabilité puisqu’il devra se pencher sur ces nouvelles mesures lors de la seconde lecture du texte, dont le calendrier n’est pas encore connu.

Gageons qu’en ces périodes pré-électorale, l’intérêt général saura trouver sa place sur celui de la préservation de privilèges et autres « indulgences plénières[4] » accordés aux flagorneurs…

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GJ-TN-CP

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[1] http://www.senat.fr/rap/r10-518/r10-5181.pdf

[2] http://www.senat.fr/rap/r10-518/r10-5181.pdf

[3] http://www.senat.fr/rap/r10-518/r10-5181.pdf

[4] Le SJBM pensait pourtant que le « Code de Droit canonique » ne s’appliquait pas dans un état laïc…


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