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[France - Economie sociale] Hugues Sibille : Perspectives de l’économie sociale et solidaire – alternatives économiques

Publié le 30 mai 2011 par Yes

Je suis et reste profondément un homme de l’économie sociale. J’ai été 19 ans dirigeant de SCOP. Je suis Vice-président du Crédit Coopératif et Président de l’Ides. Je viens de rassembler 20 M€ pour les entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire ayant le statut de l’Economie Sociale. Je réfute tout procès d’intention et reste un défenseur des statuts. Mais j’ai choisi depuis quelques années de prendre des initiatives pour tenir compte d’un nouvel environnement et d’un certain nombre de blocages internes à l’économie sociale. Ma finalité reste celle d’une meilleure reconnaissance et d’une rénovation de l’économie sociale.

1.   MON ANALYSE DU CONTEXTE EXTERNE ET INTERNE

L’Economie Sociale doit tenir compte de son environnement, savoir se remettre en cause, prendre en compte les mutations. Pour ma part, je retiens les quelques points suivants.

1.1.   Contexte externe

2.1.1.   Crise financière récente, refus d’une oligarchie financière, attentes nouvelles vis-à-vis de l’économie sociale, interrogations dans les milieux économiques « classiques ». Quelle voix pour l’économie sociale ?

2.1.2.   Monde associatif soumis à une très forte mutation avec diminutions des subventions publiques et nouvelles attentes des usagers : évolution vers des « entreprises associatives ».

2.1.3.   Changement sociologique des rapports individu/collectif, forte individuation chez les jeunes (ce qui ne veut pas dire individualisme).

2.1.4.   Emergence du thème de la RSE avec en particulier le concept de « parties prenantes » et de nouvelles méthodes et indicateurs pour « rendre compte ».

1.2.   Contexte interne à l’Economie Sociale

2.2.1.   Discours insuffisamment entrepreneurial de l’Economie Sociale et Solidaire depuis 20 ans, terrain de l’entrepreneuriat laissé aux « capitalistes ». Le nombre de SCOP a peu progressé en 20 ans : il faut s’interroger pourquoi ?

2.2.2.   Travail insuffisant sur la gouvernance démocratique. Décalages entre principes et réalités qui portent atteinte à la crédibilité (cf. Banques Coopératives). Il ne suffit pas d’affirmer la double qualité pour que ce soit une réalité.

2.2.3.   Nécessité de prendre en compte les nouveaux enjeux de solidarité et les besoins sociaux non satisfaits. Si l’Economie Sociale et Solidaire ne le fait pas, elle perd sa crédibilité (Montée de la dépendance : quelle réponse ?).

2.2.4.   L’Economie Sociale : puissance économique. Mais : nain politique. L’Economie Solidaire, laboratoire d’innovations sociales mais : difficulté à avoir des résultats de masse.

Au total, une beaucoup plus forte attente d’économie sociale, une difficulté à se faire entendre, une bataille des idées qui n’a pas été gagnée, un vieillissement de l’Economie Sociale et Solidaire qui peine à intégrer les nouveaux comportements générationnels.

2.   MES ORIENTATIONS PERSONNELLES RESULTENT DE MON ANALYSE DU CONTEXTE

  • Intégrer l’entrepreneuriat social dans l’Economie Sociale et Solidaire et en obtenir un enrichissement mutuel.
  • Construire une maison commune de l’Economie Sociale et Solidaire qui permettre une plus grande visibilité, un lobbying et des économies d’échelle.
  • Elargir l’Economie Sociale et Solidaire à une stratégie de démocratisation de l’économie.

2.1.   Intégrer l’entrepreneuriat social dans l’Economie Sociale et Solidaire, en obtenir un enrichissement mutuel

  • Défensif: éviter que n’émerge avec l’entrepreneuriat social une «contre Economie Sociale et Solidaire».
  • Offensif: considérer que l’entrepreneuriat social recouvre un double objet:

La mutation d’une partie du monde associatif vers l’entreprise associative qui est pour moi synonyme d’entreprise sociale.

La création d’entreprises nouvelles à finalité sociale.

  • Proposer des critères de l’entrepreneuriat social qui soient proches de l’Economie Sociale et Solidaire, même si on n’utilise pas le statut:

Finalité sociale inscrite dans l’objet.

Rémunération limitée des apports de fonds propres.

Excédents réinvestis.

Encadrement des écarts de salaires.

Implication des parties prenantes dans la gouvernance.

  • Faire que le Mouves soit en synergie avec l’Economie Sociale et Solidaire:

Texte commun Mouves/CNCRESS en cours.

Demande du Mouves d’adhérer au Ceges.

2.2.   Construire ou reconstruire la maison commune de l’Economie Sociale et Solidaire

Aujourd’hui elle n’existe pas (plus).

  • Les CRESS sont actives mais cela ne suffit pas au plan national.
  • Le secteur est éclaté, avec de plus en plus de concurrence interne. Les moyens des têtes de réseau sont dispersés, ne permettant pas l’efficacité.
  • Les Etats Généraux de l’Economie Sociale et Solidaire sont intéressants, mais quel sera le débouché institutionnel et politique?
  • L’Economie sociale et solidaire avance sur 2 pieds entrepreneuriaux: les coopératives (SCOP, SCIC, CAE, etc.) et les entreprises associatives et entreprises sociales. Quelle articulation pour que ces 2 pieds avancent de manière dynamique et cohérente?
  • La question des syndicats d’employeurs et de la fonction employeur n’a pas été réglée.

3.2.1.   Mutualiser des moyens humains et techniques entre les organisations nationales et transversales de l’Economie sociale et solidaire (Ceges, CJDES, CNCRESS, Mouves).

3.2.2.   Mieux utiliser des outils techniques (Avise…), et financiers (Ides, France Active) en en faisant des outils mutualisés au service de stratégies de développement.

3.2.3.   Construire une plateforme commune pour les présidentielles.

2.3.   A partir du noyau dur de l’Economie Sociale et Solidaire, élargir la stratégie à la démocratisation de l’économie.

Economie Sociale : 10%. Que fait-on des 90% ? Peut-on réguler l’économie avec une Economie Sociale et Solidaire à 10% ?

L’Economie sociale et solidaire doit être le fer de lance, et chercher des alliés pour influencer les 90%.

3.3.1.   Redynamiser la démocratie interne dans l’Economie Sociale et Solidaire en retravaillant nos gouvernances (en particulier composition et fonctionnement des Conseils d’administration), en ayant une meilleure représentation des parties prenantes, en suivant de près l’émergence d’un activisme sociétarial.

3.3.2.   Pousser la RSE à donner un vrai pouvoir formel aux parties prenantes dans les entreprises classiques.

Exemple : administrateurs salariés dans les conseils d’administration ; représentants d’ONG dans les conseils.

3.3.3.   Construire des démocraties économiques territoriales qui aillent plus loin que l’Economie Sociale et Solidaire et établissent des partenariats avec les collectivités locales :

o   Pouvoir du citoyen sur les Schémas Régionaux de Développement Economique (SRDE).

o   SCIC de parties prenantes.

o   Emergence de groupements solidaires territoriaux.

o   Etc.

EN CONCLUSION

Jamais le potentiel de développement de l’Economie sociale et solidaire n’a été aussi fort mais la porte du changement s’ouvre de l’intérieur.

Ce n’est pas par des batailles internes que nous gagnerons, mais par un esprit de conquête externe, qui tienne compte du monde dans lequel nous vivons et allons vivre.

Le renouvellement générationnel est un enjeu majeur de l’Economie sociale et solidaire.

CRESS Ile de France – Intervention d’Hugues SIBILLE – mars 2011

Hugues Sibille » Blog Archive » Perspectives de l’économie sociale et solidaire.


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