Donc, Jos Racette, le guide, a rengainé les lignes à pêche des trois millionnaires, a paqueté dans la glace les quatre cents petites truites mouchetées, a descendu les valises dans le grand canot et a reconduit ces messieurs à l’hydravion au milieu du lac. Puis, il a fait bonjour avec sa rame et l’hydravion est reparti pour New York. Mister Crall a passé les trois jours les plus merveilleux de sa vie et ses deux amis les avocats aussi. Il est songeur en survolant les forêts du retour. Rien que des ennuis l’attendent à New York; tout liquider, tout vendre et venir ici dans la paix finir ses jours avec Racette. Pourquoi pas? Se payer dix ans de vacances après quarante de luttes… Racette ouvre toutes les fenêtres du chalet, balaye et brosse, met de côté les billets de banque qu’on a laissés sur la table à son intention, allume sa pipe, et se voit déjà dans une petite chambre à New York, où il rêve de s’installer parmi le monde.
Félix Leclerc, Le calepin d’un flâneur
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