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Luc Ferry et la trahison des clercs

Publié le 03 juin 2011 par Exprimeo
La mode actuelle est à la condamnation de Luc Ferry parce qu'il aurait entretenu "la rumeur". Mais sa déclaration révèle d'abord un cri de conscience face à un poids qui était celui de la trahison des clercs. Il a accepté de se mettre en danger et c'est bien qu'il ait agi ainsi même trop tardivement. La tradition française repose sur une intervention active des intellectuels dans la vie politique. Malraux, Sartre, Camus... étaient des vrais acteurs permanents de la vie politique française. Lors de certains temps forts critiques, des intellectuels ont été des vrais guides de l'opinion. Ce fut le cas en France du manifeste des 121 lors de la guerre d'Algérie, des "nouveaux philosophes" face à la barbarie des régimes communistes… Ces périodes montrent les trois facettes de la contribution d'intellectuels : - influence, - exercice du pouvoir, - contre-pouvoir manifeste. Face à ces repères historiques, la période actuelle est marquée par une profonde ambiguïté. Tout d'abord, que recouvre maintenant le mot même "d'intellectuel" ? S'agit-il d'intellectuels "professionnels" à l'exemple d'écrivains, d'universitaires, de journalistes ? S'agit-il de "nouveaux" intellectuels au parcours différent comme des anciens hauts fonctionnaires ou des dirigeants d'entreprises qui cherchent à acquérir ou à conserver une position intellectuelle complémentaire à leur implication directe dans un processus classique de production ? Si nous devons avoir à l'esprit qu'il s'agit là de deux profils distincts, au-delà même de leur profil, l'enjeu réside dans leur capacité à affirmer et à diffuser la différence. Les sociétés contemporaines installent rapidement une sorte de "pensée unique". Beaucoup de facteurs, dont la reconnaissance de la mondialisation, contribuent à créer une sorte de "chape de plomb" qui écrase les "dissidences" intellectuelles. C'est justement parce qu'existe une tendance de ce type, qu'il est indispensable que des intellectuels se réinvestissent dans la vie publique. Ce "retour" doit correspondre à un nouveau statut. Les intellectuels doivent à la fois chercher à "éclairer" le pouvoir mais aussi être un vrai facteur de transparence pour l'ensemble de l'opinion publique. La fonction principale d'un intellectuel c'est de ne jamais être complice d'un processus d'uniformisation. L'intellectuel est celui qui doit d'abord être le garant d'une distance entre la société et le pouvoir. Prenons des exemples concrets : - qui peut parler de "modèle" quand un pays bat des records de suicides ? - qui peut parler de "progrès" quand tant de facteurs conduisent à l'autodestruction manifeste d'une société qui expulse la nature sans chercher à se rendre compte que le 1er expulsé sera en définitive l'homme ? … La France manque d'intellectuels qui se mettent en danger. Pour reprendre la vieille formule de G. Suffert, ils sont désormais en "chaise longue" et de préférence maintenant à la condition qu'il y ait des caméras. Il a eu raison de procéder ainsi. Il a seulement eu tort de ne pas donner toute la vérité. Comme il avait eu tort de ne pas révéler cet élément plus tôt permettant au "mis en cause" de laver son honneur plus tôt ou d'être condamné comme il le mérite.

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