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"Fred Cavazza veut-il une loi Hadopi pour les blogs?" G. Decugis CEO de Scoop.it

Publié le 07 juin 2011 par Darkplanneur @darkplanneur

Scoopit On refait le match sur Darkplanneur ! Fred Cavazza n'a pas épargné le petit monde de la curation, dans l'interview exclusive qu'il nous a donnée, avec en particulier cette petite  phrase "le principe de curation en vogue en ce moment est un vol de contenu". Guillaume Decugis CEO de Scoop.it a tenu à lui répondre.

Depuis quelques mois, le mot "curation" fait du bruit sur le Web français. C'est aussi le cas à l'échelle du Web mondial, et notamment aux US où la tendance ne dégonfle pas, mais ce qui est spécifique à la France, c'est que la pratique semble y faire peur à certains. Pour Frédéric Martinet, "la curation, c'est de la merde" et pour Fred Cavazza, du "vol". "Merde", "vol", les détracteurs n'y vont pas de main morte. Et ça donne des débats assez passionnants car d'un autre côté, les défenseurs sont assez ardents également. J'en veux pour juge les commentaires de ces deux billets mais également le développement très rapide de l'usage de Scoop.it que nous constatons. Sont-ils en train de nous préparer une "loi Hadopi des blogs"? Curieusement, cette situation me rappelle beaucoup ce que j'ai vécu dans ma boîte précédente (Musiwave) avec les ayant-droits de la musique. A l'époque, début des années 2000, nous étions non seulement convaincus que la musique digitale allait devenir mobile mais que c'était une chance (un salut?) pour l'industrie du disque. Nous pensions donc naïvement être reçus à bras ouverts par les majors, la SACEM, etc... Nous avions investi, nous avions innové, nous avions inventé des produits qui permettaient enfin à la filière de gagner de l'argent sur le digital. Hé bien, nous avions tout faux. Nous avons eu un mal fou à convaincre nos interlocuteurs que nous leur voulions du bien. Je me souviens d'une réunion avec un dirigeant d'une des majors pour laquelle nous avions été briefés par ses collaborateurs: "Ne prononcez surtout pas le mot mp3: ça va le mettre dans une rage folle!" Du coup, nous avons rapidement renommé notre idée de sonneries mp3 en "MusiTones". Quel rapport avec la situation actuelle et le débat sur la curation? Beaucoup de choses: comme hier, nous sommes animés d'une volonté d'innover; comme hier, nous ne faisons pas ça contre les producteurs de contenus mais pour leur bénéfice; comme hier, nous avançons en entrepreneurs qui proposent des solutions parfois imparfaites mais qui s'améliorent au fil du temps (à ce titre, Scoop.it fait suite à Goojet le service que nous avons lancé en 2007 et déjà fait évoluer une première fois en news reader social sur smartphone). Et comme hier, cette nouveauté fait peur à certains parce que le modèle change la donne et remet en cause des situations acquises. Syndrome du "Non Invented Here"? Peur française de la nouveauté? Peur de se faire avoir par un concept marketing? Peur de perdre sa légitimité chèrement acquise? J'invite les sceptiques à rejoindre cyroul quand il dit en réponse à Frédéric Martinet : "Alors aujourd’hui, j’ai décidé d’arrêter de dire qu’un nouvel usage, qui ne me correspond pas du tout (par idéologie ou pratique) est du bullshit. Au contraire. J’étudie et j’accompagne ces nouveautés comportementales pour essayer d’anticiper leur potentiel." Mais parlons du fond: que cherchons nous à faire avec Scoop.it? L'information overload pose deux types de problèmes. Beaucoup de bruit à la réception (on reçoit beaucoup de contenus et on n'a pas spontanément les bons filtres pour trier ce qui nous intéresse de ce qui nous indiffère). Mais aussi beaucoup de bruit à l'émission (quand il est donné à chacun de publier, c'est trouver son audience qui devient le véritable enjeu). Dans le bruit, c'est dur d'écouter mais aussi de parler. D'ailleurs, je ne connais pas d'utilisateurs de Twitter qui n'admettent pas à un moment ou à un autre recevoir trop de contenus, en particulier des tweets sans intérêt. Et, à part les célébrités et les marques (et encore...), je ne connais personne qui puisse dire qu'il a trouvé très facilement son audience sur le Web social. Chez Scoop.it, c'est cette double frustration que nous avons ressentie sur les blogs et sur Twitter.  D'où une idée: créer un média social différent, non pas pour devenir une énième façon de créer du contenu, mais pour améliorer la distribution de contenus existants en utilisant l'"algorithme humain". Amélioration qui repose sur plusieurs aspects: la curation (donc pas seulement choisir mais aussi mettre en avant et donner envie de les y consulter) mais aussi l'approche "topic-centric" qui est l'autre grande nouveauté.  L'objectif est donc bien "content-friendly": il s'agit de mettre en relation les contenus avec leur audience. Alors que répondre aux objections de façon concrète? Sur le sujet du copyright et du vol, oui il y aura toujours des petits malins, comme les appelle Fred Cavazza, pour s'approprier le contenu des autres et dire "je fais de la curation". Mais c'est vrai depuis bien longtemps et je dirais même que c'est bien plus courant sur les plateformes de blogs - qui n'obligent pas à citer les sources ou à pointer vers le contenu d'origine comme le fait Scoop.it. Sur le fond, notre plateforme clarifie les choses au contraire. Par définition, nos utilisateurs s'assument comme des curators et aucun ne peut prétendre à la paternité des contenus qu'il publie puisque, par principe, il est écrit partout qu'il n'en est que le curator, que les sources d'origines sont publiées et que tout pointe vers les domaines d'origine. Je recommande d'ailleurs fortement à ceux qui veulent s'approprier le contenu de Fred Cavazza ou d'autres de ne pas utiliser Scoop.it car c'est s'assurer d'être démasqué tout de suite, là où une simple ré-écriture sur un bon vieux Wordpress pourrait vous faire passer pour un génie du Web social... Une autre objection consiste à dire que les curators n'apportent pas de valeur ajoutée. Comme si la valeur d'un contenu était purement existentielle et que rien de ce qui pouvait l'accompagner, le présenter ou le distribuer à la bonne personne ne comptait. C'est nier l'importance du contexte, pourtant fondamentale. Si je peins un carré blanc sur fond blanc, ça n'a pas de valeur. Mais quand c'est Malevitch qui peint ça en 1918 dans le cadre du suprématisme, ça donne une oeuvre qui figure en bonne place dans la collection du MoMA à New-York. La différence? Si le contenu est roi, le contexte est dieu. Concrètement, et nous le voyons tous les jours sur Scoop.it, la juxtaposition de contenus et leur hiérarchisation sont déjà un premier niveau de valeur ajoutée: ceux qui croient qu'il suffit de jouer les morceaux d'une bonne playlist dans n'importe quel ordre pour être un bon DJ se trompent. Bien sûr il y a le choix des contenus qui est important: éliminer tous les contenus "spam" qui dupliquent pour pas cher des contenus existants ou qui n'apprennent rien, c'est ce que font naturellement des êtres humains, et ce contrairement aux algorithmes trompés par les techniques de SEO. Enfin, les curateurs apportent également leur avis, donnent leur opinion, bref leur subjectivité. Regardez la façon dont Eric Dupin ré-écrit les titres des articles qu'il partage sur Le Focus et vous verrez qu'il y en a de la valeur ajoutée, au delà de la simple sélection. Il y a l'argument de la professionnalisation "S'il y a des formations diplomantes en veille et documentation, c'est que ce n'est pas si simple." Mais alors, faut-il dire à Robert Scoble d'arrêter de bloguer et d'aller d'abord passer une licence de journalisme? Faut-il dire à Jimmy Wales de remballer Wikipedia? Je crois qu'en 2011, le Web nous a appris qu'il en était autrement de l'expertise. Fred Cavazza pose également une vraie question: comment identifier les bons curateurs sur les bons sujets? J'ai envie de lui retourner la question: comment savoir si il est un bon expert des médias sociaux? Je pense qu'il répondrait qu'il suffit de lire son blog pour comprendre que ce qu'il écrit est pertinent, que les idées qu'il y expriment sont bonnes, etc... Bref, il y a déjà une partie de la réponse qui consiste à miser sur le fait que les gens ne sont pas dénués de jugement et qu'il peuvent se faire une idée si on leur montre bien ce dont il s'agit. Or, sur Twitter, c'est justement très dur de se faire une idée: Twitter a ses qualités mais je trouve que juger quelqu'un sur sa timeline, son nombre de followers et de followings plus une bio de quelques lignes est très dur. Alors qu'en voyant la page Scoop.it (le "topic") éditée revient à feuilleter rapidement un magazine. On se fait donc très facilement une idée et on décide rapidement de s'y abonner ou pas en fonction des contenus: est-ce qu'ils m'intéressent? Est-ce qu'ils sont redondant avec ce que j'ai déjà par ailleurs? Est-ce que leur fréquence de mise à jour me convient? Etc...  Ceci étant dit, nous avons également et sur tous ces points des progrès à faire et des améliorations à apporter. Notamment sur le point ci-dessus où nous réfléchissons à introduire une notion de score de qualité des topics en cours de test. En aucun cas, nous ne pensons avoir le produit parfait et il y a d'ailleurs bien des approches différentes sur le sujet: il suffit de nous comparer à Storify ou à Pearltrees pour voir à quel point nous sommes différents, aussi bien visuellement que sur l'usage associé. Mais peut-on dire en 2011 que la façon dont sont distribués les contenus sur le Web social est un modèle de perfection? Peut-on penser que l'histoire des médias sociaux s'arrêtera à Twitter? Je crois qu'il reste au contraire beaucoup d'innovations à apporter alors nous avons l'audace d'essayer. Du coup, j'avoue quand même avoir du mal à comprendre l'emploi d'un titre aussi provocateur quand on admet par la suite dans les commentaires ne pas partir en guerre contre les outils de curation. A moins que l'ami Darkplanneur n'ait repris ce qui lui paraissait le plus polémique? (ce qui au passage montrerait encore une fois la valeur ajoutée de l'éditorialisation). Si en fait, il s'agissait de dénoncer le vol de contenus sous couvert de faire de la curation, alors j'ai envie de dire aux deux Fred qu'on est dans le même camp. Et si on écrivait ensemble une charte des bonnes pratiques de la curation? Avis aux amateurs: la proposition est faite. Guillaume Decugis, CEO Scoop.it

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