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De la dissolution du politique

Publié le 07 juin 2011 par Xylophon

Le dimanche au petit matin, il m'arrive fréquemment de me réveiller avec la radio. Ce dimanche donc, j'étais emmitouflée sous ma couette quand Europe 1 annonçait l'arrestation du directeur du FMI pour agression sexuelle.

J'ai cru à mauvais rêve. Je me suis recouchée en pensant que j'avais du me tromper de nom ou de personne. Mon candidat ne pouvait pas me laisser choir seule, las de Sarkozy. Et pourtant, c'était bien DSK qui fut arrêté et mis au arrêts.

Alors au bureau, au boulot, au bistro, les éditorialistes, les journalistes, les psychiatres chacun y alla de son interprétation.

"Oui, il est coupable,on savait tous qu'il était un prédateur sexuel et on avait rien dit.
Non, il est innocent, cela ne lui ressemble pas. Soit il est fou soit il est innocent et comme il n'est pas fou alors il est innocent. C'est un suicide politique, une façon de dire qu'il ne voulait pas y aller..."

On déplora le traitement de la justice américaine avec la mise en scène de la déchéance d'un homme, puis le peu de place laissé à la victime, et enfin le train de vie bien honteux d'un ancien dirigeant socialiste.

On aurait mieux fait de ne rien dire et de laisser la justice faire son travail. Au lieu de cela, on a eu des dérapages nauséeux, des interprétations douteuses et des leçons de morale bien mal venues.

Je ne dirai donc rien sur cette affaire, mais ce tournant de la pré campagne présidentielle interroge la question sur le rapport que nous avons avec nos politiques: entre transparence et zones d'ombres.

Les larmes coulaient sur ce visage dur et bouffi. C'était le dernier meeting des régionales et sans doute également son dernier combat. Le candidat évoqua alors son grand père, cette figure ouvrière qui s'était harassée toute sa vie pour donner à sa famille une meilleure situation.

Le ton emphatique, l'émotion dans la voix, tout fut fait pour qu'on y croit. Et moi aussi, j'ai été piégée. J'avais soudain de l’empathie pour un homme dont le comportement et les idées m'avaient révulsés pendant la première heure de ce documentaire.

Georges Freche, "Le Président" à travers l'écran m'avait ému et m'avais moi aussi donner la larme à l'oeil. Après le meeting, l'ancien président du Languedoc Roussillon lors des festivités qui suivirent la victoire annonça à ses conseillers et son entourage qu'en fait ses prétendues origines ouvrières, les conditions sacrificielles de ce grand père, tout ceci était bien entendu faux: il était le descendant d'une grande famille et n'avait jamais donc été dans le besoin.

Ce passage d'un sentiment de compassion (au sens de souffrir avec) qui pour certains va jusqu'à l’adhésion au sentiment de trahison, m'a particulièrement mis mal à l'aise et de me demander alors si finalement les élections, ne sont pas un jeu de dupes dont les premières victimes seraient les électeurs.

Plus globalement connaissons-nous les hommes que nous avons porté au pouvoir? Pourquoi certains nous plaisent et d'autres nous rebutent? Doit-on tout savoir de leur vie pour donner à qui de droit un traité de moralité?

La raison, l'argumentation aide à décrypter un discours, à comprendre un schéma idéologique, à analyser derrière les éléments de langage la doctrine politicienne.

Mais un homme politique c'est aussi un homme ou une femme avec des émotions, un caractère, des envies, et des travers. Sans cela, les robots pourraient faire de la politique, or il faut incarner en démocratie les idées que l'on veut défendre.

Pour ce faire, les chercheurs en communication politique se rejoignent sur le fait qu’il existe en général deux stratégies de politique d’image:
-l'homme politique doit pouvoir être proche des citoyens
-l'homme politique doit pouvoir se distinguer des citoyens.

La proximité est le sujet d'avenir dans un monde où le citoyen est de plus en plus noyé dans les flux d'informations, et de plus en plus loin des centres de décisions. François Hollande tente cette approche assez maladroitement en souhaitant être un candidat normal et défendre madame Dugenou. A vouloir être normal, on peut vite tomber dans la démagogie, ou dans l'imposture. En même temps peut-on être normal et vouloir être président de la République, j'en doute...

La distinction est nécessaire dans l'univers fortement concurrentiel de la politique. Même si souvent on a parfois l'impression d'entendre le discours formaté d'énarques, la distinction crée souvent ce qui fera que l'électeur adhérera ou non à un positionnement.
Dénonciation de l'adversaire ou du système médiatique, mise en avant de qualités ou de compétences propres, tout est fait pour donner crédit à une candidature.

Aujourd'hui après l'affaire DSK, certains et plutôt certaines ont choisi le terrain de la morale pour crédibiliser une candidature un peu aux oubliettes. Ségolène Royal en prônant la transparence et l'exemplarité dans la vie politique s'aventure sur un terrain glissant.

Si je ne suis pas contre une transparence qui permette de régler par exemple les conflits d'intérêts dont dénonçaient encore il y a peu Martin Hirsch, je ne suis pas non plus prête "pour le grand déballage".

Et si les Etats-Unis croient avoir des leçons de journalisme à nous donner, je n'ai pas envie tous les quatre matins de me réveiller avec un ministre qui ferait son méa-culpa à la télévision pour annoncer publiquement, devant son épouse et des millions de téléspectateurs qu'il l'a trompé, qu'il regrette mais que cela est désormais fini.

On voit déjà les limites de cette transparence à tout prix, et du danger des phrases "il n'y a pas de fumée sans feu" avec les déclarations de Luc Ferry qui surfant sur cette vague de boue a désigné publiquement(même si le nom n'a pas été cité)quelqu'un sans preuves. On ferait bien de repenser à l'affaire Allègre, ou Outreau et de ses conséquences...

Un certaine transparence oui, mais pas à n'importe quel prix, et pas au delà de ce qui relève de l'intime et de la sphère privée du politique. En voulant en effet dépasser ce clivage, on risque fortement de tomber dans le grand n'importe quoi de la politique spectacle, dont les agissements personnels de la vie privée prendraient le pas sur les débats de fonds.

De cette affaire DSK dont nous ne savons rien encore, évidemment je reste amère. J'avais la certitude que c'était seul candidat pour battre N.Sarkozy. Il faudra faire un autre choix et pour l'instant je suis un peu perdue.

Je vais retourner sous ma couette déçue en attendant des jours meilleurs pour la vie politique française et pour le parti socialiste.

Ps: Sarkozy ne te réjouis pas trop vite de cette amertume passagère, peut-importe par qui (hors Marine) tu ne feras pas de deuxième mandat

Xylophon


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