Maurice Gouiran, éd. Jigal
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Maurice Gouiran est un auteur prolixe : Le théorème de l'engambi, Le dernier des chapacans, Sous les pavés la rage, Putains de pauvres, Franco est mort jeudi... Ces quelques titres nous font dire quelques mots vrais sur le personnage Gouiran : méditerrannéen, amoureux de Marseille, de son humanité ensoleillée et fureteur de ces bavures que l'Histoire a enfouies sous son grand manteau de honte. Gouiran, lui, n'a aucune honte à déballer le linge sale des crapules... Tout commence par un meurtre... Quoi de plus banal pour un Jigal ? Un 22 avril (tiens, tiens après un 21 avril...) La victime est un notable marseillais, Vincent de Moulerin, conseiller municipal, colonel, droit dans ses bottes et au-delà, assassiné dans le sous-sol d'un parking en plein centre-ville. C'est Emma Govgaline, jeune lieutenant de police (et avatar camouflé de Gouiran ?) qui est chargée de l'enquête et donc d'aller déterrer toutes les plaies du mort... On raconte que l'ancien combattant n'est qu'une énième victime du banditisme marseillais, mais les recherches d'Emma vont rapidement la mener vers des pistes moins locales. Elle commence d'abord par gratter le passé de feu le colonel, qui a fait ses armes en Indochine avant de s'aguerrir en Algérie. Elle apprend que Moulerin créera ensuite une société de sécurité la Somagard, composée d'anciens paras, pas très rigolos au demeurant. En grattant un peu plus, l'enquêtrice découvre que le patron en question est loin d'avoir une vie de saint guerrier surtout quand il flirtait avec l'OAS. Et puis il y a ce satané trou à combler dans cette histoire au relan de facisme ancien : qu'a fait Moulerin dans les années 60 et 70 ? Du tango sur les cadavres... La vérité s'acquiert à pas de loup dans le passé sordide d'un homme qui a cloué le bec à plus d'un. La critique sociale de Gouiran est comme à son habitude féroce. Il s'en prend avec toute la vigueur de sa plume à ces milieux conservateurs qui ont le cœur tellement bien conservé qu'il en est périmé, voire pourri. Le colonel enterré, c'est toutes ses victimes que la vérité déterre et Gouiran appuie bien là où ça fait mal, sur cet axe géographique et historique aux angles colonialistes et racistes qui va de l'Algérie à l'Argentine. En trois mots, un puissant polar politique.