L’arnaque était presque parfaite…

Par Marie Servagnat

Voilà un petit post d’utilité publique, ou comment j’ai failli me faire arnaquer de la coquette somme de 14 000 euros.

Tout commence vendredi 10 août. Un homme téléphone à la boutique d’Epernay. Il se prénomme Tim Clark et se présente comme étant anglais et étant chargé d’organiser une soirée pour son entreprise. Il a vu que chez nous les prix étaient bien plus bas qu’en Angleterre, et veut donc commander 120 bouteilles de Taittinger , 120 bouteilles de Moët & Chandon et 60 bouteilles de Dom Pérignon .

Jusque-là tout va bien

Premier hic, sa soirée doit se dérouler le vendredi 17 août, soit dans une semaine précisément, ce qui complique déjà sérieusement les choses étant donné que les transporteurs ne garantissent pas nécessairement une livraison aussi rapide d’autant plus que le 15 août est un jour férié. Pas de problème me rétorque l’Anglais, j’en verrai mon propre camion chercher la marchandise directement à la boutique. Pourquoi pas…

Jusque-là tout va pas trop mal

Ce n’est pas le tout, mais arrive vite le moment où il faut parler argent. Le client propose de m’envoyer une garantie de paiement de sa banque. Je lui propose un virement bancaire, seul problème, on est déjà mardi et sir Tim Clark ne peut pas faire le virement avant mercredi, virement auquel il faut 2 à 3 jours ouvrés pour traverser la Manche, sachant que son camion doit venir jeudi après-midi enlever 300 bouteilles et un peu moins de 14 000 euros de marchandises… L’équation n’est pas simple et commence à sentir mauvais. Mais pas de soucis me claironne le prétendu aristocrate britannique : « Ma banque faxera à la votre la preuve que le virement est bien parti ». Soit.

Jusque-là on reste méfiant

Mercredi 15 août, je passe ma journée à faire ma cyber détective :
- L’entreprise la Norton IT Solutions LTD est bien enregistrée au registre du commerce anglais. +1
- Impossible de trouver le site Web de l’entreprise par contre. -1
- L’adresse mail de Tim Clark est @consultant.com, le site est un repaire de pub et il suffit de se rendre sur www.mail.com pour créer son adresse mail @consultant.com. -2
- Le numéro de TVA intracommunautaire qu’il me fournit pour établir la facture est valable. +1
- Avec Google Earth je me rend à l’adresse de l’entreprise à Leicestershire. A l’adresse donnée on voit une maison qui pourrait abriter une entreprise… ou n’importe quoi d’autre. 0
- En tapant cette adresse sur Google, de nombreuses entreprises apparaissent, et là il devient clair qu’elles ne peuvent toutes tenir dans cette fameuse maison. Ça sent la boîte postale. -1
- Je continue à survoler l’Angleterre avec Google Earth pour me rendre à Londres, à l’adresse de livraison. Ça ressemble à un quartier résidentiel pas super chic avec des petites maisons individuelles, pas vraiment le genre d’endroit où l’on fait une soirée avec 300 bouteilles de champagne. -1

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Le bilan est de -3, ça ne sent pas très bon.

Jusque-là tout est possible

Je décide de faire confiance à la banque. Si le document faxé est valable et signifie que l’argent est effectivement en route, la marchandise partira, sinon tout restera à la boutique. Jeudi matin, je suis donc la première cliente au guichet. Le fax est bien là. La directrice de l’agence me reçoit avec le fax qui est à l’entête de la Lloyds TBS, une banque anglaise très importante. Elle le regarde, contrôle le code Swift et me dit qu’il ne semble pas y avoir de problème, le virement est effectivement en route. Sur l’un des pages du fax, un numéro de téléphone est inscrit. Elle me propose donc de faire ce numéro pour lever les derniers doutes. Après quelques sonneries un homme décroche « Lloyds TSB may I help you ». L’homme me demande de lui dicter quelques codes visibles sur le fax et en quelques secondes me valide le virement. L’argent est bien partie pour le compte de la société.

Jusque-là on s’approche de la plus belle commande du site

Je ressors le cœur léger de la banque, mais au fond de moi quelque chose me dit qu’il y a un souci. Je cherche à vérifier la validité du numéro de téléphone inscrit sur le fax. Inconnu chez Google. Je contacte alors directement l’agence de la Lloyds à Leicestershire, mais impossible d’obtenir une information sur un compte qui ne m’appartient pas. L’impasse. Pour en avoir le cœur net je décide de contacter le mari de ma meilleure amie qui travaille dans une banque à Genève. Le genre d’endroit où l’on doit s’y connaître en virements internationaux (sic…). Je lui explique mon problème, et là le merveilleux banquier me dégote la solution : Appeler de nouveau le numéro indiqué sur le fax et demander au service d’envoyer un mail validant le virement. Manière de vérifier que le mail vient bien du domaine @lloydstsb.com.

Jusque-là on a des nœuds à l’estomac

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Une vingtaine de minutes plus tard, la sentence tombe. Le mail vient de lloydstsbbankuk@europe.com, un autre nom de domaine disponible sur www.mail.com. Dès lors il était évident qu’il s’agissait d’une arnaque.

Epilogue

Jeudi en début d’après-midi Tim Clark (il y a très peu de chance que ce nom soit réel…) passe un coup de fil à la boutique pour valider le passage du camion. Quand on lui annonce que faute d’avoir reçu l’argent la vente ne se fera pas, l’homme rentre dans une colère folle et raccroche de rage… Avec un peu de chance ces escrocs ont perdu un peu d’argent à envoyer un camion en France…
En tous les cas j’espère que Google indexera au plus vite ce post pour que d’autres commerçants ne puissent se faire avoir !
Deuxième leçon : faites une confiance modérée à votre banquier !

EDIT : Je viens de tomber sur deux sites qui parlent de cette arnaque qui n’est visiblement pas une première. Le premier chez Zataz et le second sur ce Blog . Il y a d’ailleurs une constante, le banquier de la Lloyds s’appelle à chaque fois Nicol Young (ou Nicool Young sur certains cachets).