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Bob Gates et l'Europe

Publié le 12 juin 2011 par Egea

Robert Gates, le secrétaire d’État américain à la défense, a donc asséné un discours carabiné à Bruxelles, lors de sa tournée d'adieu : en effet, l'homme qui a servi les deux présidents Bush et le président Obama, qui a conduit la guerre d’Afghanistan et a été réticent à celle de Libye, cet homme est sur le départ. Son profil consensuel n'en fait pas un apôtre du néo-conservatisme: on est loin du kaganisme pur et dur à la mode "l'Amérique est Mars et l'Europe est Vénus", comme dans "La puissance et la faiblesse" (bon bouquin au demeurant, même s'il a été écrit par un néo-conservateur).

Bob Gates et l'Europe
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Et ses remarques, qui ont attiré les commentaires des grands média (Figaro, Monde, Bruxelles2), méritent d'être commentées.

1/ L'original du discours est lisible ici. Une partie sur l'Afghanistan (pas de retrait précipité.... cf mon billet) une autre sur le lien transatlantique. Et la phrase qui claque : "Parmi ceux qui sont en spectateurs, le problème n'est pas qu'ils ne veulent pas participer, mais tout simplement qu'ils ne peuvent pas". Et le spectacle en question, ce n'est "que" la petite opération en Libye, face à un adversaire déclassé qui ne mène aucune opération de riposte contre les forces de l'Alliance..... Alliance qui a pourtant du mal à le circonvenir......

2/ Je reviens à mes néo-conservateurs : il était de bon ton, en Europe, lors du Bushisme triomphant et satisfait (souvenez-vous, c'était en 2003 2004) d'affirmer que ces Américains exagéraient, et qu'il n'y avait pas que les armes dans la vie. D'une certaine façon, les déboires en Irak puis en Afghanistan valident cette approche. Toutefois, entre considérer que l'approche militaire ne suffit plus à résoudre tous les problèmes et considérer qu'elle ne sert à rien, il y a un pas. Qui a été allègrement franchi, par nombre de pays européens.

3/ Car si il y a défaut de puissance actuel, pour suivre le propos de Robert Gates, c'est qu'il y a eu défaut de volonté auparavant. En fait, il y a eu une démilitarisation des esprits. Mais on s'aperçoit que la volonté de puissance, qui sous-tend l'effort militaire, est nécessaire pour peser sur les affaires du monde. L'Europe a espéré un monde multipolaire qui succéderait au monde unipolaire de l'an 2000. Or, elle n'a pas les moyens d'exister dans ce monde non pas multipolaire, mais zéro-polaire (souvenez-vous du poids européen au cours de la conférence de Copenhague). Elle croit au soft-power, au pouvoir de la norme (Zaki Laïdi) : je ne dis pas que c'est idiot, je dis que ça ne suffit pas.

4/ Il est amusant que ce soit un Obamien qui le dise aux Européens. Je crains pourtant qu'il ne sera pas entendu.

5/ Quant aux Français, ils sont borgnes au royaume des aveugles. Certes, ils obtiennent un satisfecit du secrétaire d'Etat. Mais un peu plus loin, le CEMM dans le Monde de ce week-end explique que cette guerre de Libye ne doit pas durer top longtemps : en clair, si on utilise le porte-avion jusqu'à fin 2011, on ne pourra s'en servir du tout en 2012.

6/ La conclusion est claire : on a présentement du mal à tenir nos ambitions, alors qu'on est au milieu de la déflation/réforme. En clair : aujourd'hui, on ne touche plus à l'épiderme, ni même à la graisse, on a déjà tapé dans le muscle. Aller plus loin dans les réductions (et il faut le dire à l'orée de cette campagne électorale), cela voudrait aller jusqu'à l'os. Avec une Europe désarmée. Et une Amérique qui du coup s'en irait, car elle aussi a moins de moyens, et n'a plus besoin de l'Europe. Une Europe désarmée et sans alliés.

Peut-être, après tout, faut-il aller si bas !

O. Kempf


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