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Elu/es : toutes et tous concerné/es par les violences faites aux femmes

Publié le 13 juin 2011 par Micheltabanou

Je reprends ici cet appel qui répond en écho à mes convictions

Il y a 10 ans paraissaient les premiers résultats de l’enquête ENVEFF (Enquête Nationale sur les Violences Envers les Femmes en France). Cette enquête statistique, commanditée par le Service des Droits des femmes et le Secrétariat d’Etat aux Droits des femmes, a permis de chiffrer pour la première fois en France l’ampleur de ce problème. En nommant et comptant les violences faites aux femmes, une prise de conscience s’est opérée sur la nature éminemment politique et sociétale du phénomène, et la nécessité de mettre en place des politiques pour lutter contre. Dans ce même mouvement de prise de conscience, nous lancions « l’Appel des Concerné/es » en 2003, dans lequel nous affirmions la nécessité en tant que responsables politiques de nous saisir de ce problème : « Elus locaux ou élues locales, membres de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Parlement européen, signataires du présent Appel, nous sommes concerné/es par les violences faites aux femmes. Nous nous engageons à mener dans nos communes, nos départements, nos régions et nos parlements, les actions nécessaires pour dénoncer et faire cesser cette violence ». Cet Appel constitue le texte fondateur de l’association des « Elu/es contre les violences faites aux femmes ».

Aujourd’hui, nous affirmons que nous sommes toujours concerné/es. Nous vous appelons à signer un nouvel appel

Un homme politique français de premier plan a été accusé d’agression sexuelle et de tentative de viol, le 15 mai 2011, par une femme de chambre d’un hôtel new-yorkais. Il a été arrêté et inculpé de sept chefs d’accusation pour lesquels il encourt au maximum plus de 70 ans de prison (acte sexuel criminel au premier degré - par deux fois, tentative de viol au premier degré, agression sexuelle au premier degré, emprisonnement illégal au second degré, attouchements non consentis, agression sexuelle au troisième degré), puis libéré sous caution et maintenu en résidence hautement surveillée. La jeune femme, quant à elle, a du quitter provisoirement son logement et son travail et a été placée sous protection policière. Dans l’attente d’un procès, qui déterminera la culpabilité ou non de l’ « agresseur présumé », nous souhaitons faire part de notre indignation face aux déclarations publiques d’un certain nombre de personnalités politiques, intellectuelles et médiatiques, suite à cette arrestation puis inculpation.

La parole des femmes mise en doute

Nous constatons, qu’au nom de la présomption d’innocence, c’est encore une fois la parole de la femme qui dénonce des violences qui est mise en doute. Les injonctions à « laisser la justice faire son travail » masquent mal des stratégies de défense du prévenu, de la part de certain/es de ses pair/es. Qu’ils et elles développent une rhétorique du complot ou se situent dans le registre de la compassion vis-à-vis de leur ami et collègue, c’est bien l’agresseur présumé qui apparaît comme la victime de cette affaire, avant même que le jugement n’ait été rendu.

Nous déplorons, en comparaison, le manque d’attention général porté à cette jeune femme de ménage, veuve et mère d’une adolescente, d’origine guinéenne et immigrée aux Etats-Unis, qui, si les faits sont avérés, a été victime d’une agression sexuelle très grave, dont les conséquences sur sa vie seront multiples et incommensurables. Nous estimons qu’elle a droit à la présomption de véracité, au même titre que celui qu’elle accuse a droit à la présomption d’innocence. Les propos scandaleux tenus sur la plaignante, du fait de son sexe, de son statut social et de son origine, montrent à quel point les violences faites aux femmes sont toujours appréhendées selon des préjugés sexistes et inégalitaires.

Un traitement médiatique révélateur de l’attitude de la société vis-à-vis des violences faites aux femmes

Au-delà de cette affaire particulière, le traitement médiatique et les discours de ces personnalités de premier plan sont révélateurs de la tolérance profonde qui règne dans notre société vis-à-vis des violences faites aux femmes, et notamment des violences sexuelles, malgré la reconnaissance de leur gravité au niveau législatif. Le viol est un crime depuis la loi de 1980.

Des statistiques éloquentes

Nous rappelons que les statistiques des violences sexuelles à l’encontre des femmes sont terribles : selon l’enquête INSEE de 2008, 496 000 femmes avaient subi un viol, un attouchement sexuel ou une tentative de viol en France au cours des années 2005 et 2006. Par ailleurs, les études établissent clairement que non seulement ces violences concernent tous les milieux sociaux, mais aussi qu’il y a une surdétermination quand l’homme est en situation de « toute puissance » (sociale, économique, symbolique, etc) vis-à-vis de sa victime.

La parole va-t-elle se libérer ?

Ces chiffres et ces éléments sociologiques sur les violences faites aux femmes montrent qu’il n’est pas aussi invraisemblable qu’on veut nous le faire penser qu’une femme de chambre dise la vérité quand elle porte des accusations de ce type contre un des hommes les plus puissants du monde politico-économique. Depuis, le procureur d’Evry a ouvert une enquête pour agressions sexuelles et viols, suite à la plainte de deux ex-salariées, à l’encontre d’un député-maire. Devant cette mise en cause, celui-ci a été conduit à démissionner de son poste de secrétaire d’Etat à la fonction publique. D’autres affaires de ce type qui concernent des personnalités publiques pourraient également être dévoilées. En effet, depuis plusieurs jours, des femmes osent un peu lever le tabou sur le machisme ambiant, et au-delà, sur d’éventuelles agressions sexuelles, notamment dans la sphère politique.

Toujours concerné/es ! Le nouvel appel à signer :

Nous, élus locaux ou élues locales, d’EPCI, de conseil général ou régional, membres de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Parlement européen, venu/es de tous horizons démocratiques, nous réaffirmons qu’il est de la responsabilité des dirigeant/es politiques de prendre au sérieux les violences faites aux femmes et de se saisir de ce problème. Nous nous engageons à mettre en place des politiques publiques de prévention, d’information et de lutte contre ces violences. Nous considérons que ce combat est indissociable de celui plus global pour l’égalité femmes-hommes.

Nous en appelons à la responsabilité individuelle des responsables politiques que nous sommes, et dénonçons les solidarisations multiples de certain/es d’entre eux/elles avec des agresseurs potentiels ou avérés, soit au titre de la solidarité partisane, soit au titre d’une solidarité des élites (politiques, économiques, journalistiques, intellectuelles et culturelles). Ces comportements sont en contradiction totale non seulement avec les valeurs affichées et portées par les programmes de leurs partis politiques et défendues par eux/elles dans d’autres circonstances, mais aussi avec l’idée même de l’engagement et du mandat politique.

Nous nous déclarons avant tout solidaires des femmes victimes potentielles ou avérées de violences sexistes et sexuelles, et nous exigeons que leur parole ne soit plus systématiquement ignorée ou disqualifiée.

Nous interpellons enfin les instances dirigeantes des partis politiques, afin qu’elles prennent leurs responsabilités et fassent preuve de fermeté vis-à-vis de ces questions graves. Nous demandons que chaque parti appelle, en fonction du respect de ses valeurs, à ne pas accepter dans ses rangs des élus condamnés à titre définitif pour tout acte de violence à l’encontre des femmes, et à suspendre provisoirement les élus condamnés à titre provisoire, dans l’attente des jugements définitifs.

La lutte contre les violences faites aux femmes sous toutes leurs formes ne peut se faire que de manière globale et cohérente, avec une réelle volonté politique.

Nous appelons les responsables et les partis politiques tout comme les médias et les personnalités intellectuelles, les acteurs économiques et socioculturels, à mettre fin à l’omerta et à la tolérance vis-à-vis des violences sexistes et sexuelles, et à prendre réellement conscience de la gravité de ces problèmes et de l’urgence qu’il y a à lutter contre.

Juin 2011


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